Chapitre 93 : dimanche 7 août 2005

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Véra, Lawra, Maureen et Mummy prenaient tranquillement leur petit déjeuner. Elles avaient lancé des paris sur le premier des garçons qui serait levé. Chacune avait sa petite idée.

- On peut dire qu'ils auront bien commencé leurs vacances... soupira Lawra. Qu'est-ce que vous allez penser de mon mari, Mummy !

- S'il n'avait pas suivi les autres, on aurait dit que c'était un petit joueur, rétorqua Véra avec un grand sourire. En tout cas, Sam ne sera pas le premier. Il ronfle comme une vieille locomotive !

- Heureusement que vous savez conduire, les filles... Je ne laisserais le volant à aucun d'entre eux aujourd'hui !

- Vous venez avec nous, Mummy ? demanda Maureen, pleine d'espoir.

- Oui, oui, je vais venir, répondit-elle. Aller jusqu'à Mull, ça ne fait pas trop de route et cela fait bien longtemps que je n'y suis allée. Et puis, vous aurez bien besoin de moi pour tenir ces trois gaillards-là... Déjà, ils vont faire un arrêt obligatoire à la distillerie d'Oban... Mickaël et Sam pourront toujours arguer qu'il faut en ramener à Harris, je pense que ce brave homme a les épaules bien larges !

- Dire que Mickaël ne voulait pas partir trop tard, qu'on ait le temps de se promener... Il est déjà presque 10h... soupira Maureen.

- Ne vous souciez pas de nous, intervint Véra. On partira tranquillement quand on sera prêt, même après vous.

- Tu as ta clé, de toute façon, dit sa grand-mère. Tu fermeras la maison.

- Oui. En tout cas, j'espère que vous passerez un aussi bon séjour que nous ! On a eu de la chance avec le temps, juste deux averses...

- On fera peut-être moins, sourit Lawra. Ah, tiens, j'entends du bruit. Alors, qui a gagné ?

Le premier à oser franchir la porte de la cuisine fut Mickaël. Les cheveux complètement ébouriffés, le visage portant encore la marque de l'oreiller, les yeux dans le vague, il avait cependant le sourire.

- Bonjour à toutes ! Hum... Ca sent bon ! Qu'est-ce que tu as préparé, Mummy ?

- Des brioches, répondit sa grand-mère.

- Une quantité monstrueuse de brioches ! Il fallait bien cela pour vous éponger, lança Véra. Vous êtes des tonneaux ambulants !

- Oh, hé, tout doux, la frangine, répliqua-t-il. Je ne suis plus soul. D'ailleurs, je ne l'étais pas, hier soir. Demande à Maureen !

La jeune femme pouffa. Il voulut déposer un baiser sur ses lèvres, mais elle le repoussa gentiment en faisant la grimace :

- Tu pues le whisky... Il va te falloir attendre un petit peu pour avoir droit à mes lèvres !

Mickaël soupira. Il aurait dû attendre que l'un des autres hommes soit réveillé. Ce n'était pas une bonne idée que d'affronter les quatre femmes le premier...

**

Il leur fallut l'aide de Kevin et de Léony pour réussir à lever Sam, couché dans le canapé. Après un bon repas et une douche, ils furent tous à peu près capables de prendre la route. Néanmoins, ce furent Maureen et Lawra qui conduisirent. Mummy était montée avec John et Lawra, Sam s'était rendormi sur la banquette arrière de la voiture de Maureen.

- Lawra est peut-être ta meilleure amie, dit Mickaël, mais tu l'as bien choisie : son mari est à la hauteur !

- Vous n'allez pas faire cela tous les soirs, quand même ? lui demanda la jeune femme avec un soupçon d'inquiétude dans la voix.

- Non, fit-il. On va être sérieux. Hier soir, on avait tous besoin d'évacuer...

- Ca, on peut le dire... Et encore, vous n'avez pas touché à la gniole de ton grand-père...

Mickaël jeta un regard innocent par la fenêtre.

- Si ?

- Juste un petit verre... pour digérer. Tu pourras vérifier au retour ! Le niveau n'a pas beaucoup baissé !

Maureen leva les yeux vers le ciel, puis demanda :

- Bon, guide-moi, là. Je prends par où ?

- C'est facile, expliqua-t-il. Tu prends comme si on repartait vers Glencoe. Sauf qu'on va longer le Loch Linnhe tout du long, jusqu'à Oban. Tu ne te souviens pas de la route ?

- Je ne conduisais pas et c'était dans l'autre sens... Ok, je vois.

Ils arrivèrent à Oban, après un peu plus d'une heure de route. Sam n'avait pas ouvert l'œil du trajet. John avait repris le dessus en regardant les paysages et en écoutant avec intérêt Mummy leur raconter son arrivée en Ecosse, toute jeune femme.

