Chapitre 165 : samedi 28 janvier 2006

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La semaine avait passé. Le retour au travail avait aidé Maureen à reprendre de la distance. La présence, aimante, de Mickaël, celle chaleureuse de Jenn et d'Ingrid, l'avaient aidée. Maintenant, il lui fallait aller de l'avant. Mickaël voulait l'emmener à Edimbourg la semaine prochaine, pour changer d'air, se promener. Et voir la capitale sous la neige.

La veille au soir, elle avait dîné chez Ingrid et Henry. Ils l'avaient gentiment bichonnée, Henry se montrant toujours aussi ironique que d'habitude et Ingrid pleine d'empathie. Mickaël avait prévenu ses parents de ce qui s'était passé et ils voulaient veiller à remonter le moral de la jeune femme. Henry avait notamment plaisanté quant au repas qu'ils avaient préparé pour elle, arguant qu'elle mangerait certainement mieux ce samedi soir, puisqu'ils dîneraient tous en famille au restaurant, pour son propre anniversaire. Cette perspective avait ramené un peu de couleurs et un léger sourire sur son visage. Mais quand, alors qu'Henry débarrassait et s'occupait de faire la vaisselle, Ingrid était venue s'asseoir à ses côtés sur le canapé après lui avoir proposé un petit thé Doux, Maureen n'avait pu se retenir et avait fondu en larmes. La mère de Mickaël l'avait prise dans ses bras et l'avait longuement bercée. Henry avait passé la tête par la porte et sur un signe de sa femme, il était retourné à la cuisine, fermant la porte derrière lui pour les laisser entre femmes, pour favoriser ainsi, peut-être, quelques confidences de la part de Maureen.

Si Ingrid avait espéré que la jeune femme se confierait un peu à elle sur ce qui était arrivé à Dublin, elle ne s'était cependant pas attendue à ce que Maureen lui parle aussi de ses parents, de leur attitude, et encore moins, de Brian. Elle avait ainsi tout raconté à Ingrid. Tout. Pas seulement ce qui venait de se produire, l'esclandre avec sa mère, mais aussi ce que Brian lui avait fait. L'adultère. La honte. La peur. La défiance. Et aussi l'amitié de Lawra, le renouveau. Ce sentiment parfois aussi de vaciller encore. Et l'amour. L'amour qu'elle éprouvait pour Mickaël. L'amour que Mickaël lui portait. Ingrid avait écouté. Comme Lawra hier. Et avait conclu, alors qu'elle essuyait encore quelques larmes :

- Maintenant, tu dois regarder vers l'avenir, Maureen. Vers demain. Allez, ma fille. Respire.

**

En fermant sa boutique ce soir-là, après avoir servi deux messieurs très sympathiques qui avaient rivalisé entre eux pour obtenir le plus gros et le plus beau bouquet qu'elle pouvait leur confectionner car ils voulaient faire chacun une surprise, l'un à sa femme et à l'autre à sa petite amie, Maureen se sentit mieux. Certes, ces deux derniers clients lui avaient redonné le sourire, et même fait rire, lui permettant de terminer sa journée de travail sur une note joyeuse, mais elle pensait aussi à la soirée qui l'attendait. Ingrid avait décidé d'offrir le repas au restaurant pour l'anniversaire d'Henry, en l'invitant ainsi que Jimmy et Véra. Elle avait tenté de faire revenir sa mère à Glasgow au cours de la semaine, en vain. Quant à ses beaux-parents, ils seraient présents le lendemain, date exacte de l'anniversaire d'Henry. Véra avait prévu d'aller les chercher dans la matinée à Doune.

Maureen se prépara rapidement : elle était très heureuse de retourner dîner au restaurant. Notamment parce qu'elle apprécierait grandement le repas en lui-même, mais aussi pour la perspective de passer une soirée agréable, en famille. Dans sa famille. La différence entre ses parents et ceux de Mickaël l'avait frappée une fois de plus et si elle s'était sentie à nouveau rejetée par les siens, elle était au contraire de plus en plus proche d'Ingrid et Henry. Si ces derniers étaient donc au courant de ce qui s'était produit en début de semaine, ce n'était pas le cas pour Jimmy et Véra, et elle en fut contente : elle n'avait pas envie de ressasser et ne voulait pas non plus assombrir la soirée avec des échanges tristes.

Ingrid et Henry passèrent la chercher et ils retrouvèrent Jimmy et Véra au restaurant. Ils étaient arrivés peu de temps avant eux et avaient déjà pris place à table. Pour l'occasion, Harris avait choisi de les installer à une des tables rondes, ce qu'il proposait toujours pour les convives en nombre impair, afin qu'il n'y en ait pas un à se retrouver sans vis-à-vis.

Ingrid et Maureen furent les seules à prendre le menu découverte en poisson et elles dînèrent au champagne. Henry se permit une petite conversation amusante avec Timothy quand celui-ci vint leur proposer un choix de vins pour accompagner leurs menus.

