Chapitre 22 : "Disparaît".

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- J’aimerais que nous parlions de Blear Je sais que c’est dur à entendre, mais je voudrais que tu t’exprimes sur le sujet. Rester silencieux ne t’aidera pas à guérir de cette peine de cœur…

- Qui vous a dit que je voulais guérir ? répondit-il d’une voix rauque.

- Je ne peux pas te laisser sombrer, mon rôle est de te soutenir et de…

- Pas si je ne viens plus vous voir, dit-il en se levant de sa chaise, m’adressant à peine un regard.

- Je t’assure qu’il est dans ton intérêt de continuer les séances, essayais-je de le retenir.

- Dans quel intérêt dites-moi ?! De souffrir inutilement à vous écouter essayer de m’aider ! explosa-t-il soudainement. J’en ai assez, il n’y à aucune solution !

- Je ne peux t’en empêcher, mais repenses-y…

- C’est bien ça le problème, quand je suis ici, je ne fais que me remémorer tout ce qui me fait mal. Votre rôle est de me soulager, pas de me torturer, ajouta-t-il en me lançant un regard sombre du dessous de ses mèches noires.

- Tu te trompes…

- Ça suffit !! Je ne veux plus vous entendre et je n’aurais plus le temps de venir vous voir de toute façon, dit-il péniblement en agrippant la poignée.

- Est-ce que ça signifie que tu as accepté l’offre de ce groupe ? Te livrer à une telle activité pourrait te faire beaucoup de bien…

- J’ai dit que je n’avais plus rien à faire avec vous, au revoir Madame, finit-il par quitter la pièce à mon grand désarroi.

Le départ de Dossan me fendit le cœur pour deux raisons. La première fut la sensation d’un échec professionnel et la deuxième se voulait plus personnelle. Je m’étais attaché à lui comme s’il s’agissait de mon propre gamin : “Parles-moi !”, voulais-je lui crier. Égoïstement, je voulais qu’il se confie, parce que je voulais qu’il aille mieux.

***

Ce fut la dernière nouvelle que nous avions eu à propos des Richess durant le mois d’août. Blear Makes passait son été à Londres, en compagnie du fils du Lord Singh. L’étrangeté de ces vacances, c’est qu’elle voyait autant son prétendant que le père de son fils. De mon siège de bureau, je me rassurais de ne pas la savoir seule, mais quant était-il de Dossan ? Je le serais vite, pensais-je, car la rentrée arriva rapidement, du moins pour moi.

L’été avait semblé si long à Dossan qu’il n’en revint pas de remettre un pied à l’internat le soir qui précédait la rentrée. Sa mère eut d’autant plus de mal à le quitter que les autres années, sachant qu’il se retrouvait presque seul.

Le flou sur ce qu’il devait faire ne se dissipa pas lorsqu’il arriva devant sa chambre, non pas Blear ou Chuck l’attendant devant la porte, mais bien Louis. Il l’invita à rentrer de suite.

- Je te rapporterais ta guitare un jour où seul ma mère pourra me reconduire, dit-il simplement.

- Mon père a dit que tu pouvais la garder, il souhaite t’en faire cadeau, rien que pour le fait d’être rester mon ami malgré ma maladie. Et je ne suis pas venu pour ça, tu sais ?

- Pourquoi d’autre alors ? demanda-t-il en commençant à ranger ses affaires.

- Que vas-tu faire pour Blear ? Dossan, ne me nie pas, insista-t-il lorsque je ne répondis pas.

- Je ne sais pas…

- Est-ce que… Vous êtes encore ensemble ? Vu les nouvelles…

- Tais-toi ! Ma mère a voulu me le dire aussi, mais je ne veux pas savoir.

- Je savais que tu serais déraisonnable, c’est pour ça que je suis venu, dit-il en m’attrapant par l’épaule.

- Et est-ce que c’est si mal que ça ? se retourna-t-il en colère.

- Non, loin de là, je veux juste te supporter, fit-il en me prenant dans ses bras. Tu as toujours été là pour moi, c’est à toi que je dois le goût de la vie.

- Alors je peux compter sur toi ? dit-il difficilement, le serrant en retour.

