Chapitre 12 : Le plus difficile.

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" Qu’est-ce qui est le plus difficile ?" me demanda la psychologue entre deux de mes explications. Je ne sus quoi répondre à cette question, tellement chaque détail de ma vie me paraissait être une épreuve insurmontable. Bien que je fus obligé de toutes les surpasser.

Elle me demandait à moi, Katerina Hodaïbi, ce qui me paraissait le plus difficile. Sans nul doute, cette femme aurait ma peau. Madame Karen avait ce don pour me faire parler alors que peu de mon entourage y arrivait. J’eus envie de lui dire que l’ensemble des derniers événements me rendait folle, mais je ne le fis pas. Ce qui ne voulut pas dire qu’elle ne percevait pas les émotions que je ne voulais pas transmettre. Elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Cette facilité me permis à mainte reprise de garder le silence sur mes peines ou ma colère. Si bien d’autres étaient aveugles, elle avait les yeux grands ouverts et les oreilles aiguisées. Au début, j’eus vraiment du mal à accepter qu’elle ait réussi à me percer à jour autant que lui ne l’avait fait. Je ne voulais qu’il n’y ait personne d’autre qu’Elliot pour me comprendre. C’était déjà assez humiliant comme ça, de paraître aussi froide et d’être aussi timide en réalité. Quelle honte d’être une Richess de la sorte, je ne faisais pas le poids avec les autres.

Le plus difficile ? Était-ce d’accoucher sur le haut de mes dix-sept-ans ? Nous avions aborder ce sujet en long et en large. Le premier sujet pour lequel je réussis à m’exprimer clairement :

- J aimerais que mon enfant me ressemble, quoi qu’il arrive, avais-je répondu.

- Cette pensée te tracasse plus que le fait d’accoucher à ton jeune âge ? Pourquoi voudrais-tu absolument qu’il te ressemble ?

- Je sais que c’est égoïste, mais je ne veux pas qu’il ressemble à celui qui sera son père.

- Est-ce que cela à un rapport avec Elliot ?

- Non… Je… Je ne veux juste pas qu’il ait les traits de quelqu’un que je n’aime pas, sinon comment pourrais-je l’aimer en retour ?

- C’est tout à fait possible qu’à la naissance l’amour n’arrive pas de suite. La fibre maternelle ne tombe pas du ciel pour toutes les mères. Tu apprendras à être une maman et vu ta personnalité, je n’ai aucune inquiétude pour toi à ce propos.

- Je ne sais pas si j’arriverais à aimer un enfant né d’une union sans amour ? C’est un pur contrat, après tout…

- La chose que j’ai envie de te dire, c’est que tu ne sais pas encore qui sera son père. L’amour pourrait venir…

- Non, jamais, la coupais-je. Jamais comme avec Elliot, c’était le seul…

- Bien sûr, ça ne sera jamais aussi intense qu’avec Elliot, mais il y à tout à parier que tu trouveras quelqu’un de bien. Tu es quelqu’un de réfléchie, la bonne personne pour toi et ton enfant, tu la trouveras.

Je ne voulais croire en ses affirmations et pourtant, elle avait souvent raison. La chose est que je n’avais pas le choix que de faire le bon, pour ne pas vivre trop malheureuse. Si je ne voulais pas trop souffrir, il fallait trouver le bon homme. Ainsi dès notre séparation et lorsque mes parents m’ont initiés aux rendez-vous avec mes prétendants, je me suis impliqué. Si tu ne mets pas la peine de côté Katerina, tu ne te relèveras jamais. Et ce n’est pas ce qu’il voulait pour moi, autant que je voulais son bonheur.

Une dizaine de jeunes hommes ont défilés dans notre demeure, tous plus beaux les uns que les autres. Il semblerait que ma liste ait été bien fournie, mais ce critère ne comptait pas pour mon bien-être futur. À vrai dire, je ne pensais qu’à une seule chose alors que mes parents attendaient bien plus : Quel genre d’homme voulais-je pour l’éducation de mon fils ? C’est tout ce qui importait, d’avoir quelqu’un en qui je pourrais avoir confiance et avec lequel j’accepterais de partager mes gènes.

Il y avait quelque chose d’assez contraignant avec ce fonctionnement. À chaque fois que je m’apprêtais à rencontrer l’un d’eux, j’espérais tomber sur le bon sans vraiment y croire. Et si ce n’était pas le cas, alors devrais-je choisir parmi les précédents ? Il y avait une bonne raison à la poursuite de ses entretiens. Tout simplement car nous avions jugé en famille qu’aucun correspondait à nos attentes. Je ne voulais pas devoir me servir de ce qui avait été jeté à la poubelle. Et je me sentais tellement cruelle de penser de cette manière.

