Chapitre 1

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Le père de famille tapa du poing contre la table de la cuisine.

— Ça sera un Auvent ! clama Marc.

— Frappe ma table encore une fois et je t'assure que le prochain démon que tu croiseras ne sera pas un Auvent, le tempéra sa femme.

— Excuse-moi ma chérie, c'est l'émotion. Tu te rends compte ? Félix, notre dernier enfant, va devenir un adulte !

— Il faudrait qu'il perde sa virginité pour commencer, rétorqua Clément, l'aîné.

— Hé ! protesta Félix.

— Au moins, lui ne couche pas avec la première venue ! lança Fleur, leur sœur.

— Je ne vois pas de quoi tu parles.

— Tout le lycée est au courant. Tu as beau ne plus être élève, celles que tu fréquentes le sont toujours.

Mathilda, leur mère, voulut les mettre en garde.

— Je vous rappelle qu'il est interdit de...

— Montrer sa grosse bête aux ignorants, termina Clément.

La famille Malcius fut traversée d'un rire spontané que la mère effaça d'un claquement de doigt.

— Respecte les démons. Où que tu sois, ils t'entendent.

Les couverts terminèrent de racler les assiettes. Fleur, bloquée entre ses deux frères, mâchait silencieusement quand elle sentit quelque chose craquer sous ses dents. L'heure était au dessert et aucune denrée sur la table n'aurait pu se briser de la sorte. Sans hésiter, elle recracha l'escargot qu'elle venait de mastiquer et laissa sa carcasse défoncée se traîner sur la table.

— Dégueu, gémit-elle en crachant dans sa serviette.

— Je vois qu'on a oublié de faire une offrande à son démon, lança Mathilda, amusée.

— Pourtant, j'ai fait tout ce que tu m'as dis. Lui donner des escargots vivants deux fois par jour impair.

À côté d'elle, Clément parut se recroqueviller sur sa chaise.

— Les jours impairs ? Qui t'a dit de telles sottises ?

Fleur se tourna vers son frère et frappa son épaule de toutes ses forces. Les fesses du jeune homme atterrirent sur le parquet.

— Gros con.

— C'était une blague !

Il se rassit sur sa chaise, irrité a l'idée de ne pouvoir répondre à l'attaque de sa sœur. Non pas que leurs parents étaient en face, mais plutôt qu'il ne faisait pas le poids face à Fleur. Une réalité douloureuse pour l'aîné de la famille Malcius.

— Enlève-moi cette atrocité de la table, ordonna Mathilda.

Fleur s'exécuta avant que sa mère ne l'interrompe.

— Pas toi. Clément.

— Je ne touche pas ce truc !

— Écoute ta mère, insista Marc.

— Jamais de la vie ! Pourquoi faut-il que son démon soit un gros dégueulasse qui bouffe des escargots ?

La carafe d'eau en verre posée sur la table explosa et projeta une pluie scintillante dans le salon. Un râle guttural traversa la pièce.

— Ne mets pas l'occulus de ta sœur en colère je te prie. La dernière fois, il a détruit la véranda parce que Felix avait piqué le journal intime de Fleur. Je n'ai pas envie qu'il reproduise ça ici.

— Conclusion, fit son père.

— Ramasse, enchaîna sa mère.

Clément se leva et partit chercher la pelle et la balayette dans le meuble sous l'évier.

Baisser la tête devant une enfant, quelle tragédie, vibra une voix dans sa tête.

— Si tu étais plus fort, nous n'en serions pas là, rétorqua le garçon.

Le démon murmura une plainte confuse et disparut de son esprit.

Le repas se termina dans le calme et la famille Malcius s'installa dans le salon. La vaste pièce, éclairée par une lampe couronnée d'un abat-jour en toile, offrait des reflets ambrés somptueux. Tout le mobilier était en bois d'acajou, un matériau réputé pour tenir éloigné les mauvais démons du foyer. Un sofa en velours les accueillit, posé en face d'une cheminée en pierre éteinte.

— On fait un feu ? proposa Fleur.

— Pourquoi pas, ça me fera de l'exercice, s'enjoua Marc.

— En fait, il ne fait pas si froid, rectifia la jeune fille.

— Oui, vraiment, se pressa d'ajouter Mathilda.

— Pourtant moi je trouve qu'il fait frais. Vous êtes sûres que...

— Parfaitement certaines, répondirent d'une seule voix Fleur et Mathilda.

Clément et Felix eurent beaucoup de mal à contenir leur hilarité, si bien que Marc le remarqua. Il se tut un instant, attendit que s'enchaîne une nouvelle conversation, puis se leva d'un bond et braqua la paume de ses mains sur le foyer de la cheminée.

Mathilda et les enfants hurlèrent d'effroi et sautèrent par dessus le canapé qu'ils utilisèrent comme un bouclier.

— Je le savais ! s'écria Marc.

— Mon chéri, minauda sa femme, toujours dissimulée. Nous sommes certains que tu es capable d'allumer un feu. Mais depuis...

— C'était un accident ! Un malheureux accident !

— Dans lequel tu as fait brûler le camping-car, ricana Clément.

— Et ma psp, surenchérit Fleur.

— C'est juste qu'il nous faut encore un peu de temps mon chéri. Juste quelques...

— Années, lança Felix.

Des éclats de rire fusèrent de derrière le canapé, ceux de Mathilda bien plus bruyants que ses trois enfants rassemblés. Marc bougonna et quitta le salon pour monter à l'étage.

— Bon, je vais aller consoler votre père, sinon il va rester enfermé dans sa chambre toute la semaine. Allez vous coucher, il y a école demain.

Clément afficha une mine réjouie.

— Toi aussi tu montes te coucher. Ce n'est pas parce que tu as pris une année sabbatique de grandeur que tu peux déroger aux règles de la maison. Allez, zou !

Les trois enfants grimpèrent l'escalier et, comme à leur habitude, filèrent en douce jusqu'à la salle de jeu. Felix ferma la porte en veillant à ne pas relâcher la poignée trop brusquement. Ils s'affalèrent dans des sacs de billes géants, collés les uns aux autres, et contemplèrent le plafond.

— Alors gamin, impatient de rencontrer ton démon ? demanda Clément.

— Je ne sais pas trop, avoua Felix. Tout ce que je demande, c'est qu'il soit sympa. Je ne veux pas d'un bagarreur. Et encore moins d'un avare, d'un avide ou peu importe.

— C'est marrant, rebondit Fleur. Tu ne veux pas d'un démon violent ou vicieux, pourtant tu es fou amoureux d'une pétasse.

— Tu ne connais pas Maéva.

— Toi non plus à ce que je sache.

— Crois-moi frangin, s'il y a bien un démon à éviter, c'est les pétasses, lui assura Clément.

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