- Ah, Timothy, j'ai cru entendre dire que vous aviez voyagé récemment...

- En effet, Monsieur, répondit-il avec un petit sourire.

- Alors, voyez-vous, je suis bien curieux de goûter un vin que vous auriez ramené... J'ai notamment entendu quelques paroles élogieuses concernant certains vins de Bourgogne...

- Hélas, Monsieur, je le regrette, mais il ne va pas vous être possible de les goûter ce soir...

- Vous n'avez pas reçu votre commande ?

- Elle vient tout juste d'arriver. Du moins, pour le Bourgogne. Nous devrions recevoir bientôt les autres vins. Mais il faut les laisser reposer... D'ici un mois environ, un mois et demi, nous commencerons à les mettre à la carte. Je reconnais cependant que nous avons trouvé quelques belles choses... J'espère que cela plaira aussi à notre clientèle...

- Il faudrait que la clientèle soit difficile pour renoncer à ce que Mickaël et vous avez choisi... dit Ingrid en souriant.

- Nous espérons faire plaisir... fit le sommelier avant d'ajouter : bien, j'ai cru comprendre que vous prendriez trois menus découverte en viande, et deux en poisson. Mesdames, souhaitez-vous un vin blanc pour l'accompagner ?

- Je ne boirai pas beaucoup, dit Maureen en s'adressant autant à Ingrid qu'à Timothy.

- Alors, nous ferons le repas au champagne, dit la maman de Mickaël. Cela me va très bien, Maureen, ajouta-t-elle sur un ton de confidence. Je pense que mon mari et les enfants préféreront un vin rouge pour leur repas.

- Effectivement, dit Henry. Bourgogne, cela vous ira ? fit-il à Véra et Jimmy.

- Il faudrait être difficile pour choisir autre chose, papa, dit Véra en souriant.

- Je vous laisse donc le choix, Timothy, dit Henry. Mais champagne pour l'apéritif pour tout le monde, bien entendu.

- Je l'avais bien deviné ainsi, Monsieur, répondit le sommelier en souriant. Je vous mets deux bouteilles ?

- Ce sera parfait. Et donc, une de rouge, dit Henry pour conclure.

Maureen sourit. Elle se sentait détendue et vraiment heureuse d'être là, après ces journées difficiles et des moments éprouvants pour elle. Encore une fois, l'ambiance feutrée du restaurant, les petits mots des serveuses, d'Harris ou de Lisbeth, la disponibilité de Timothy, et la présence d'Ingrid, Henry, Jimmy et Véra, lui firent du bien. Et elle avait vraiment l'intention d'en profiter au mieux.

Elle se régala de la soupe de poisson qui lui fut servie en entrée, puis du morceau de barbue accompagné de riz, de poireaux émincés et d'une sauce délicieuse. En voyant sa première assiette arriver, Véra ne put s'empêcher de faire remarquer :

- Mon petit frère est toujours aussi romantique... Tu es la seule à avoir droit à une rose rouge...

- Je trouve cette attention absolument délicieuse, dit Ingrid. Cela avait beaucoup plu à Mummy également.

- De toute façon, dès qu'il s'agit de cuisine, Mickaël peut bien faire tout et n'importe quoi, ça plaît forcément à Mummy, dit Véra en souriant avec tendresse.

- Je te corrige, ma fille, dit Henry. Ton frère ne fait jamais n'importe quoi avec la nourriture...

En dessert, Maureen choisit celui à la pomme et Ingrid un dessert aux fruits exotiques, légèrement différent de celui qu'elle avait pris lors du repas d'anniversaire de la jeune femme. Henry, sa fille et son gendre choisirent eux le thé gourmand. Comme pour l'anniversaire de Maureen, Mickaël passa à ce moment-là dans la salle pour les saluer et apporter l'assiette de son père, décorée de deux bougies.

- C'est toujours plaisant de prendre une année de plus dans ces conditions, fils. Merci beaucoup. Nous avons très bien mangé. Mais... Hum... Je m'offrirais bien un petit whisky avec mon dessert... Que me conseilles-tu ?

- Avec ce qu'il y a dans ton assiette, un Talisker, sans hésiter, répondit-il. Il faut quelque chose qui puisse tenir face au sucre. Je vais dire à Harris de te le servir.

- Merci.

- Vous avez bien mangé ? demanda Mickaël en s'adressant maintenant au reste de la famille.

- J'ai encore un petit creux, dit Jimmy qui louchait légèrement sur son assiette.

- Et toi, ma douce ? fit-il en glissant doucement sa main sur la nuque de Maureen.

- C'était très bon. La soupe était délicieuse...

- Je l'ai faite avec le jus de cuisson des coquillages. Et un peu de beurre salé, lui souffla-t-il à l'oreille.

Elle lui sourit doucement en retour. Il se sentit rassuré : la tristesse avait disparu de son regard et il sut qu'elle avait, au moins pour quelques heures, oublié ce qui s'était passé à Dublin.

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