C’est pourquoi lorsque un énième rendez-vous se présenta, je n’eus aucune envie de faire d’effort. Mes parents me regardèrent de travers quand je descendis en tenue de danse, toute en sueur et les cheveux en pagaille. Notre majordome avait déjà fait rentrer le père, pendant que la mère et le garçon en question arrivait.

- Excusez-la, s’empressa de s’apitoyer ma mère. Katerina, il serait judicieux que tu ailles te changer…

- Pourquoi s’embarrasser de ce genre de politesse, alors qu’il s’agira bientôt d’un quotidien ? s’éleva alors une voix fort masculine.

J’avais déjà vu ce gars-là à l’école : très grand, des cheveux sombre autant que son regard et une peau hâlée. Il tendit la main à mes parents, je le trouvais plus impressionnant que mon propre père. L’aura qui se dégageait de lui, bien qu’imposante, me mis particulièrement à l’aise. Il établit le contact facilement en me donnant sa main à mon tour.

- Je m’appelle Armin, mais ça tu le sais déjà, plaisanta-t-il. Ce qu’il faut que tu saches, c’est que je suis venu ici en sachant qu’il serait difficile de surpasser Elliot Fast, ajouta-t-il d’un regard déterminé.

Mes parents se tendirent et les siens n’osèrent rattraper la “bourde” de leurs fils. Je n’eus envie de dire qu’une chose : quel culot ! S’introduire dans ma demeure et me faire front avec une telle présentation, ce gamin avait de quoi me faire sortir de mes gonds. Mais au moins, à l’instar de tous les autres, il avait réussi à attirer mon attention.

- Tu es bien sûr de toi. Quelles sont les raisons de ton choix ? Vu ton nom tu aurais pu postuler auprès des autres familles.

- Tu es la plus belle d’entre toutes, rétorqua-t-il de suite avec un sourire à moitié gêné.

- Les vraies raisons, s’il te plaît, insistais-je sèchement.

- Ma chérie, ne soit pas si…

- Je viens de les dires. J’ai toujours su que je serais dans les listes, mais c’est sur toi que j’ai jeté mon dévolu.

- Il dit vrai, ajouta sa mère. Armin est un bon garçon alors nous lui avons laissé le choix, il n’a pas hésité une seule seconde.

- Et qu’est-ce que tu penses des enfants ?

- C’est tout ce que tu veux savoir ? Je pourrais te raconter ma vie en détails, me jeter des fleurs pour que tu me choisisses…

- Pas besoin, je veux juste que mon enfant soit heureux.

- Notre enfant en l’occurrence, rectifia-t-il. Un père doit être tout aussi présent dans la vie de son enfant, voilà ce que je pense.

- Parfait, adjugé, acquiesçais-je.

- Comme ça ? Sans présentations ? s'étonna-t-il.

- Tu es de loin le meilleur de tous mes prétendants, je suis obligé de choisir alors autant prendre celui qui me parait le plus honnête. De toute façon, si quelque chose ne vas pas, nous prendrons des précautions. Et vu leur silence, je pense qu’ils n’en ont pas besoin de plus, fis-je en montrant nos parents du doigt. Alors, devrais-je changer d’avis ? lui demandais-je en arquant le sourcil.

Il rit simplement en guise de réponse. Cet élan de joie, en contraste avec son physique, me surpris. Alors que j’avais eu besoin d’un compte rendu pour les autres, il avait suffit de quelques mots pour me décider avec Armin. Je voyais en lui tant une figure de puissance que de douceur. L’accepter comme futur mari ne voulait pas dire que je l’acceptais totalement dans ma vie. Je restais distante tandis qu’il essayait doucement de briser mes barrières. Il avait du respect.

Pour revenir à la question de Madame Karen : “Qu’est-ce qui est le plus difficile ?”, je connaissais la réponse. Alors qu’il y avait l’accouchement, les responsabilités, la séparation et le choix d’un homme que je n’aimais pas, l’une de mes plus grandes craintes, fut de le présenter officiellement comme mon partenaire. Je redoutais le jour où j’arriverais en sa compagnie à l’école, où tout le monde saurait qu’il deviendrait Armin Hodaïbi. Les coutumes du pays voulait que ce soit la femme qui prenne le nom de l’homme, mais en tant que Richess il en était autrement. Quel que soit le sexe de la personne que nous allons marier, celle-ci devrait porter le poids de notre nom. Comme Eglantine avait donné le nom Akitorishi à son Islandais, il porterait le mien. C’est d’ailleurs à ma meilleure copine que je le dis en premier. Revenir dans sa chambre et lui partager mes secrets comme une adolescente normale me fit le plus grand bien.

