Chapitre 151 : vendredi 6 janvier 2006

7 minutes de lecture

- Hum, ma douce...

- Oui ? lui répondit la voix ensommeillée de Maureen.

- Tu dors encore ?

- Oui... A moitié... Pourquoi ?

- Il va faire beau.

- Ah ?

Mickaël se redressa légèrement dans le lit, sourit en voyant Maureen complètement recroquevillée sous la couette, juste le bout de son nez dépassait. C'était peut-être ce qu'il appréciait le plus au cours de ces journées de vacances : avoir le temps de la voir se réveiller, pouvoir traîner au lit, sans être bousculés, sans obligations si ce n'était la faim et la perspective d'un bon petit déjeuner façon Mummy. Il se pencha vers elle, lui murmura quelques mots à l'oreille :

- J'adore ton premier regard, le matin.

- Et moi, j'adore tes premiers mots... lui répondit-elle, sans ouvrir encore les yeux.

Il ne répondit rien, la regarda avec bonheur. Puis il se pencha vers elle, caressa son visage de son souffle avant de déposer un baiser sur chacune de ses paupières. Elle bougea légèrement, ses jambes se déplièrent et vinrent se coller contre les siennes. Il ferma un instant les yeux, encore et toujours incapable de résister à la douceur infinie de sa peau, ce velouté qui l'émouvait tant et plus.

- Mais ce n'est pas parce qu'il fait beau qu'on est obligés de se lever tout de suite... ajouta-t-il en la prenant dans ses bras.

**

Ce fut après le déjeuner qu'ils partirent tous les trois en promenade. Quand Mickaël avait fait part à sa grand-mère de son souhait d'aller saluer Al et Meg, cette dernière s'était dite partante pour les accompagner. Maureen voulut prendre place à l'arrière de la voiture, pour que Mummy soit assise plus confortablement, mais celle-ci refusa :

- Je connais bien la route, Maureen. Toi, tu vas la voir pour la première fois en hiver. Il faut que tu en profites... J'espère qu'il n'y aura pas de neige dans la vallée, à bloquer la route...

- On verra, dit Mickaël. On verra... Meg m'a dit que c'était dégagé.

Il lui avait téléphoné deux jours plus tôt et l'avait ainsi prévenue de leur prochaine visite.

Le ciel était bien clair. Mickaël avait eu raison de dire au réveil qu'une belle journée s'annonçait. Les montagnes enneigées se découpaient nettement sur le bleu froid du ciel. Il n'y avait que quelques petits nuages blancs.

Les lieux parurent encore plus déserts à Maureen que lors de leurs deux précédentes visites. Malgré des journées grises et brumeuses, elle découvrait la région dans une atmosphère bien différente et cela lui plaisait aussi beaucoup. "Le charme des Highlands n'agit pas qu'à la belle saison", songea-t-elle alors que Mickaël s'engageait dans la vallée menant à la distillerie. Si la route était déneigée, les champs alentours étaient tout blancs.

- Je n'ai pas l'impression d'être au même endroit que l'été dernier, confia-t-elle alors à Mickaël. C'est... reposant, aussi. La neige ajoute encore au sentiment d'immensité.

- Oui, c'est vrai, répondit-il. Surtout quand le temps est dégagé comme aujourd'hui. On a parfois vraiment l'impression d'être seul au monde. Ca peut donner un sentiment d'ivresse aussi, voire de vertige.

A l'arrière de la voiture, Mummy opina. Maureen partageait ce sentiment : elle devinait qu'en effet, cela pouvait aussi être écrasant. Elle sourit en voyant se dessiner, après plusieurs virages, le bâtiment isolé de la distillerie. Dès que Mickaël arrêta la voiture, la porte s'en ouvrit et Meg apparut sur le seuil.

- Bonjour, Mickaël. Bonjour, Maureen. Bonjour, Mummy. Quelle joie de vous voir ! Vous allez bien ?

- Bonjour, Meg, répondit Mummy. Oui, nous allons bien et toi ?

- Très bien ! Venez, entrez... Il ne fait pas chaud, n'est-ce pas ?

Ils la suivirent bien vite à l'intérieur de la distillerie. Meg les invita à s'asseoir autour de la petite table ronde. Al arriva à cet instant et les salua de même. Il fit d'abord la bise à Mummy, puis dit, en s'adressant à Mickaël :

- Tu as déjà bu tout ce que tu avais acheté la dernière fois, Mickaël ? Pour revenir aussi vite ?

- Non, Al, rit-il. Je te rassure. Je savoure ton breuvage à petites gorgées... J'ai entamé la cinquante. Avec Maureen.

Le vieux monsieur lança un petit regard qui pétillait de malice à l'adresse de la jeune femme qui lui sourit chaleureusement en retour. Puis il échangea un regard plein de sous-entendus avec Mummy. Cette dernière n'avait rien perdu de leur échange et s'il lui était resté le moindre doute concernant la relation entre son petit-fils et la jeune femme, elle en aurait été rassurée grâce à cette courte phrase de Mickaël. Mais elle n'avait aucun doute et ce, depuis longtemps.

- Nous sommes venus pour vous souhaiter une bonne année, dit Mickaël. Et puis, ça promène Mummy. Elle aime bien venir vous voir. Et nous avons aussi quelque chose pour vous.

- Ah oui ? demanda Meg, curieuse, alors qu'elle disposait déjà des verres sur la table.

