Chapitre 99 : samedi 13 août 2005

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Le séjour de Lawra et John s'achevait et Mickaël avait bien l'intention de le faire se terminer en beauté. Il voulait emmener leurs amis chez Al et, aussi, leur offrir un repas gastronomique. Ce matin-là, il s'était levé assez tôt pour se rendre au marché et ramener le nécessaire pour le dîner. Ils passèrent une matinée tranquille, profitant du jardin de Mummy, d'autant qu'ils étaient rentrés tard la veille de Skye. Ils déjeunèrent d'un repas léger avant de prendre la route pour la vallée de la Spey. Sam était bien entendu partant pour cette escapade et Mummy les accompagna. Elle ne s'était pas rendue chez Al depuis de longs mois et était contente de le revoir, ainsi que Meg. De plus, c'était un endroit qu'elle aimait beaucoup.

Quand ils arrivèrent devant la petite distillerie, Lawra comprit mieux pourquoi Mickaël tenait tant à les amener ici. Et pourquoi Mummy les accompagnait. La vallée, sauvage, était magnifique, et la distillerie elle-même dégageait un certain mystère, et un charme certain. Un peu de brume montait de la vallée.

Al les accueillit avec la même simplicité que lors de leur précédente visite et il adressa un petit sourire entendu à Mickaël en le voyant revenir avec Maureen. Il était aussi ravi de voir Mummy et tous deux se mirent à discuter, prenant des nouvelles de connaissances et d'amis communs. Sam se dit que ça allait être chaud pour les préparations du soir, si ça commençait comme cela. Heureusement, Meg était là, et ce fut elle qui prit en main la dégustation.

Lawra s'étonna des connaissances de la jeune femme, de la façon dont elle parlait avec Mickaël, Sam et John, des détails qu'elle apportait. Maureen devina qu'elle gardait jalousement ses secrets de fabrication et que Mickaël ne franchissait pas certaines limites, ne lui posait pas de questions trop précises. Il respectait ses secrets comme il le faisait avec Al. Elle se dit qu'elle l'aimait aussi pour cela, cette façon qu'il avait d'être avec les gens, d'être attentif à eux, de respecter ce qu'ils étaient, ce qu'ils faisaient.

Les deux jeunes femmes se laissèrent tenter par l'un des whiskys, le trente ans d'âge, que Mickaël leur coupa avec de l'eau. Al le regarda faire, ses yeux pétillaient en voyant les visages appréciateurs des amis de Mickaël. Mais il ne sortit pas sa cuvée spéciale de cinquante ans. Maureen n'y fit d'ailleurs pas allusion. Cela faisait aussi partie des petits secrets du vieux monsieur. Mummy, quant à elle, accepta un petit verre du quinze ans d'âge, qu'elle sirota lentement, à toutes petites lampées.

- J'aime beaucoup celui-là, Al, lui dit-elle. Il n'est pas trop fort, mais déjà mature. Il développe aussi beaucoup de parfums. Plus jeune, il est encore trop précoce, pas assez affiné, et plus vieux, il est trop fort pour moi. Mais je comprends que les garçons aiment !

Mickaël sourit à sa grand-mère en l'entendant parler. Elle buvait très rarement du whisky, ne touchait jamais aux bouteilles achetées pour la plupart par Mickaël lui-même. Parfois, un visiteur se servait ; elles étaient plus là pour être bues par son père, Jimmy ou lui-même et des amis.

John repartit avec deux bouteilles, une de vingt ans et une de trente, et Lawra se dit que le passage à la douane allait vraiment, vraiment, leur coûter cher. Elle comprenait cependant le plaisir de son mari, grand amateur de whiskys irlandais, à découvrir avec de si bons guides les crus écossais.

En quittant la distillerie, Mickaël s'adressa à John et lui demanda :

- Alors, John, pas trop déçu par rapport au Talisker ?

- Je l'ai déjà oublié... sourit ce dernier. Hier, c'était le grand jeu, aujourd'hui, c'était le paradis.

