Chapitre 8 : Compte à rebours.

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Rares étaient les fois où toute l’école se réunissait dans l’auditorium : la rentrée des classes, les spectacles, une assemblée spéciale, peu d’événements sur une année en soi.

Le directeur se tenait droit comme un piquet au milieu de la scène, attendant le silence qui se créa presque instantanément lorsqu’il empoigna le micro. Il se racla la gorge, ce qui fit taire les derniers bavards et un silence s’installa avant qu’il ne prenne la parole.

- Bonjour à tous, je sais que la plupart d’entre vous n’apprécie guère cette invitation qui empiète sur votre temps de midi, mais je vous promets que le message sera clair et concis, commença-t-il d’un air grave. Suite à certains événements concernant deux Richess, il m’a été demandé de faire une annonce à l’ensemble des élèves.

Cette courte explication fut suffisante pour relancer le brouhaha, les élèves se chuchotant des mots que je devinais. Malgré tout le contrôle qu’ils exerçaient sur la presse, les familles ne serraient jamais arriver à faire taire des adolescents. Il n’aura fallu qu’une semaine pour que l’école soit au courant de la rupture d’Eglantine et Michael, ce qui en rendit certains très heureux. Ce dernier était rentré à l’école quelques jours après l’intrusion de ses parents. Autant dire qu’Elliot lui avait instantanément sauté dessus, mais son ami ne lui avait répondu que par trois mots : “C’est fini”. Depuis, sous les conseils avisés de Chuck et de Blear, nous avions pris de la distance, attendant patiemment plus de détails. Ce jour arriva donc de la manière la moins discrète possible, ils voyaient toujours grand. Et nous, nous espérions que ce ne soit pas aussi terrible que nous l’imaginions. Nos regards se croisèrent avec Blear et puis revinrent sur le directeur qui s’expliquait sur un ton plein de sarcasme.

- Je tiens à préciser que si ça ne tenait qu’à ma personne, je n’aurais pas fait passer ce message de cette manière. Mais puisqu’ils me l’ont gentiment demandé, voici ce que je dois vous communiquer, fit-il en montrant d’un geste le papier qu’il tenait dans sa main. Nous y voilà - “Élèves de Saint-Clair, nous vous adressons ce message anonymement. Bien que nos sept familles aient toujours été en désaccord, nous pensons ici que parler au nom de chacune d’entre elles ne s’avèrent pas être une erreur. Nous ne souhaitons d’aucune manière que nos enfants se côtoient. Ainsi, depuis les dernières nouvelles, des mesures ont été prises et acceptées. Nous avons maintenant les professeurs de notre côté et quoi qu’ils vous promettent, si l’un d’entre vous apprend qu’un de nos enfants établit un contact, autre que d’ordre personnel, avec un autre Richess, nous souhaitons être mis au courant. C’est bien une mise en garde de notre famille, sachant que les six autres agiraient de la même manière : aucun Richess n’a le droit de se côtoyer et aucun élève n’a d’intérêt à cacher ce qu’il sait à propos des derniers événements. Au contraire, ils serraient grandement récompenser de nous avoir éclairé à ce sujet. N’oubliez pas que les sélections des prétendants auront lieu prochainement” - blabla nous vous souhaitons une bonne journée et blablabla fin d’année, il n’y a rien d’autre d’écrit, dit-il en retournant la feuille dans les deux sens. Je crois qu’il n’y a rien d’autre à ajouter, vous pouvez disposer les enfants et en ce qui concerne les Richess, je n’ai pas mon mot à dire, mais repensez correctement à ces mots. Sur ce, bon appétit et à bientôt.

La salle eut du mal à se vider entre la nouvelle et l’excitation de certains. Ils nous analysaient, chacun, comme des bêtes aux zoos. Et comme ces animaux nous nous sentions emprisonnés. Louis passa son bras autour de mon épaule et mordit compulsivement sa lèvre inférieure. Je n’arrivais plus à penser. Alicia me prit la main, tout en regardant les filles, toutes éparpillées dans un coin différent de la salle. Elle restait étrangement calme, alors qu’elle avait tant l’habitude de perdre ses moyens.

- Jouons le jeu pour le moment, nous verrons par la suite. Dossan ? Tu m’écoutes ? Ça va aller je te dis ! s’exclama-t-elle en claquant ses mains sur mes joues. C’est provisoire, on va trouver une solution, ok ?

- Comment peux-tu être aussi positive ? sont les seuls mots que je réussis à sortir.

- Je… je ne sais pas…

En fait, elle n’était absolument pas certaine de ce qu’elle disait. Si même Alicia stressait, alors nous étions vraiment mal barrés. Je n’étais pas un Richess, mais je ne possédais aucun titre. Dossan Dan’s, le roturier, s’enquit de regarder la plus puissante des Richess. Blear me rendit un regard insistant, fixé, comme si elle essayait de me dire à son tour que tout irait bien. Mais son visage qui apparaissait de glace aux yeux des autres, m’indiquait qu’elle avait peur parce que j’arrivais à déceler chacun de ses expressions. De mon point, je voulus lui apparaitre déterminé : j’attendrais le temps qu’il faut.

***

L’école ne parlait plus que de ça durant les trois jours à venir. Cette histoire ne leur passait pas au-dessus de la tête et nous continuions à faire chacun notre vie de notre côté. Le temps me paraissait atrocement long et je n’arrivais pas à décoller mes yeux de Blear. Pour tenter de penser à autre chose, je m’installais dans les gradins du gymnase pour assister à l’entrainement de l’équipe de basket. En tant que simple humain, j’avais tout de même le droit de m’approcher des autres Richess, mis à part Blear. Je m’installais à côté d’Alicia qui vint plus pour Louis que pour notre ami roux. Celui-ci semblait passer un sale quart d’heure.

