Chapitre 27 : Le pont.

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- Enceinte ?! s’écrièrent presque tous ensemble.

Alicia eut un rictus et amena sa main devant sa bouche pour le cacher, passant l’autre instinctivement sur son tout petit bidon. Les filles ne savaient si elles devaient sauter de joie ou s’inquiéter de cette nouvelle soudaine. Louis regarda fièrement ses compatriotes qui comprenait qu’ils n’avaient pas chômé cet été.

- Et je suppose qu’il s’agit d’une bonne nouvelle ? s’assura directement Chuck.

- Nous avons décidé de le garder, annonça Louis.

- Est-ce que tu es au courant que ça demande beaucoup de responsabilités ? lança Blear d’un ton taquin à Alicia.

- Honnêtement, je suis terrorisée à l’idée de ne pas être une bonne mère, mais la mienne m’a eu presque au même âge. J’ai peur parce que je l’ai perdue durant mon adolescence et je sais que, hésita-t-elle en regardant Blear particulièrement, j’ai manqué un peu d’éducation, pouffa-t-elle ensuite. Je veux être là pour elle, être présente et tenter cette aventure.

- Pour elle ? s’interloqua Michael qui demande ce que les autres n'osèrent pas.

- Alicia est persuadée que ce sera une fille, rit Louis en levant les yeux au ciel.

- Je ne plaisante pas ! s’écria-t-elle en les voyant rire à leurs tours, je ne serais dire pourquoi, mais je le sens, dit-elle en plaçant ses deux mains sur son ventre. Mais que ce soit une fille ou un garçon, il y a une chose dont je suis certaine. J’aimerais que ma fille, mon enfant, se reprit-elle, ait la chance de connaitre une amitié aussi belle que la nôtre. Est-ce que vous verriez un inconvénient à ce nous décidions d’inscrire notre bébé à Saint-Clair, pour qu’il se retrouve en bonne compagnie ? Je rêve peut-être un peu trop, mais j’ose espérer que nos enfants seront amis et qu’ils vivront autant d’aventures que nous en avons vécues. Peut-être même que l’histoire se répétera, même si c’est un risque à prendre et qu’ils auront le pouvoir de rendre heureux chacun d’entre nous ? finit-elle en balayant leurs visages uns par uns.

Les paroles d’Alicia réussirent à les émouvoir, remémorant ses mots dans leurs têtes. Séparés dans le passé, réunis dans le futur, voilà ce qu’elle proposait. La réunion de la prochaine génération Richess leur permettraient-ils de mettre fin à ce système archaïque ? Sans regarder aussi loin, ils s’imaginaient simplement adultes, découvrant que leurs enfants étaient amis en cachette, tout comme ils l’avaient été. C’est le sentiment de nostalgie, alors qu’ils vivaient encore dans le présent, qui trôna dans la salle.

- Alors c’est une promesse ? Celle d’inscrire nos enfants à Saint-Clair, sans même savoir s’ils seront réellement amis un jour ? Pour que nous puissions ne serait-ce qu’avoir une excuse de nous retrouver dans une dizaine d’années ? s’en alla Chuck.

- Alicia, tu sais que nous allons devoir élever nos enfants à la dure ? Avec nos parents derrière, jamais ils n’accepteront une éducation laxiste, expliqua Eglantine.

- C’est bien parce que nous les élèverons de la même manière qu’il y aura une chance qu’ils deviennent amis. Sans interdits, quel intérêt de tenter le diable ? dit alors Marry.

- Nous ne pouvons pas non plus les contrôler dans ce but ! s’exclama Katerina.

- Mais personne ne décidera pour eux, car nous ne pouvons pas réellement contrôler le futur. Moi je veux croire en cette idée, intervint Elliot.

- Je veux y croire aussi, annonça Louis en lançant un regard complice à Alicia, qu’en dites-vous ?

Tandis que chacun acquiesçait à cette idée, Blear baissait les yeux et Michael se grattait les ongles nerveux. Dossan regardait la scène de l’extérieur, appuyé sur une des colonnes en pierre de la classe.