- Est-ce que je peux t’aider d’une quelconque manière ?

- Je n’ai pas envie d’être seul ce soir…

- À ton avis, je suis là pourquoi ? répondit-il en lui ébouriffant les cheveux.

Je ne vis Dossan ni en classe, ni à la première pause du matin lorsque je fis ma ronde dans les couloirs et dans la cour. Tout ce que je trouvais, fût des Richess éparpillés et une Blear tout aussi perdue que moi. Marry et Chuck s’en sortaient en puissance, tandis que les autres se voyaient obligé de rester en compagnie de leurs nouveaux partenaires. Il y avait tout de même un malus pour le premier couple, le retour de Pris Dechâteau à l’école. Elle surveillait son futur mari et son ancienne copine de prêt. La jalousie consumerait cette fille au gré des années, j’en étais certaine.

Je ne voulus tenter une approche trop rapide, sans savoir où ils en étaient tous dans leurs relations ? Je leur laisserais au moins cette rentrée tranquille, sans à devoir passer dans mon bureau.

C’est plus tard dans la journée que Dossan se décida enfin à venir à l’école. Non pas en cours, mais dans le local de musique. Il se reposait sur le banc du piano, attendant patiemment que Louis ait fini sa tâche. Les manches de son polo noir glissait le long de ses mains, qu’il ramena en arrière, laissant apparaître la chemise blanche en dessous. Il jouait délicatement avec les touches, élégant dans sa tenue sélectionné avec soin. La mélodie couvrait les pas précipités dans le couloir qui se dirigeait avec hâte vers la salle où il se trouvait. Il y eut un silence, lorsqu’ils s’arrêtèrent devant la porte, hésitants, puis lorsque la musique reprit de plus belle, un coulissement se fit entendre. Dossan ne loupa aucune note malgré sa surprise et s’arrêta de jouer en douceur pour se retourner.

- Blear, souffla-t-il en la découvrant, les joues roses de s’être dépêchée.

Elle ne sut quoi dire en le voyant. Plutôt que de parler, elle rêvait de se jeter dans ses bras et de l’embrasser comme toutes les fois qu’elle l’avait imaginé durant leur séparation. Une seule idée l’en empêcha, celle d’être promise à quelqu’un d’autre. Comment pouvait-il la regarder si tendrement ? Alors qu’il savait qu’elle ne lui appartenait plus. Mais peut-être n’était-il pas au courant ? Lorsqu’il se leva pour lui proposer sa main, elle se tendit.

- Dossan, est-ce que tu sais…

- Chut, fit-il en déposant son doigt sur ses lèvres.


Les grands yeux bleus de Blear s’écarquillèrent, louchant sur l’index qui lui empêchait de prendre la parole. Pendant un instant, elle se délecta du contrôle qu’il avait sur elle, lui renvoyant un regard interdit. Il passa sa main derrière sa nuque, poussant ses cheveux ondulés derrière son épaule pour mieux admirer son visage. Et enfin, il se saisit de sa main pour la mener jusqu’au siège devant le piano. Elle s’y installa, dubitative et excitée en voyant la partition sur le tableau. Un morceau en quatre mains où les paires se mélangeaient pour former une mélodie romantique. Il tourna à peine la tête et lui jeta un regard en coin accompagné d’un petit sourire qui l’invitait à se joindre à lui. Sans hésiter, elle déposa ses doigts sur les noires et les blanches, tout en suivant avec précaution les notes sur la partition. Légèrement fragile sur son début, l’air se construit doucement de leurs petits doigts en mouvement pour se répandre jusque dans le couloir. Au deuxième refrain, Dossan l’observa jouer, son magnifique profil qui rendait ses lèvres si appétissantes, les ondulations de sa chevelure marron et les étoiles dans ses yeux. Plus confiante, elle se tourna vers lui pour faire de même. Et satisfait, il décala une fesse vers Blear, croisant ses jambes au passage. Les yeux plongés dans les siens, il ne s’arrêta pas de jouer une seconde. Déstabilisée, le regard de sa bien-aimée vrillait entre le clavier et ses prunelles qui l’appelait. Suffit de la taquiner, il se replongea sur la partition pour la fin du son qui lui demandait plus de concentration. Cette fois, c’est ses doigts délicats qu’elle observa. Dossan était un être fait de douceur. Comment pouvait-elle lui briser le cœur ? Les dernières notes lui semblèrent durée une éternité, lourdes et mélancoliques. Elle aurait tout de même voulu que ce moment soit éternel. Elle garda la tête baissée un long moment, son cœur s’accélérant à chaque fois qu’elle pensait à lui dire. Lorsqu’il chercha son visage de sa main, elle se releva brusquement, cherchant une échappatoire. Les bras croisés et les mains sur les coudes, tout ce qu’elle regardait ne fut que le sol.