- Vous vous êtes mariés en France ? demanda-t-il.

- Oui, répondit Mummy. Mon père ne m'aurait pas laissée partir autrement... Et ma mère, encore moins ! Déjà, partir avec un soldat, un Ecossais... Même si on avait beaucoup d'admiration dans la famille pour les aviateurs anglais, pour tous ces soldats qui étaient venus libérer la France... quand même.

- Et vous vous êtes plu, ici ?

- Complètement. J'ai aimé dès que je suis arrivée. On était passé par Edimbourg, c'était compliqué à l'époque de voyager. On avait mis plusieurs jours à monter jusqu'ici, depuis le sud de l'Angleterre... Et je ne compte pas la traversée de la Manche ! Avec la guerre, les bombardements allemands qui avaient fait des dégâts en Angleterre aussi. La reconstruction était en marche, mais loin d'être terminée...

- Vous ne vous êtes pas sentie perdue ? demanda Lawra.

- Pas du tout ! La différence, c'était qu'au lieu d'élever des vaches, ici, on élevait des moutons... Et puis, à l'époque, beaucoup de gens parlaient un peu français. On aime beaucoup les Français, en Ecosse, ça m'a aidée. J'ai vite appris la langue, ça me semblait facile. Par contre, j'écris toujours très mal. Je fais beaucoup de fautes, mais je n'ai pas forcément besoin d'écrire beaucoup en anglais. Quand j'écris aux enfants, je le fais toujours en français. Ils me comprennent sans difficulté.

- Ah, Maureen s'arrête, fit John.

- On arrive à l'embarcadère, expliqua Mummy.

Mickaël et Maureen sortirent de la voiture, firent quelques pas pour rejoindre leurs amis, arrêtés sur le côté eux aussi.

- On va prendre le bac, dès maintenant, dit Mickaël. Il n'est pas tard et on aura le temps de se promener avant de rejoindre Salen ce soir. J'ai réservé les chambres là-bas.

- Tu veux faire le Ross demain ? demanda Mummy.

- Oui, et toute la pointe nord aujourd'hui. Et au retour, on s'arrêtera à la distillerie d'Oban... pour John, dit-il avec malice.

- Tu veux qu'on déjeune à bord ou on attend d'être arrivés ? demanda Maureen. Vous, les hommes, vous avez déjeuné tard, mais nous...

- On en a pour 1h30 de traversée environ, précisa Mickaël. Ce sera comme vous voudrez. Je pense cependant que c'est aussi simple de manger à bord. Comme ça, on part direct vers Tobermory en débarquant. On ne perdra pas de temps.

Les autres approuvèrent. Sam s'était éloigné pour fumer sa cigarette et revint vers eux :

- C'est quoi, le deal ? fit-il.

- On mange à bord, répondit Mummy. Et tu me lâches ça, Sam ! gronda-t-elle encore.

Il lui fit un grand sourire et s'éloigna un peu. Mais ne lâcha pas sa cigarette.

**

Ils ne tardèrent pas à embarquer et s'installèrent tous sur le pont avant. Les contours de Mull se dessinaient de l'autre côté du bras de mer, ainsi que ceux de la presqu'île de Morven. Ils doublèrent la pointe sud de l'île de Lismore et Mickaël désigna quelques endroits où il s'était rendu, plus jeune, avec Sam et Willy. Tous firent honneur au pique-nique préparé par Mummy et John trouva délicieux le pâté de lapin.

- Heureusement que Mummy avait emmené un grand pot, lui lança Sam. Sinon, y'en a qui auraient été obligés de faire l'impasse. T'as un bon coup de coude, John, mais t'as un bon coup de fourchette aussi !

- Je pense que je ferai honneur à vos talents, Sam. Que ce soit pour la viande ou pour le poisson, je ne suis pas difficile, lui répondit le mari de Lawra avec un sourire.

Alors qu'ils approchaient de Mull, ils virent se découper les tours du château de Duart. Une fois rendus sur l'île, ils changèrent un peu la composition des voitures : Sam échangea sa place avec Lawra et ce fut Mickaël qui prit le volant pour permettre à Maureen et Lawra d'admirer la vue. Il s'engagea sur la route côtière qui longeait le Sound of Mull, l'étroit bras de mer entre l'île et Morven.

- En face, expliqua-t-il, c'est la presqu'île de Morven. On y était passé, au printemps, ma douce, sur la partie nord, pas celle que l'on voit d'ici, quand nous nous étions promenés avec Mummy.

- Oui, je vois... Tu veux nous faire faire le tour de la pointe, là, c'est ça ? demanda Maureen en jetant un coup d'œil sur la carte, posée sur ses genoux.

