Chapitre 45 : mercredi 25 mai 2005

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Ce midi-là, exceptionnellement, Mickaël avait prévu de ne pas déjeuner avec Maureen, mais de se rendre chez ses parents. La jeune femme avait parfaitement compris son souhait. Après tout, avant de la connaître, il les voyait au moins une fois par semaine, le midi, et généralement le mercredi car il pouvait profiter de la présence de Léony. Sa mère ne travaillant plus qu'à mi-temps, comme secrétaire, elle pouvait ainsi consacrer du temps à ses enfants et surtout, à sa petite-fille. Ce midi donc, ce serait aussi pour Mickaël l'occasion de revoir sa nièce.

Il arriva assez tôt chez ses parents, son père n'était pas encore rentré du travail. Il voulut aider sa mère, mais Léony le monopolisa bien vite. La petite fille était en train de dessiner et avait besoin de son oncle pour écrire les noms de ceux à qui elle voulait en faire cadeau. Le premier était pour Mummy et représentait un chien dans un jardin plein de fleurs.

Dès que son père arriva, ils se mirent à table, ce dernier devant repartir tôt.

- Nous étions heureux de rencontrer Maureen, dit Ingrid en apportant le plat principal.

- Elle aussi était contente de vous rencontrer, répondit Mickaël.

- Vous viendrez bien déjeuner un dimanche midi, avant l'été ? poursuivit-elle. On pourra dire à Véra de venir aussi. Je suis certaine que ta sœur sera ravie de faire sa connaissance.

- Je pense qu'on pourra, dit Mickaël.

Léony l'interrompit à ce moment-là :

- Tonton, tu m'aides ?

- Ok, pitchoune.

Et il s'employa à découper sa viande en petits morceaux. Henry reprit la conversation :

- Tu sembles prudent, Mickaël, il y a un souci ?

- Non... pas vraiment. Simplement, Maureen n'a pas eu une vie facile jusqu'à présent et j'ai vite compris qu'il ne fallait pas la bousculer. Elle prend confiance, cependant.

Ses parents échangèrent un bref regard. Tous deux se comprirent sans avoir eu besoin d'échanger le moindre mot. Sa mère poursuivit :

- Tu nous avais dit que tu nous expliquerais certaines choses, Mickaël. Nous ne voulons pas faire d'impairs non plus. Nous espérons d'ailleurs ne pas en avoir fait dimanche...

- Nullement, maman, répondit-il en souriant, je te rassure. Ca s'est très bien passé. Et Maureen était vraiment contente de vous avoir rencontrés. Seulement, voilà, elle a quitté l'Irlande, il y a presque un an, à la fin de l'été dernier, parce qu'elle voulait reprendre sa vie en main.

Il avala deux bouchées, ses parents attendaient la suite. Il reprit :

- Elle a été mariée, elle avait tout juste dix-huit ans. Ca s'est mal passé. Son mari, enfin, son ex-mari, était très autoritaire, et égoïste aussi. Leur couple a rapidement battu de l'aile, et c'est elle qui a finalement demandé le divorce. Cela n'a pas été facile, mais une fois qu'elle l'a obtenu, elle a fait le choix de partir. Son arrivée à Glasgow relève du pur hasard, mais elle s'y plaît. Et pas qu'à cause de moi, sourit-il légèrement.

- Et bien... laissa échapper son père qui ne s'attendait vraiment pas à de telles révélations.

- Elle paraît pourtant toute jeunette encore... fit remarquer Ingrid avec un soupçon de tendresse dans la voix. Dire qu'elle a été mariée ! Cela semble difficile à croire.

- C'est pourtant la vérité, dit Mickaël. Et en Irlande, c'est fréquent. On se marie encore tôt, sans forcément avoir beaucoup de recul, et encore moins d'expérience de la vie.

Sa mère hocha la tête, compréhensive :

- Je comprends mieux pourquoi il lui est difficile, peut-être même douloureux, de parler de l'Irlande.

- Son ex-mari n'est pas la seule raison, ajouta Mickaël. Ses parents sont des catholiques fervents et, pour eux, le divorce est une hérésie. Ils ne l'ont pas du tout soutenue. Les ponts sont quasiment coupés avec eux. Elle leur a écrit, à Noël, et envoie aussi un petit mot pour chacun des anniversaires, que ce soit pour ses parents ou ses frères et sœurs - ils sont huit enfants en tout -, mais elle n'a reçu de réponse que d'un de ses frères pour l'instant, l'aîné, et des réponses assez laconiques.

- Elle repart à zéro, alors... dit son père en se levant pour ramener son assiette et pour prendre un laitage en dessert.

Il n'avait plus qu'une dizaine de minutes devant lui avant de devoir repartir.

- C'est quasiment cela, oui, papa, fit Mickaël.

- Tonton, là, c'est trop dur le morceau... dit Léony en tendant son assiette à son oncle.

