Chapitre 124 : samedi 15 octobre 2005

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Un vent froid se glissait dans les ruelles de Glasgow. Le soir tombait vite en ce mois d'octobre. Après une belle saison de vente au printemps et à l'été, Maureen avait repris un rythme plus calme. Elle ne procédait plus qu'à deux livraisons de fleurs par semaine, ce qui était déjà bien. Cela faisait maintenant plus d'un an qu'elle avait ouvert sa boutique et, sur ces douze premiers mois, elle pouvait estimer avoir réussi son pari. Ses comptes étaient en équilibre et elle envisageait la fin d'année sereinement. Elle commençait aussi à préparer des idées pour les fêtes, de petites compositions aux couleurs de Noël. "Dans deux mois, ce sera Noël", pensa-t-elle en refermant sa boutique ce soir-là. Elle ne disposait plus de plantes au-dehors, car les fréquentes averses les arroseraient trop et les feraient pourrir. Sans compter le vent qui pourrait les faire tomber, les abîmer ou casser les pots.

Au restaurant, cela marchait bien aussi. En fin de semaine, les deux services faisaient le plein. Harris était satisfait. Jonathan travaillait encore avec eux pour trois semaines, Dan devant revenir début novembre. Mickaël avait repris ses tours de criée des mardis, jeudis et samedis matins. Il était complètement dans le rythme. Le dimanche et le lundi, ils se contentaient de sorties dans Glasgow, dans l'un des parcs ou le long de la Clyde. Quand le temps était trop mauvais, il leur arrivait d'aller au cinéma ou, tout simplement, de rester à l'appartement. Ils avaient eu également l'occasion de revoir Shana et William par deux fois et les deux jeunes femmes avaient noué une relation assez amicale.

Ce midi-là, comme les autres samedis depuis la mi-septembre, Mickaël était parti travailler en voiture. Ils laissaient en effet à Sam celle de Maureen pour les deux jours, pour lui permettre d'aller facilement à Fort William. C'était déjà arrivé que Jenn revienne avec lui pour passer quelques jours à Glasgow. Elle devrait le refaire régulièrement. Sam déposait Mickaël dans la nuit, après le service, avant de rentrer chez lui à son tour. Ainsi, il pouvait repartir dès le dimanche dans la matinée, sans les déranger. "Parce que déranger en plein câlin, non, ça le fait pas !", avait-il déclaré lorsque ses amis lui avaient proposé la voiture et qu'ils réfléchissaient à un arrangement.

- Vous êtes certains que vous n'en aurez pas besoin ? avait-il demandé. Et si vous avez envie de vous balader, vous faites comment ?

- Maman nous prêtera sa voiture, si c'est le cas, avait répondu Mickaël. T'inquiète, mais fais gaffe au volant ! Ne va pas avoir un accident...

Maureen se réjouissait d'arriver au week-end. Demain, Sam repartait pour Fort William et Jenn devait revenir avec lui, pour deux semaines. En effet, samedi prochain, ce serait l'anniversaire de Sam et ils avaient prévu une petite fête pour lui, le dimanche. Jenn repartirait sur Fort William après. Lorsqu'elle était venue passer quelques jours à Glasgow, au début du mois, Maureen avait eu l'occasion de la voir, un lundi soir. Ils étaient sortis au pub, avaient passé la soirée ensemble. Elle semblait détendue, heureuse aussi de les revoir Mickaël et elle. Ils avaient passé une soirée agréable, sans discuter de choses graves ou sérieuses, même si Mickaël s'était inquiété de la santé de sa mère. Ils ne s'étaient pas attardés sur la question : la jeune femme était là aussi pour oublier un temps ses soucis et ses inquiétudes.

Maureen regagna rapidement l'appartement de Mickaël, une lettre de Tara dans son sac. Elle n'avait pas encore eu le temps d'en prendre connaissance et préférait de toute façon attendre d'être tranquille, à la maison, pour le faire. Après un rapide repas, elle s'installa au salon, avec un thé. Elle avait choisi Soyeux, ce soir, qu'elle buvait rarement sans Mickaël, mais c'était celui dont elle avait vraiment envie.

Chère Maureen,

Ta dernière lettre m'a fait grand plaisir. Je ressens une grande fatigue depuis deux semaines, ma tension est basse et le médecin m'a conseillé de me reposer le plus possible. Le bébé va bien, ce n'est pas à la maman de flancher, n'est-ce pas ? Maman vient m'aider à la maison, pour le ménage, et je vois aussi tous les jours la maman de Philip qui m'apporte les petites courses nécessaires.

Tes lettres m'apportent un peu de changement dans des journées souvent longues. Heureusement que j'ai aussi de la visite ! J'ai repris la lecture et je fais de nombreux petits tricots pour le bébé. Je m'occupe bien, tu vois.