- C'est un endroit unique au monde, dit Mickaël avec admiration. Unique. Et Al est un ami qui compte beaucoup pour moi.

- Tu étais déjà venue, Maureen ? demanda John.

- Oui... répondit-elle en souriant. Et je suis très heureuse que vous ayez apprécié et que Mickaël ait mis cette visite à votre programme.

- Je crois qu'il aurait été dommage de la manquer... fit Lawra. Et tant pis pour le compte en banque !

- Ca va, chérie, j'ai pas dépassé mon budget...

- Pour l'heure, sourit-elle. Car il reste la douane à passer...

- Ah, parle pas de choses désagréables, veux-tu ?

**

Dès leur retour à la maison, Sam et Mickaël investirent la cuisine. Maureen et Lawra s'activèrent à ranger les affaires pour être tous prêts à repartir le lendemain matin, pas trop tard. Si John et Lawra passaient encore quelques jours en Ecosse, à Edimbourg notamment, Maureen et Mickaël allaient partir pour Ullapool pour y prendre le ferry pour Lewis. Les traversées n'étaient pas nombreuses, et il avait réservé un passage pour le début d'après-midi. Ils ne devraient pas traîner le lendemain pour quitter Fort William.

Quand elles en eurent terminé avec les bagages, Maureen proposa une dernière promenade à ses amis, vers le sommet du Ben Nevis. Mummy déclina l'invitation, arguant qu'il lui fallait veiller sur les deux cuisiniers pour qu'ils ne mettent pas trop le bazar dans sa cuisine, selon ses propres mots.

Ils purent monter jusqu'au plus haut point accessible en voiture, car, cette fois, il n'y avait plus de neige, contrairement à la première fois où Maureen était venue. Il restait cependant quelques congères dans les creux abrités et sur le versant nord. La vue était à couper le souffle et John et Lawra furent très heureux d'être montés jusqu'ici.

- On aperçoit la maison de Mummy, d'ici, dit Maureen en désignant un petit point sur leur gauche, assez loin. Et là-bas, vous pouvez voir les montagnes de Skye, celles de la vallée de Glen Shiel, on voit nettement les Cinq Sœurs, et puis, sur la droite, le début du Great Glen.

John acquiesça et s'amusa avec son fils à tenter de lui faire apercevoir le monstre du Loch Ness, même si le loch n'était pas visible.

Maureen et Lawra s'éloignèrent de quelques pas. Cette dernière dit :

- C'était une super semaine, ma belle. John est vraiment content de son séjour et moi, je suis ravie et enchantée par tout. Les paysages, les balades, Mummy, Mickaël...

Maureen rit.

- Oui, tu l'as bien choisi... sourit Lawra. Je suis tellement heureuse pour toi ! Vous allez si bien ensemble... C'était déjà flagrant quand je vous ai vus, à la sortie du ferry, mais ça l'est chaque jour de plus en plus... On sent... On sent tout ce qui vous lie, rien qu'à vous voir ensemble.

- Merci, Lawra. Tu sais... Je suis tellement heureuse avec lui ! Tellement...

Lawra prit son amie dans ses bras. Elles s'étreignirent un long moment. John les regarda en souriant.

- Tu le méritais bien. Je t'avais dit que cela arriverait... Qu'il y avait un homme pour toi, un homme qui t'attendait, qui espérait te rencontrer et qui te rendrait heureuse. Je vais repartir vraiment très sereine à Dublin, maintenant.

- Tu t'inquiétais ? demanda Maureen en s'écartant d'elle.

- Un peu, forcément, oui, dit Lawra. Surtout après l'histoire avec l'autre cuisinière... Non que je doutais de Mickaël, sa réaction me donnait confiance, mais je craignais que cela ne t'ait marquée à nouveau, que tu souffres à nouveau, malgré son amour à lui.

- Hum, je comprends, dit Maureen. Mais ça va, maintenant, tu sais.