- Montre, pitchoune... Ah oui, il y a un petit nerf... laisse. Tiens, prends la carotte, là. Juste le petit morceau. Comment tu le trouves ?

- Bon ! fit la fillette avec un grand sourire.

- Mais encore ?

- Bon ! répéta-t-elle encore.

- Ok, ok... Salé ou sucré ?

La petite fille réfléchit un peu.

- Salé, mais... un petit peu sucré aussi.

Mickaël afficha un grand sourire. Ouf, tout n'était pas perdu...

- Bon, je ne m'attarde pas... poursuivit Henry. Content de t'avoir vu ce midi, fils. Je soutiens ta mère : j'espère que vous viendrez déjeuner un dimanche. Et si tu estimes que c'est aller trop vite en besogne, on ne vous recevra d'abord que tous les deux...

- Je vous dirai cela. Merci, p'pa. Bon après-midi.

Sa mère amena alors le dessert : elle avait réalisé des petites crèmes à différents parfums, caramel, vanille, orange. La recette de Mummy que Mickaël avait améliorée, avec quelques ajouts légers d'épices.

- Tu as le temps pour un thé, Mickaël ? proposa-t-elle.

Il jeta un œil à l'horloge :

- Oui, oui. Ca va. Je peux me permettre d'arriver entre 14h et 14h30 aujourd'hui.

Après son dessert, Léony fila jouer dans sa chambre, l'ancienne de sa maman. Ingrid et Mickaël passèrent au salon pour prendre le thé.

- Maman, je ne veux pas que vous vous inquiétiez pour Maureen et moi, reprit-il. Je sais que sa situation peut surprendre, mais on est vraiment bien ensemble. Je peux partager beaucoup de choses avec elle, bien plus qu'avec Betty. Un peu comme avec Ann-Aël, tu vois ?

- Hum, oui, dit sa mère.

Ingrid n'avait jamais eu l'occasion de faire la connaissance de la première petite amie de son fils, mais il leur en avait parlé. Elle savait aussi qu'ils avaient gardé contact. Mickaël continua :

- Maureen a de la curiosité, aussi, et de la joie de vivre, même si vous n'avez pas forcément eu l'occasion de le voir.

- Elle a surtout du courage, je crois, fit remarquer sa mère.

- Beaucoup.

Mickaël n'ajouta rien et pensa en lui-même : "Et ce n'est pas peu dire".

Ingrid changea de sujet de conversation et demanda :

- Comment as-tu trouvé ta grand-mère ?

- Bien, fit Mickaël. Elle va bien. Elle me fait marrer avec ses excuses à deux balles pour ne pas venir nous voir... Mais je pense l'avoir à l'usure. Je suis prêt à tenir les paris qu'elle viendra à Glasgow avant l'été.

- Ce serait bien. Maintenant que vous êtes grands, elle estime ne pas avoir besoin de venir aussi souvent... Pourtant, elle aimait bien nous rendre visite, même quand papa était encore là.

- C'est ce que je m'efforce de lui faire comprendre... Tu sais qu'elle nous a accompagnés jusqu'à Mallaig ? Bon, elle ne fait pas de très longues marches, mais on s'est bien promené quand même. Et là, avec le printemps, elle passe ses journées dans son jardin.

- Oui, c'est bien. Tu sais, parfois, je m'inquiète de la savoir toute seule. Elle prend de l'âge, quand même.

- Sven et John passent souvent. Ses copines aussi. Il y en a toujours de disponibles pour l'emmener faire ses courses. Et il lui arrive encore de descendre en ville à pied. Quand il fait beau, bien entendu...

- On ne la décrochera pas de là-bas, c'est certain, sourit Ingrid avec tendresse.

- Si tu veux la faire mourir prématurément, c'est le meilleur moyen d'y parvenir. Non, elle finira sa vie là-bas, je l'espère. Mais je ne pense pas qu'elle ait l'intention de passer l'arme à gauche tout de suite...

- Je m'en doute.

- Vous irez la voir cet été ? demanda encore Mickaël.

- Oui, bien sûr. En juillet un petit peu et puis fin août... Puisque vous y serez durant plusieurs semaines, entre ta sœur et toi. On ira après. Histoire d'allonger nos présences avec elle...

Mickaël sourit : il aimait bien ce genre de projet, pour veiller sur sa grand-mère. Ses grands-parents paternels étaient plus proches, géographiquement parlant, et ses parents leur rendaient visite en moyenne deux fois par mois. Il se demanda en lui-même à quelle occasion il pourrait leur présenter Maureen et se promit d'essayer de programmer cette visite avant le mois de juillet, car ce serait une période assez chargée pour lui au travail, avec le festival de musique qui durait deux semaines. Il aurait des journées très remplies durant cette période et préférait toujours rester tranquille les jours de repos.

L'heure tournait, il termina son thé, embrassa sa mère et sa nièce, puis repartit pour le restaurant.

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