Je suis contente de savoir que le travail a repris normalement pour toi, que ta boutique tourne bien et que tu envisages avec sérénité la fin d'année. J'essaye de t'imaginer dans ce magasin, comment tu peux travailler, les couleurs autour de toi. Toi qui as toujours tant aimé les fleurs ! Tu ne pouvais sans doute pas trouver un travail qui te convienne mieux que celui-ci ! Est-ce que tu pourras m'envoyer des photos de ta boutique ? Et une aussi de ces petits cadres dont tu m'as parlé l'autre fois ? J'aimerais tant voir ce que tu fais ! J'imagine des choses si jolies... Je me souviens que tu réalisais toujours de si beaux dessins de fleurs... Tu disais que c'était la seule chose que tu parvenais à dessiner correctement ! Tu t'en souviens ?

"Oui, petite sœur, je me souviens... de ces cahiers d'école, les tiens aussi que tu me demandais de décorer ainsi..."

J'ai reçu la visite d'Emily. Elle se porte bien ! Elle a une énergie... Je me demande si je serai comme elle à deux semaines de l'accouchement ! Nous avons passé un bon moment ensemble. Elle était venue juste avec Colm, sa sœur gardait Jolan. Kenneth est passé aussi, un soir, il y a deux jours. Je lui ai dit que j'avais eu de tes nouvelles. Que tu allais bien. Il m'a posé un peu plus de questions sur toi, et cela m'a donc encouragée à lui parler, d'autant que tu m'avais dit souhaiter que je le fasse. Il a été surpris quand je lui ai parlé de Mickaël, mais a été curieux de voir les photos que tu m'avais envoyées. Il n'a rien dit de spécial, ensuite. Je ne sais pas s'il t'écrira. Il m'a juste dit qu'il était content de savoir que tu allais bien.

Comme je te le disais dans ma dernière lettre, les petits frères vont bien. Les premières semaines d'école se sont bien passées pour Matt qui commence le lycée. C'est un bon élève, papa et maman pensent qu'il ira peut-être à l'université s'il continue ainsi. Toby est tombé l'autre jour, dans la cour, m'a dit maman. Cette fois, c'est le genou droit qui a pris... Je crois qu'il faudra attendre longtemps avant de voir notre petit frère sans genoux ou coudes écorchés... Il ne tient pas en place !

Je t'envoie une petite surprise avec cette lettre, je te laisse la découvrir... Je suis certaine que cela te fera plaisir ! Et j'espère aussi que cela te rassurera...

Ma lettre arrivera sans doute avant le week-end. J'espère que tu en passeras un bon avec Mickaël. Je t'embrasse bien fort, ne te fais pas de soucis pour ma fatigue passagère.

Tara

Maureen prit la photo jointe par Tara. Sa sœur était debout, dans la future chambre du bébé, Philip à ses côtés. On voyait déjà nettement son ventre rond. Elle sourit. "D'accord, tu as un peu les yeux cernés, mais ton sourire est réconfortant. Et je devine Philip serein... Alors, c'est que tu vas plutôt bien, en effet."

Son téléphone sonna, interrompant ses pensées. C'était Lawra qui venait aux nouvelles. Elles discutèrent un bon moment, puis la fatigue se faisant sentir, Maureen ne tarda pas à se coucher.

Quand Mickaël rentra, un peu avant 2h du matin, il trouva la théière encore posée sur la table du salon, avec la tasse à demi-remplie, la lettre de Tara ouverte et la photo de la jeune sœur de Maureen, enceinte, avec son mari à ses côtés. Il ne jeta pas un regard à la lettre, prit seulement la photo et la regarda un moment. Les deux sœurs se ressemblaient assez, même si les yeux de Tara étaient différents de ceux de Maureen et qu'elle paraissait un peu plus jeune. Elle avait aussi les cheveux plus longs et plus sombres que Maureen. Il reposa délicatement la photo, ramena la théière et la tasse à la cuisine, les laissa dans l'évier. "Cela pourra attendre demain". Il rangea les restes qu'il avait rapportés du restaurant et qui leur permettraient de faire un copieux repas pour le lendemain.

Un regard par la porte entrebâillée de la chambre, Maureen dormait profondément, au milieu du lit. Il sourit : il allait devoir la pousser un peu ou alors, il allait dormir à moitié en-dehors du lit. Il la rejoignit peu après, la regarda un moment avant de s'allonger. "On ira à Dublin l'année prochaine, mon amour. Je te le promets", songea-t-il alors qu'elle venait se blottir contre lui et qu'il refermait ses bras autour de ses épaules, profitant déjà de sa chaleur.

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