Mickaël sortit soigneusement un paquet enveloppé et le tendit à Meg.

- Chose originale, une bouteille ! s'exclama Al qui avait bien deviné de quoi il s'agissait à la forme du paquet.

Il avait pris place lui aussi dans un des fauteuils, laissant ainsi à Meg le soin d'orchestrer la dégustation.

- Mais pas n'importe quelle bouteille, répondit Mickaël avec un clin d'œil.

- Tu veux l'ouvrir, papi ? proposa Meg.

- Honneur aux dames... répondit-il en faisant un petit geste de la main.

Meg ouvrit le paquet et son visage afficha une grande surprise :

- Oh ! Cela vient de France ?

- Oui, répondit Mickaël. De Normandie. C'est du Calva. Un vieux, aussi. Un qui a été fabriqué pour être apprécié par la deuxième ou troisième génération à venir. J'avais missionné papa pour qu'il la ramène pour vous.

- C'est très gentil, sourit Meg. Hum, cela me rappelle quelque chose... Ainsi, il y a en France des gens qui travaillent ainsi ? Ce n'est pas étonnant, au fond... Cela se boit en digestif ?

- Comme le whisky, intervint Mummy. C'est à la pomme, précisa-t-elle. C'est très parfumé aussi. Je pense que Mickaël a eu une bonne idée.

- Et moi, je pense que vous serez curieux de le découvrir... renchérit le jeune homme.

- Merci, Mickaël, dit Meg. On ne manquera pas de te donner notre avis !

- A ton prochain passage, compléta Al. Bien, mais vous voulez peut-être quand même goûter quelque chose...

- Avec plaisir... sourit Mickaël.

Meg leur proposa alors plusieurs bouteilles, dont certaines qu'ils avaient goûtées l'été dernier, avec John et Sam. Sachant qu'elle conduirait au retour, Maureen choisit de boire un quinze ans d'âge, mais coupé avec de l'eau. Al se fit un plaisir de lui préparer son verre et la jeune femme nota que, contrairement à ce que Mickaël faisait dans les autres distilleries, là, il laissa Al le faire. Mummy prit le même whisky que Maureen, mais pur.

- Comment s'annonce cette année ? demanda Mickaël en sirotant le deuxième verre que Meg lui avait proposé.

- Pour l'heure, bien, répondit-elle. Mais il est tôt encore et c'est difficile de dire ce que nous pourrons en faire. Papi pense que je peux réussir une bonne première cuvée, qui pourra vieillir longtemps. Je t'avoue que je préférerais une plus "classique", histoire de prendre mes marques, d'avoir un repère.

- Comme si tu manquais de repères, sourit son grand-père.

- Tu n'étais pas plus confiant quand Matt t'a laissé la main, papi ! lui dit-elle.

- C'est juste... Mais mon père était un tyran du whisky, répondit Al. Et je ne pense pas être comme lui...

Meg sourit doucement. Mummy intervint :

- Je confirme, Meg. Matt était adorable, mais il ne laissait pas beaucoup de liberté à ton grand-père... Il tenait sa distillerie d'une main de fer. Et ce n'était pas qu'une expression, car il avait de ces poignes ! Grandes comme un battoir à lessive !

L'expression surprit Maureen et la fit rire aussi.

- Quand Matt et Donan se serraient la main, c'était impressionnant. Ah dam' ! Bou diou, oui ! Il faut avoir vu cela...

Al hocha la tête et sourit doucement :

- Heureusement, un jour, Steven est arrivé avec une petite Française qui a cloué le bec à mon père, juste avec trois mots : "Il est bon, celui-là, Al". Enfin, ça fait un peu plus que trois mots... Et, de ce jour, il m'a laissé faire... Même s'il ne comprenait pas toujours ce que j'avais en tête.

- Grand bien lui a fait ! soupira Mickaël. Sans cela...

- Sans cela, j'aurais quand même fait du whisky, petit, mais un différent... Ta grand-mère m'a conforté dans mes choix. Bien sûr, j'ai affiné, travaillé certaines choses, mais j'avais confiance. Même si mon père qualifiait mon whisky de "breuvage pour jeune fille vierge"... Aujourd'hui, on s'en amuse et c'est le plus important.

Mickaël sourit. Maureen le regarda et le sentit heureux. Un peu comme avec Daren et Fiona, il évoquait là des gens qu'il avait connus enfant - bien qu'elle doutât soudain qu'il ait connu le père d'Al. Enfin, du moins, il parlait de Steven et aussi de Donan.

Ils prirent vraiment leur temps pour déguster, Mickaël repartit avec une seule bouteille qu'il comptait offrir à son père pour son anniversaire, à la fin du mois. C'était un quarante ans d'âge.

- Un beau cadeau, dit Meg en préparant la bouteille. Ton père va l'apprécier...

- Je pense que oui... Merci pour la dégustation, Meg. Nous reviendrons certainement vous voir au printemps, pour la semaine de relâche, ou au plus tard, cet été.

- Ne vous attardez pas, dit-elle. La nuit tombe vite. Il ne fait pas bon se trouver sur les petites routes de par ici, le soir, en cette saison.

Mickaël hocha la tête. Il n'y avait pas, dans la voix de Meg, qu'une préoccupation concernant d'éventuelles difficultés de circulation. Meg croyait au pouvoir des fées... de celles qui habitaient la lande tout autour.

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