Dossan se leva à son tour et s’avança avec beaucoup de gentillesse vers Blear qui secouait la tête frénétiquement. Elle refusait que ce moment soit arriver. Il l’enlaça par derrière, déposant son menton dans le creux de son épaule. Quand sa bouche gagnait le chemin de son oreille, elle se détacha de son étreinte et lui fit face.

- Je suis promise à un Lord et… il... il est, balbutia-t-elle en découvrant son visage tourmenté. Pourquoi… Pourquoi est-ce que tu ne réagis pas ? ajouta-t-elle lorsqu’il afficha ensuite un triste sourire.

- Parce que ça ne compte pas…

- Quoi ? Mais si ça…

- Je te dis que ça ne compte pas, pas tant que je t’aime…

Des larmes se formèrent dans les yeux de Blear qui comprenait ses mots comme un au revoir. Il amena son pouce pour réceptionner la larme qui glissa sur sa joue. Celle-ci se perdit dans sa chevelure qu’il agrippa doucement pour l’embrasser. Les doigts déposés sur la nuque, d’autres entourant son épaule, il la malmena avec toute la tendresse du monde. Lâchant prise dans ses bras, la chaleur qu’il voulait lui transmettre se répandit dans tout son corps, jusque dans son cœur qui lui criait de ne pas la laisser tomber. Elle s’accrochait avec volonté à la personne qui l’avait sauvé de toutes ses malédictions. Si fort, qu’elle réclama un autre baiser dès l’instant où ses lèvres quittèrent les siennes. Et cette musique continua jusqu’à ce qu’il ait le courage de confronter ses peurs. Le pouce sur sa bouche, il captura son regard, visitant le plus profond de son âme et de la voix la plus cassée qu’il soit, il lui dit :

- Maintenant va-t'en, mais n’oublie pas que je t’aime.

- Je… Non… Dossan, je t’aime… je…

- Je te dis de t’en aller, maintenant ! lui ordonna-t-il en attrapant son visage dans ses mains pour le lâcher de suite.

Elle ressentit comme une pulsion, grandissant dans ses jambes. La force qui les traversa, l’énergie de faire demi-tour, de quitter son regard, il lui donna dans ses dernières paroles. Elle n’écouta pas le coeur qui se déchirait dans sa poitrine, mais l’esprit qui se remémorait ses mots : “cours”. Bientôt, elle détalait dans le couloir vide duquel elle ne semblait jamais voir le bout. Flou, elle ne trouvait plus son chemin et perdue, elle s’arrêta, cherchant des yeux un endroit où se réfugier.

À ce moment-là elle entendit des pas courir en sa direction, mais il ne venait pas de derrière elle. Quand elle vit sa longue chevelure blonde, un instant elle pensa trouvé réconfort, mais Alicia continua son chemin. Elle ne s’était arrêter qu’un instant, redémarrant sa course jusqu’au local de musique, sans une once d’hésitation, laissant Blear s’effondrée derrière elle.

Quand elle défonça la porte sur son passage, Dossan se retourna du siège sur lequel il s’était rassis, les yeux pleins d’espoirs. En découvrant Alicia, il s’affaissa un peu plus et lui lança un sourire crispé qui se déforma quand elle s’approcha pour l’enlacer. Les ongles plantés dans ses épaules, retenant son corps et sa tête de s’écraser contre le clavier du piano, elle resta longuement accrochée à son dos, berçant ses pleurs étouffés par les cris de douleurs.

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