- Oui, ça va nous permettre de voir dès aujourd'hui pas mal de choses. En deux petites journées, on a le temps de faire le tour de l'île, même si ce ne sont que de toutes petites routes. Là, tu vois, Lawra, on est sur l'autoroute de Mull.

- Non ? fit-elle en riant.

- Je te jure. C'est la seule route à deux voies. Toutes les autres sont des single roads.

- C'est pire qu'en Irlande ! fit-elle. Mais cela a sûrement son charme...

Après une petite étape au port coloré de Tobermory et un arrêt à la distillerie - pour John, fit remarquer Sam qui repartit lui-même avec deux bouteilles -, ils s'engagèrent sur une toute petite route et Lawra comprit mieux alors ce que Mickaël avait voulu dire en parlant de "l'autoroute" de Mull. Ils s'arrêtèrent près de la baie de Calgary, c'était là que Mickaël pensait faire une bonne pause, pour permettre à sa grand-mère de se remettre de la route, à Kevin de se défouler et à tous de se détendre sur la magnifique plage de sable blanc.

- Le premier à l'eau a droit à...

- On sait, Sam ! le coupa Maureen en riant.

- Ah, mais, ce n'est pas ce que tu crois, Princesse ! Faut pas imaginer qu'on ait tout le temps envie de t'embrasser !

- Quel goujat ! J'ai bien envie de te laisser ici ! lui répliqua-t-elle d'un ton faussement outragé.

- Pas grave, John ne m'abandonnera pas, lui, dit Sam avec assurance.

- Bon, alors, le premier à l'eau a droit à quoi ? demanda Lawra, curieuse.

- Une tarte aux pommes pour lui tout seul ! conclut-il.

Mummy qui posait tranquillement ses affaires sur le sable, se retourna vers lui et dit :

- Sam ! Tu es le pire gourmand, alcoolique et fumeur que je connaisse !

- Pourtant, ton petit-fils fait pire que moi, Mummy ! protesta-t-il.

- J'aimerais bien voir ça !

- Y'a qu'à lui demander...

Pendant qu'il causait, Sam en oubliait de se mettre en maillot et ce furent finalement Maureen, Lawra et Kevin qui furent les premiers à goûter l'eau.

- Les garçons sont encore un peu imbibés, à mon avis, dit Lawra.

- Je le crois aussi. La dernière fois qu'on a fait ce concours-là, sur Arran, Sam l'avait gagné haut la main ! rit Maureen.

- Cette plage est magnifique ! Et le sable si blanc ! s'extasia Lawra en s'avançant vers la mer.

- On a des endroits un peu semblables, en Irlande, dit son amie.

- Oui, mais pas aussi grandioses... Ici les falaises, la montagne... pfiu... Je suis enchantée ! Il faut que je prenne quelques photos...

Ils repartirent en fin d'après-midi, en longeant le Loch Tuath, admirant l'île d'Ulva, de l'autre côté du bras de mer, puis ils longèrent le Loch Na Keal, avant de rejoindre Salen pour y passer la nuit.

Le soir

- Tu as aimé cette journée, ma douce ? demanda Mickaël à l'oreille de Maureen.

- Oui, cette île est superbe, répondit-elle avec enchantement.

- J'aime beaucoup venir sur Mull, dit-il. C'est très sauvage et grandiose. On reviendra y passer vraiment plusieurs jours, on randonnera... Je t'emmènerai voir des plages à te faire rêver...

- Celle de Calgary m'a déjà fait rêver, tu sais, dit-elle en souriant.

Ils sortaient tout juste du pub où ils avaient dîné. Ils ne s'y étaient pas attardés à cause de Kevin qui donnait des signes de fatigue. De plus, Mickaël voulait partir assez tôt le lendemain matin pour qu'ils aient le temps de faire le Ross, la pointe sud de Mull. Il envisageait aussi une excursion jusque sur l'île de Staffa, pour l'après-midi, puis ils rentreraient à Fort William en toute fin de journée.

Mummy marchait un peu lentement, à côté d'eux. Mickaël avait calé son pas sur celui de sa grand-mère. Lawra et John les devançaient, Kevin s'était accroché aux bras de son père. Sam était en arrière et fumait.

- Ta chambre est confortable, Mummy ? demanda son petit-fils.

- Oui, très bien. Très bon choix.

- Il n'est pas facile de trouver des hébergements sur Mull. Là, il y avait de la place et une chambre au rez-de-chaussée, je me suis dit que c'était l'idéal.

- Tu as bien fait.

- J'avais commencé à chercher à Tobermory, mais ça faisait trop de route pour demain. La configuration de l'île ne rend pas les choses faciles pour cela...

Maureen hocha la tête : elle l'avait bien deviné en étudiant la carte routière. Aussi pensait-elle que Mickaël avait fait le choix le plus judicieux.

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