- Je crois que tu as trouvé quelqu’un de bien, me partagea-t-elle de son doux sourire.

- Je n’arrive pas à y croire et en même temps… Est-ce que j’arriverais à l’aimer un jour ? Après Elliot, comment pourrais-je ? lui avouais-je tandis qu’elle s’asseyait à mes côtés. Excuse-moi, je ne fais que parler de moi. Et toi ? Avec ce...

- Jona, l’aida-t-elle à se souvenir. Tu sais, je ne suis pas amoureuse de lui, mais il me traite bien. Je n’ai pas encore eut l’occasion de t’expliquer ce qui m’a poussé à le choisir. J’ai eu la chance que mes entretiens se déroule en tête à tête et voilà ce qu’il m’a dit et qui l’a démarqué de tous les autres : “Je sais que tu n’oublieras jamais Michael, et je souhaite que tu conserves son souvenir, autrement nous ne serrons jamais heureux”.

- Ça veut dire…

- Qu’il accepte d’être avec moi, même s’il y a un risque je ne l’aime jamais. Bon, j’y suis attaché, plaisanta-t-elle en roulant les yeux au ciel. Mais de ce que tu me dis, Armin à l’air de te respecter entièrement. Nous avons de la chance, ça aurait pu être pire. Alors n’ai pas peur de te montrer avec cette personne. Il fallait bien que ça arrive tôt ou tard, dit-elle en me prenant la main.


Eglantine possédait toujours cette douceur qui réussit à me calmer. Je laissais échapper quelques larmes et me réfugiait dans ses bras. J’allais affronter ce qui me faisait tant peur et dès le lundi suivant, le monde appris qui serait le père de mon futur enfant. Armin se tenait fièrement à mes côtés en arrivant à l’école et même si l’angoisse montait, je restais droite. Parce que Katerina Hodaïbi ne montrait jamais ses craintes. Mais l’inévitable se produit, nous croisions Elliot dans la coure. Bien qu’il gardait sa fierté, je le vis se briser de l’intérieur. Il fit concurrence dans la seconde qui suit à Armin qui n’hésita pas à répondre de la même manière. La tension entre Elliot et Chuck n’égalait en rien les éclairs qu’ils se lançaient.

Jamais Elliot n’aurait tenté quelque chose qui me rendrait malheureuse, mais le seul fait de le voir détruit suffisait à me briser le cœur. C’est comme ça que je le vis s’éloigner de plus en plus de tout ce qu’il aimait, s’engouffrant un peu dans le monde du basket et la bibliothèque. Il agissait étrangement et il n’arrivait pas à me duper avec ses faux sourires.

Ce qui fut d’autant plus dure, c’est de faire escale à la bibliothèque pour étudier et de le surprendre en train de discuter avec la fille des Meverald. Ce jour-là je quittais la pièce avec l’intention de ne pas pleurer, mais les larmes tombèrent contre mon gré. Je me réfugiais aux toilettes pour les sécher et dans le miroir je m’observais. Cette fille était tellement différente, tellement plus “Elliot”. Alors qu’il retrouvait sourire grâce à Alice, je ne pouvais m’empêcher de les maudire. Et je ne fus pas surprise de voir dans les journaux qu’elle deviendrait “Alice Fast”. Voilà ce qui était réellement difficile. Je culpabilisais de la haïr, de lui en vouloir, alors qu’il méritait autant que moi d’avoir une personne bienveillante à son bras.


La goutte d’eau qui fit déborder le vase arriva plus vite que je ne le pensais lorsque je croisais Elliot à l’internat. Parce qu’il fallait en plus que sa chambre soit dans la même aile que la mienne. Alors qu’il tentait de ne pas me regarder, je lui jetais un regard noir et c’est là qu’il craqua. Il m’attrapa par le bras et me plaqua contre le mur, fou de rage et fou d’autre chose.


- Arrête de me regarder comme ça, je ne le supporte plus, gronda-t-il.

- Comment ? Je ne…

- Ne me fais pas rire, c’est déjà assez difficile comme ça, me coupa-t-il le regard emplit de douleur.

- Tu as eu vite fait de m’oublier, lâchais-je hors de moi avant de sursauter au poing qu’il claqua contre la paroi.

- J’ai l’air de t’avoir oublié ?! C’est impossible Kat, souffla-t-il ensuite dans le creux de mon oreille.


