Chapitre 5

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Felix descendit les escaliers lentement. Il entendait les voix de ses parents s'échapper de la cuisine. Fleur et Clément étaient plus discrets, sûrement encore endormis devant leur bol de céréales.

Le garçon entra dans la pièce sombre révélée par la lumière bleutée du matin.

— Il est levé ! se ravit Marc. Alors mon chaton, raconte nous tout. C'était un Auvent ?

— Laisse le s'asseoir, soupira Mathilda.

Felix n'avait pas réfléchi à comment annoncer la triste nouvelle. Il avait imaginé les réactions de son père et de sa mère, mais pas les différentes manières d'aborder le sujet. Devait-il mentir et prétendre avoir un démon, ou fallait-il révéler la vérité, celle d'être un hôte déchu ?

— Bonjour, lança le garçon d'une voix faible.

Il se laissa tomber sur une chaise entre son frère et sa sœur, les yeux rougis par la fatigue.

— Longue nuit ? demanda Fleur.

— Un peu, oui.

On lui amena un bol et du lait.

— C'est un démécron, mentit Felix.

— Ça alors ! Nous n'en avons pas eu dans la famille depuis des lustres. Comment s'est déroulée la rencontre ? Il était sympa ?

Marc ne tenait plus en place et Mathilda dut lui appuyer sur l'épaule pour qu'il reste assis.

— Oui, très sympa.

— C'est étrange, mon démon ne sent pas sa présence, remarqua Clément.

— Oui c'est que... Il est plutôt du genre discret.

Sous la table, il sentit une main se poser sur son avant-bras. C'était celle de Fleur. De l'autre côté, Clément lui adressa un sourire doux.

Tous les deux avaient déjà compris.

Après un petit-déjeuner rapide, les trois adolescents préférèrent se retrouver dans la salle de jeux plutôt que de s'apprêter correctement pour la journée.

— Qu'est-ce qui s'est passé ? s'inquiéta Fleur avant même qu'ils se soient installés.

— J'en sais rien, articula difficilement Felix.

Un trop plein d'émotions, couplé à sa nuit blanche, le firent craquer.

— Fais chier !

Il se laissa tomber dans un siège et pleura. Clément s'agenouilla face à lui.

— Qu'est-ce que tu me fais ? C'est une manière de régler un problème ça ?

— Je suis déchu, Clément ! aboya Felix. Si l'administration l'apprend, c'est la fin pour notre famille.

— Mais personne ne le saura. Qui, de l'administration, voudrait venir voir si le petit Felix a bien eu son démon ? Personne.

— Mais papa et maman vont s'en rendre compte.

— Bien sûr, ça arrivera. Tu attendras la bonne occasion pour le leur avouer.

— Ça va leur mettre un coup au moral, c'est certain, mais ça leur passera, lui assura Fleur.

Felix se calma.

— Et si on se retrouve sur la liste des participants aux Jeux Obscurs ?

— Le risque que ça arrive est si faible que ça ne devrait même pas te traverser l'esprit.

Clément leva le pouce en direction de sa sœur pour approuver sa réponse.

— Donc arrête d'y penser. Tout ce qui doit t'inquiéter, c'est cette fille que tu veux aider.

— Oui, mais je n'ai pas de démon !

— Mais nous, oui.

— Vous allez m'aider ?

— Évidemment. Et t'organiser un anniversaire inoubliable.

Felix se pencha et attrapa son frère et sa sœur pour les enlacer.

— Merci, je ne sais pas ce que je ferai sans vous.

— Moi je sais, et ça ne serait pas beau à voir, ricana Clément.

Felix et Fleur s'habillèrent en vitesse et descendirent dans le hall d'entrée. Clément partit dans sa chambre. Il restait au manoir depuis que l'année scolaire avait repris. Il en avait fait la demande à ses parents après l'obtention de son baccalauréat. Cette année sabbatique n'en était pas vraiment une, puisque le garçon avait décidé de la consacrer à son démon afin d'harmoniser leur relation. Du yoga démoniaque en quelque sorte. Cette étape n'était pas obligatoire pour un hôte, bien que recommandée pour favoriser l'entente sur le long terme.

— Tu sais, murmura Fleur à l'oreille de son frère. Je pense que tu peux leur en parler maintenant.

— Mauvaise idée, rejeta Felix. Avec ce qui s'est passé l'année dernière, papa n'est pas prêt.

— Oui, tu as sûrement raison.

— Je crois qu'il n'a toujours pas digéré l'histoire avec Pierre.

— L'enculé. Tu peux l'appeler l'enculé, ça marche aussi.

Felix eut un rire fatigué.

— Je ne comprends toujours pas. Tu imagines maman faire ça ? Regarde comme ils s'aiment avec papa. Puis vu la tête qu'il a ce type... Non, vraiment. On nous cache quelque chose.

— Je suis d'accord. Tout ça pour dire que papa et maman ne sont pas prêts à encaisser cette mauvaise nouvelle. Notre famille a été suffisamment déshonorée l'année dernière, trancha Felix.

Fleur approuva.

— Au fait, on va chasser le croque mitaine de ta copine ce soir ?

— Tu veux bien ?

— Pourquoi pas. J'ai envie de pratiquer un peu et mon démon aussi je crois.

— Toujours aussi difficile à contrôler ?

— Un peu, mais ça va aller. Avec le temps je m'habitue à son pouvoir. Le plus difficile, c'était au début. Il essayait de me rendre timbrée.

— Je ne sais pas comment tu fais pour être aussi forte. J'ai l'impression que c'est moi la fille de la famille.

Fleur lui envoya une pichenette sur le front.

— C'est une réflexion sexiste.

Ils traversèrent le hall du manoir. Au-travers d'une petite fenêtre sur la porte, ils distinguèrent la silhouette floue d'une personne qui se tenait sur le perron.

Un grognement retentit.

— Calme toi, chuchota Fleur à son démon.

— C'est qui ? s'inquiéta Felix.

— Je ne sais pas, mais mon Oculus n'apprécie pas.

Mathilda et Marc arrivèrent au pas de course et Clément dévala les marches de l'escalier pour rejoindre sa famille.

— Vous l'avez senti ? demanda ce dernier.

— Senti quoi ?

Quatre nouvelles silhouettes apparurent, leurs traits grossiers déformés par la fenêtre.

Marc posa la main sur la poignée.

— Senti quoi ?! s'impatienta Fleur.

La porte s'ouvrit.

— La famille Malcius. Ravi de vous revoir.

Mathilda eut un hoquet de surprise.

L'homme qui venait d'arriver était imposant au point que le cadre de la porte paraissait trop étroit pour le laisser passer. Felix discerna d'autres personnes cachées dans son dos.

— Je ne sais pas si vous avez été prévenu, mais les Jeux Obscurs vont se dérouler dans votre ville cette année. Et votre famille a été sélectionnée pour y participer, tout comme la mienne. Vous avez enfin une chance de sauver l'honneur des Malcius, déclara Pierre avec moquerie.

— Quelle bonne nouvelle, balbutia Mathilda, crispée.

— Ne fais pas un pas de plus, cracha son mari.

— Allons, une telle hostilité envers la main droite de l'administration.

Le démon de Marc apparut et son ombre se déplia autour de lui en épousant les courbes de son corps.

— Montre moi le tien, je te montrerai le mien, rit Pierre.

Une forme gigantesque domina l'homme, ses deux gros yeux jaunes rivés sur la famille Malcius.

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