- Nous avons des difficultés à avoir un enfant, c’est-à-dire que nous pensons avoir recous à une mère porteuse, avoua Michael qui tentait de ne pas prêter attention à la mine effarée d’Eglantine. J’espère vraiment être capable de respecter cette promesse. Quoi qu’il arrive, mon enfant sera élevé à la “Richess”, alors savoir qu’il y ait une possibilité qu’il connaisse l’amitié et l’amour à l’état pur, tout en pouvant le vivre, me donne l’envie de dire “oui”.

- Mais sommes-nous vraiment en train de tout miser sur l’enfant d’Alicia et Louis ? Il a toujours été prévu que nos enfants aillent à Saint-Clair et comme vous le dite tous, ils seront éduqués comme nous l’avons été, par la haine de l’autre Richess. C’est présomptueux de croire que parce que votre enfant sera dans la même école…

- Non Blear, ce n’est pas ce que je voulais dire. Je voudrais simplement lui donner la chance, même si elle ne s’élève qu’à un pourcent, de rencontrer vos enfants et de vivre une histoire aussi passionnante que la nôtre. Je veux croire au fait qu’ils seront amis, même si ça ne sera peut-être jamais le cas et c’est pour cette raison que je vous promets, que nous vous promettons, réctifia-t-elle en prenant la main de Louis, que nous mettrons notre fille à Saint-Clair.

- Alicia, tu l’as encore dit, rit celui-ci en lui collant un bisou sur le haut de la tête.

Entre cette promesse et les lapsus d’Alicia, l’ambiance se voulu plus chaleureuse, comme au temps où ils pouvaient encore se regrouper “librement”. Les anciens couples baissèrent légèrement les armes, échangeant des regards complices, tout comme Blear et Alicia. La première se demandait d’où lui venait cette confiance et la deuxième voulait simplement la rassurer. Alors qu’ils riaient presque de bon cœur, la seule personne qui n’avait pas dit un mot depuis le début de cette réunion, brisa enfin le silence.

- Désolé de casser l’ambiance, mais quel est le rapport avec moi ? demanda Dossan d’un ton détaché, les mains dans les poches. Je veux dire, rit-il nerveusement, ce n’est pas comme si j’attendais un bébé, ajouta-t-il alors d’un ton sarcastique.

- Nous voulions annoncer la nouvelle à tout le groupe, tu en fais partie, s’offusqua Louis.

- Et je voulais aussi te faire part de cette promesse…

- Pourquoi ? fit-il la moue, je n’en fais manifestement pas partie. Vos enfants se retrouveront tous à Saint-Clair, comme prévu, mais je ne suis pas près d’avoir un goss, alors pourquoi m’en faire part ? À part me montrer que je ne fais définitivement pas parti de vos projets futurs ?

- Je n’arrive pas à y croire, s’énerva Katerina.

- Parce que… parce que je pensais que tu accepterais d’être le parrain de notre enfant ? avoua timidement Alicia.

À cette nouvelle, Dossan se mit à rire d’une voix forcée qui fit froncer les sourcils à tous ces anciens compagnons.

- Le parrain ? Mais pourquoi faire ? Franchement, ce n’est pas la peine d’essayer de m’intégrer à tout prix dans votre sphère. Je n’en fais plus partie, dit-il d’un ton ferme, montrant toujours une attitude désinvolte.

- Bien sûr que tu en fais encore partie ! lui cria Elliot.

- Tu as ta place dans ce groupe, affirma Louis tandis qu’Alicia regardait le sol, déboussolée.

- Comment peux-tu dire ça ? Même si tu n’as pas d’enfants, même si tu ne peux plus fréquenter les Richess, Louis, toi et moi ? Je pensais qu’on se soutiendrait et je voulais que tu sois le parrain, parce que oui, ça m’importe que tu ais une place dans la vie de notre enfant ! N’as-tu pas envie de voir cette promesse se réaliser ? Je sais que les chances sont minimes, mais je voudrais que tu sois là si c’est le cas !

- Et je devrais attendre combien de temps ? Dix, quinze, vingt ans ?! Je devrais attendre autant de temps qu’une promesse aussi ridicule se réalise ? Retombez sur terre ! Comment pourrais-je gâcher autant d’années de ma vie pour une promesse qui ne me montrera que la solitude ! Si je vous attends, je ne serais jamais...

- Ça veut dire que tu ne m’attendras pas ? Que tu as abandonnée l’idée qu’on se retrouve ?