Elles firent quelques pas en silence, puis Maureen reprit :

- Tu sais, Lawra, un jour, Mickaël m'a dit qu'il n'avait pas le pouvoir d'effacer les tristes souvenirs, mais qu'il avait celui d'en inventer de nouveaux, des heureux. Qu'on devait envisager les choses ainsi, s'inventer de nouveaux souvenirs. Et c'est ce qu'on a encore fait cette semaine et qu'on va faire la semaine prochaine, sur Lewis, j'en suis certaine.

- J'en suis certaine aussi, sourit Lawra. Oui, j'en suis certaine.

**

Quand ils regagnèrent la maison de Mummy, de bonnes odeurs émanaient de la cuisine. Maureen se demandait bien ce que les deux jeunes gens leur préparaient, même si elle savait que Mickaël avait trouvé du poisson à sa convenance. Elle et Mummy, aidées par Lawra et John, préparèrent la table. L'entrée dans la cuisine leur était interdite. Mickaël et Sam étaient assez fiers de leur coup et de leur présenter un repas de chefs. Coquillages cuits au four, avec diverses petites sauces, beurre d'escargot, chapelure, crème agrémentée de curry ou de jus de tomate, puis les petits poissons en papillotes avec un émincé de poireaux, à la crème et au citron. Quant au dessert, ils avaient réalisé un délicieux gâteau au chocolat, avec diverses couches, chacune étant plus ou moins chargée en chocolat.

Le repas fut très chaleureux, agrémenté d'un Savennières que Mickaël avait apporté de sa propre cave, pour l'occasion. John l'apprécia autant que les whiskys et Mummy affichait un sourire ravi.

Au dessert, Maureen s'amusa à goûter chacune des couches de chocolat séparément. A la première, elle se pencha vers Mickaël et lui dit :

- Celle-là, tu as mis un peu de whisky dedans, non ?

- Pas mal... Continue, tu es bien partie ! sourit-il.

- Hum... La deuxième, ah, je reconnais ! Bergamote…

- Tout à fait. Ca te rappelle quelque chose, non ?

- Parfaitement, sourit-elle en retour.

Puis elle goûta la dernière couche, la plus forte en chocolat. Le parfum qui l'accompagnait la surprit un peu.

- Fruits rouges... Attends, ne me dis pas, je vais essayer de trouver.

Lawra qui avait attaqué son dessert sans faire de distinction entre les différentes parties du gâteau - même si elle avait perçu certains parfums - s'arrêta de manger et observa son amie et Mickaël. Là, à nouveau, elle mesura leur complicité, et plus encore, cette manière commune qu'ils avaient d'appréhender ce qui les entourait, que ce soit un paysage ou un plat. Elle nota que Maureen était très concentrée, le regard fixé sur son assiette, les sourcils légèrement froncés.

- Pas mûre, ni cassis, qui sont trop forts. C'est plus doux… Ce n'est pas de la cerise non plus… et encore moins de la fraise, énuméra-t-elle comme pour éliminer différentes possibilités.

Mickaël sourit, attendit. Sam les observait lui aussi, amusé. Maureen reprit une deuxième bouchée, puis leva sa petite cuillère en signe de victoire :

- Myrtille.

- Bravo !

- Elle devient trop forte, ta Princesse, Micky, soupira Sam. On ne va plus pouvoir lui faire de surprises !

- Mais si... Et c'est bien qu'elle trouve, non ? fit-il.

- Je n'aurais jamais décelé tout cela, dit Lawra. J'ai bien senti qu'il y avait des parfums différents, mais de là à les identifier…

- Je commence à avoir de la pratique, répondit Maureen avec humilité.

- Et tu as un bon professeur aussi, souligna John.

- Pas un bon, un des meilleurs ! lança Sam.

- Bon, ce gâteau, vous le mangez ou vous le regardez ? dit Mickaël. Il est meilleur un peu frais…

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