- Elliot ! Concentre-toi !! lui hurla l’entraîneur, mais passe le ballon ! Passe !!

Il s’exécuta, les sourcils froncés et courut jusqu’au panier où il réceptionnait la balle pour la lancer dans le cercle. Un de ses compagnons bloqua son tir avec une facilité hors norme. Il jura entre ses dents et claqua le ballon au sol lorsque l’adversaire lui lança. En constatant le geste violent, l’entraîneur s’avança dangereusement dans sa direction, alors qu’il reprenait son souffle, les mains sur les hanches.

- Fast ? C’est quoi ton problème ? l’attaqua-t-il d’un ton calme qui ne concordait pas avec ses traits crispés. Tu comptes jouer de cette manière aux sélections ? Parce que si tu joues mal, je te remplace sans problème, rien à foutre que tu sois le capitaine. Même le malade joue mieux que toi, ajouta-t-il en désignant Louis de son pouce. Alors demain, je te veux en forme, sinon c’est mort pour toi, compris ? C’est clair ?!

- Oui monsieur !! rugit-il à travers le gymnase.

En guise de punition pour son comportement, Elliot dû ranger l'ensemble du matériel dans la réserve. Il refusa l'aide de ses camarades qui partirent se changer. C'est bien triste que nous le laissions à son sort.

- Tu n'attends pas Louis ? m'étonnais-je.

- Non, j'espère qu'il va parler avec lui. Elliot est vraiment à cran apparemment depuis, s'arrêta-t-elle. Bref, allons manger d'accord ? m'invita-t-elle en me prenant le bras.


En rentrant dans les vestiaires, Elliot jeta son maillot au sol et envoya valser d’un revers de pied la poubelle à côté du bureau de l’entraineur. Les nerfs en pelote, il prit tout de même la peine de ramasser le contenu renversé. Lorsqu’il se releva, il découvrit Louis qui se sentait soudainement de trop.


- Qu’est-ce que tu fais encore ici ? grogna-t-il en jetant un mouchoir dans le sachet.

- Tu n’as vraiment pas l’air dans ton assiette, alors…

- Oh vraiment ?! Quel constat ! Ah, merde, jura-t-il. Écoute, excuse-moi, je… je sais plus où j’en suis là… C’est pas contre toi, mais je crois que j’ai besoin d’être seul...

- Tu as tout sauf besoin d’être seul, affirma-t-il en s’asseyant sur un des bancs en face de lui. Tu sais c’est la première fois que je te vois jouer comme ça…

- Dis-le que j’étais nul…

- Non, tu avais juste l’air de penser à autre chose. Raconte.

- C’est pas vrai, tu te prends pour Chuck ou quoi ?

- Nan lui, il aurait fait : “Pour qui tu me prends ?”, l’imita-t-il.

- Chuck Ibiss, dirent-ils en même temps.


Louis fut heureux de lui arracher un sourire qui ne dura que quelques secondes. Il souffla en enfilant son t-shirt, cachant ses abdominaux de dieu. Elliot se posa sur le banc également, une main couvrant sa bouche. Puis, il leva les yeux au ciel.


- Trois jours que je ne lui ai pas parlé, que je ne l’ai pas embrassé, touché… Je vais devenir fou tellement je voudrais être avec elle, avoua-t-il les joues rougies.

- Elle te manque, je ne peux que le comprendre…

- Non, tu ne peux pas, répondit-il sèchement. Toi et Alicia, vous avez toute la vie devant vous, rien ne vous interdit d’être ensemble, alors que… Fais chier, je préférais encore crever que de ne plus l’avoir pour moi, gronda-t-il. Ah, non, oublie ce que j’ai dit sur vous… Je m’excuse, c’est vrai, j’oubliais que…

- Tu as raison, la maladie ce n’est pas la même chose que d’être forcer de se quitter à cause de parents égoïste. Je ne sais paspour combien de temps j'en ai avant de devenir dingue, plutôt cool nan ?

- Touché, ça m’apprendra, fit-il en hochant de la tête.

- Je ne t’en veux pas, mais rien n’est fait. Contrairement à Eglantine et Michael vos parents ne sont pas au courant, si ?

- Non mais… ils le seront tôt ou tard et… Je sais pertinemment qu’elle ne supportera pas de vivre comme ça, dans le secret. Je ne sais même pas ce qu’elle en pense, si seulement je pouvais lui en parler. Et quoi ? C’est comme ça que notre relation va se finir ? Je refuse, je ne peux pas accepter ça…

Parle-lui…

- Louis, tu as écouté le dirlo ?! Je-ne-peux-pas !

- Mais moi je peux… Il suffit que je lui fasse passer le mot, discrètement, et l’internat n’est pas si bien garder. Tu pourrais la rejoindre un soir à la place de venir dormir dans ma chambre.

- C’est une idée, fit-il en réfléchissant tout haut. Tu ferais ça pour moi ??

- Hey, "pour qui tu me prends ?".

- Hein, Louis Kibé, la classe, rit-il en lui tendant sa main.


Louis lui fit un clin d’œil et passa sa main dans ses cheveux pendant qu’il serrait celle d’Elliot de l’autre. Finalement, il y avait du bon à faire confiance en ses coéquipiers. Grâce à lui, il pourrait enfin revoir Katerina et tout ce qu’il souhaitait, c’était la serrer dans ses bras pour ne jamais la quitter.

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