Dossan se figea lorsque Blear lui balança ses questions à la figure, en colère, les larmes aux yeux. Elle le regardait de tout son soûl, poings fermés, cherchant une once d’humanité dans son regard sombre. Il se referma d’autant plus. Leurs amis n’osèrent alors à les interrompre, alors qu’ils s’échangeaient leurs premiers mots depuis une année.

- N’est-ce pas égoïste ? De penser que je vais attendre quinze ans de ma vie, seul, sans réellement savoir si un jour cette promesse de pacotille se réalisera ? dit-il doucement, mais toujours en colère.

- Pourquoi serais-tu seul ? Et je pensais que, s’arrêta-t-elle pour tenter de garder ses larmes.

- Pourquoi ?! Mais parce que je ne suis pas comme vous ! Quand j’aime c’est pour la vie ! s’écria-t-il en l’affrontant de ses yeux noirs. Moi aussi je veux refaire ma vie ! Moi aussi je veux vivre au bras d’une femme et avoir un enfant ! Seulement, dit-il la gorge serrée, si je m’engage, ce ne sera pas pour trahir cette personne, confia-t-il péniblement. Je ne suis pas capable de sortir avec une personne en pensant que je la quitterais un jour, comment pourrais-je faire infliger autant de peine à la personne qui partageras ma vie ? Mais faudrait-il déjà que je rencontre quelqu’un. En fait, je suis presque sûr que tant que je resterais en contact avec vous, ça n’arrivera pas. Faire partie de vos vies, croire en cette promesse, désolé, mais c’est hors de question, finit-il en emboîtant le pas vers la sortie.

Une grande détresse se fit sentir, personne n’osant l’empêcher de partir, tout en refusant de tout leur cœur qu’il quitte cette pièce : “Que quelqu’un fasse quelque chose”, résonnait dans leurs têtes. Mais comment l’obliger à rester quand il avait raison sur toute la ligne ? Comment le convaincre quand il avait l’air si malheureux ? Comment contraindre un ami à vivre une vie qui ne pouvait lui apporter le bonheur ? Chuck fut le seul à agir égoïstement.

- Et quand est-il de moi ? lança-t-il dans l’espoir de l’arrêter, soulager de le voir écourter sa marche. Tu sais que... je ferais n’importe quoi pour te soutenir, ajouta-t-il dans une tentative désespérée de le voir se retourner. C’est vraiment ce que tu souhaites ? Couper les ponts ? Avec nous… avec moi ? demanda-t-il d’une voix qui tendait à se briser.

- C'est parce que tu es comme tu es, Chuck Ibiss, rit-il tristement sans oser lui accorder un regard, que je ne pourrais…

Dossan n’arriva pas à finir sa phrase, remontant ses yeux vers l’ami qui l’avait tant soutenu pour lui montrer un regard douloureux, remplis de larmes. Ils s’agrandirent légèrement en découvrant l’expression de Chuck, contrôler par un pli parfaitement visible entre ses deux sourcils. Il voulut ajouter quelque chose, sortir ne serait-ce qu’un remerciement de cette gorge remplie de sanglots, mais il n'y arrive pas. Le temps d'un instant, il ferma ses paupières dont les cils se recouvraient de perles. Reprenant de suite son air sombre, il chassa toute culpabilité en retrouvant cette colère qui le dévorait. Il lui tourna le dos pour franchir le pont qu’il n’avait pas encore osé franchir. À ce moment-là chacun fit un pas en avant et s’arrêta dès l’instant où Chuck leva la main. Ils regardèrent longuement le geste de leur ami, cet index qui tremblait et qu'il replia doucement dans son poing. Il fixait la place vide où se trouvait Dossan quelques secondes plus tôt. Tendrement, Blear vint lui attraper le bras, osant un regard vers l’homme le plus puissant qu’elle connaissait. Quand celui-ci sentit la main de Marry se déposer dans son dos, ses mâchoires serrées se mirent à trembler, s’ouvrirent pour laisser échapper un soupir ou plutôt une plainte douloureuse qui se transforma en une grimace. Fièrement, il fit honneur à la larme qui coula sur sa joue en gardant les épaules et la tête haute, comme on s'en attendrait de la part de Chuck Ibiss.

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