Abandon

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    Je me sens si seul.

    J’ai tellement froid ce soir, abandonné dans la rue comme un malpropre.

    Ça ne fait même pas une heure que tu m’as laissé et déjà ta chaleur me manque, absorbée par le vent, transpercée par la pluie glaciale qui me ruisselle dessus.

    Anéanti.

    C’est le bon mot pour exprimer le rien qui me remplit. Comment pourrais-je continuer sans toi pour me combler l’existence ? Je n’en ai même pas envie.

    J’aimais tellement quand, au beau milieu de la nuit tu venais te blottir contre moi. Tu remontais tes genoux sous ton menton en prenant bien soin de passer ton immense t-shirt informe par-dessus. Puis tu les enserrais avec tes bras et tu te mettais à pleurer jusqu’à l’aube froide, dure, comme la pointe de tes seins que je sentais parfois quand tu changeais de position. Moins dure toutefois, que les os de tes fesses anecdotiques. Néanmoins, c’était bon de les sentir sur moi jusqu’à n’en plus pouvoir.

    Maintenant c’est déjà un souvenir, il me brûle et je ne peux m’en défaire. Pour l’instant je souffre de savoir qu’il faudra m’en séparer. S’imprégner de toi pendant des heures me comblait. Combien de temps faudra-t-il pour qu’il devienne tiède et supportable ?

    Je défaille rien qu’à repenser à toi quand il t’arrivait de te mettre sur moi et de te caresser sans vergogne à t’en faire rougir les doigts ainsi que les murs et probablement les voisins, qui ne devaient pas en perdre une miette.

    Quelle torture que de revoir ces scènes sachant qu’elles n’arriveront plus jamais.

    Je t’aimais, même lorsque dans tes accès d’autodestruction tu entaillais ton corps à coups de lame de cutter. Quelquefois le mien aussi, emportée par l’élan. Ton sang me coulait dessus, et moi je l’absorbais, pour devenir une partie de toi. C’était malsain je l’admets, cela dit, j’appréciais que d’une autre façon tu t’offres encore à moi.

    Ensuite tu m’abandonnais quelques jours et me regardais avec dégoût, comme tu te regardais dans la glace dans ces moments-là. Les traces que tu me laissais te rappelaient ta culpabilité, jusqu’à ce que tu finisses par la dépasser et que tu me revenais.

    Je t’en prie, saigne encore, lacère-moi si tu veux, mais reviens-moi !

    Il t’arrivait aussi de temps à autre de jouer avec un homme. Je n’étais pas vraiment à l’aise, mais pour toi j’aurais tout accepté, du moment que tu restes. Sentir vos peaux tour à tour finissait par m’enivrer. Pour finir en apothéose de sueur, de cyprine et de semence. J’adorais quand tu m’essuyais avec ton air mi-coupable, mi-salope. Je me serais accommodé de la situation bien longtemps encore si tu l’avais voulu.

    Que ne donnerais-je pour revoir ton sourire apaisé  ?

    Ceci n’arrivera plus.

    Tu as versé jusqu’à ta dernière goutte. Même pas sur moi, tu es tombée avant, trop affaiblie pour te relever. Je n’ai eu de toi qu’à peine une caresse de ta main qui essayait de m’attraper. En vain.

    Puis nous sommes restés ainsi tous les deux, plusieurs jours dans le calme de la mort, moi m’imprégnant de ton odeur putride. Odeur qui a dû attirer les voisins puisque des gens ont fini par défoncer la porte et t’arracher à moi, me laissant seul. Jusqu’à ce soir, en me retrouvant sur le trottoir.

    Le jour se lève sur une nuit de détresse et des quelques contacts abjects de passants égarés.

    Un camion s’arrête devant moi. Deux hommes en descendent et s’approchent. Ils me saisissent par les pieds et les accoudoirs et d’un geste vif me balancent dans la benne.

 

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AbandonChapitre8 messages | 7 ans

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