Je frissonnais à son souffle, à ses doigts qui parcoururent mon cou et son regard brûlant qui appelait le mien. Toute raison s’envola lorsque sa bouche vint se mêler à la mienne, l’extase grimpa et j’en voulais plus lorsqu’il reprit sa respiration, haletante. Par-dessus son épaule, je vis Alice, son regard troublé et ses épaules tombantes. Elliot se retourna brusquement en découvrant la terreur dans mes yeux. À ce moment-là je la vis soupirer et reprendre le contrôle de ses émotions.


- Alice je…

- Je ne suis pas fâchée, assura-t-elle. Mais laisse-moi parler avec Katerina, je crois que c’est important.

- Je ne sais pas si, hésita-t-il en me jetant un regard.

- Je suppose que je te dois bien ça, acquiesçais-je honteusement.


Elliot s’en alla avec beaucoup de mal, s’excusant mille fois de son comportement. Nous trouvions un endroit calme à l’internat, ou personne ne pourrait nous entendre. L’estomac tordu, je sentis que je devais faire le premier pas vers Alice qui me regardait très sérieusement.


- Ça… Je ne sais pas quoi dire pour m’excuser, est-ce qu’un pardon est suffisant ?

- Tu n’as pas besoin de t’excuser, répondit-elle à ma grande surprise. Je pense que c’était inévitable, alors même si ça me fait mal au cœur, je vous pardonne tous les deux, dit-elle d’une voix qui me paraissait sincère.

- Pourquoi ? demandais-je, ahurie.

- Je sais ce que c’est que de devoir quitter quelqu’un qu’on aime pour répondre aux attentes de notre famille. Moi aussi j’ai eu une relation secrète avant que mes parents m’annoncent qu’il était temps de devenir la femme d’un des Richess. Heureusement pour moi, c’est sur Elliot que je suis tombé. Et oui, mon histoire ne fait pas concurrence avec ce que vous avez dû tous subir dans votre vie, ajouta-t-elle voyant que je tendais à la couper. C’est pourquoi je comprends que cette situation est difficile.

- Mais ce n’était pas une raison, déglutis-je.

- Tout à fait, acquiesça-t-elle. S’il n’y avait pas le bonheur d’un enfant en jeu, j’aurais été sûrement plus indulgente.

- Ça n’arrivera plus, même pour mon propre bien, assurais-je toujours honteuse et à la fois pris de colère.

- Je sais que tu n’as pas voulu me faire du mal, et je dois dire que cela faisait un moment que je voulais avoir une discussion avec toi. Par respect, je n’ai jamais demander à le faire, mais maintenant je saute sur l’occasion : je ne veux pas que nous soyons ennemies.

- Je l’aime, répondis-je durement comme s’il s’agissait du meilleur argument.

- Je le sais et il t’aime aussi, à la folie. Tous les jours depuis que notre relation a été annoncé, je ressens ta colère et je ne peux que la comprendre, mais elle me fait peur.

- Je suis désolée, c’est plus fort que moi, avouais-je déstabilisée.

- Je t’ai dit que tu n’avais pas à t’excuser. Je ne sais pas si cela pourra apaiser ta peine, mais Elliot ne t’as pas oublié. Toutes les nuits, il fait des cauchemars et il se réveille en pleurant. Lorsqu’il se blottit dans mes bras pour chercher du réconfort, je sais que son cœur t’appartient pleinement. Je sais aussi que c’est cruel de te le dire, mais je voulais que tu le saches : il t’aime. Et j’accepte cette réalité, mais je voudrais qu’on s’en sorte tous…

- Oui, soufflais-je simplement les larmes aux yeux.

- Mon dieu, fit-elle en tournant sur elle-même, émue à son tour. J’aurais voulu qu’on soit tous heureux…

- Merci… Merci sincèrement Alice, je crois que… j’ai entendue ce que je voulais entendre, dis-je en récupérant une larme. Tu pourrais… pourrais…

- Oui ? demanda-t-elle à l’écoute.

- Me promettre de bien t’occuper de lui ? couinais-je, les larmes ne cessant pas.

- Je te le promets, autant qu’il le faudra et même s’il ne compte pas finir sa vie avec moi. Je te le promets, répéta-t-elle plongeant son regard sincère dans le mien.


Je n’eus qu’un léger sourire à lui rendre et vit à peine celui qu’elle me rendait en retour. Tout était flou sur le chemin jusque dans ma chambre. Je repensais à ce que Madame Karen avait dit, pleurant toutes les larmes de mon corps. Le plus difficile ne fut pas la rupture avec Elliot car je n’eus la sensation de le quitter que lorsque je découvris la gentillesse de sa promise.

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