Évasion

4 minutes de lecture

À pas de loup (même s’il n’y a pas de loup sur le monde de Myra, vous voyez bien ce que je veux dire, non ?), il s’était éloigné. Sa respiration s’était faite plus libre, progressivement. Cependant, il restait encore très prudent. L’Être Végétal était partout. La forêt était son domaine. Il était heureux d’avoir compris comment marcher sans bouger la moindre feuille ou le moindre insecte. Mais serait-ce suffisant pour tromper le maître de ces lieux ? N’était-il sensible qu’aux bruits ou aux déplacements des feuilles sur le sol ? N’avait-il pas d’autres « détecteurs » ou terminaisons qui pourraient le renseigner sur ce qui se passe dans la forêt ?

Boraz continuait à avancer, lentement, mais en se pressant quand même (se hâtant avec lenteur comme une certaine fable). Marcher de cette façon-là demandait un contrôle total de son corps, du bout de ses orteils à ses oreilles. Une maîtrise interne aussi : il devait contrôler sa respiration, sa digestion, sa transpiration. C’est finalement celle-ci qui avait fini par le trahir. Une malheureuse gouttelette de sueur était tombée sur le sol, aussitôt capturée par un peu de mycélium. Identifiée comme lui appartenant et transmise aussitôt par l’incroyable réseau souterrain à l’Être Végétal.

Immédiatement, tous ses senseurs s'étaient mis en éveil, ses lianes avaient commencé à fouetter l’air et le sol avec colère. Ce n’était pas possible que ce misérable petit humain le défie ! Le trompe, le berne, lui l’Être végétal qui régnait sur la forêt. Il allait mobiliser toutes ses ressources possibles et le retrouver. Oh il allait payer cher son outrecuidance. En fait, il était vexé comme un pou, ce grand machin vert. Et un grand type vert comme ça, vexé, ça peut faire du dégât.

Le vent se leva dans les feuilles, les arbres se mirent à osciller, toutes les branches fouettaient l’air, les racines commencèrent à onduler.

  • Mince, se dit Boraz, je suis découvert, ma fuite a été détectée…

Sa progression devenait plus compliquée. Il fallait éviter les branches, les racines, les troncs. Plus question de ne plus faire bouger les feuilles au sol en se déplaçant. Seule comptait la vitesse de sa fuite. Il fallait aller le plus loin possible. Il avait compris que la force et la puissance de l’Être végétal diminuait si on s’éloignait du centre de son territoire. Il fallait donc aller tout droit, le plus vite possible. Et cette fois-ci, tant pis pour le bruit et la transpiration.

Les fourrés avaient tendance à se resserrer devant lui, ralentissant son passage. Des épines apparaissaient sur les branches, provoquant des déchirures dans ses vêtements. Ces déchirures se sont vite transformées en lacérations et bientôt, plus de des hardes, de la charpie de tissu. Mais qu’importe ces douleurs, une volonté farouche animait Boraz : il ne voulait plus retourner à son état d’esclave, il ne le pouvait simplement plus.

Les racines se soulevaient et entravaient sa marche, faisant ce qu’elles pouvaient pour le ralentir, le freiner. Mais rien n’y faisait, il continuait sa course, inexorablement, s’éloignant du centre, de ce grand machin vert qui l’avait rendu esclave et le faisait trimer sans repos. Bientôt, il n’eut plus sur lui que sa peau pour faire rempart à la végétation et à ses épines. Les éclats de bois se plantaient dans sa peau, dans ses chairs. Les épines urticantes irritaient sa peau. Il n’était plus qu’une plaie ambulante.

Une plaie oui, mais une plaie sanguignolente qui avançait, qui allait sauver sa vie et surtout retrouver les siens, retrouver une vie normale. Fini l’esclavage ! Même s’il devait mourir dans cette fuite, au moins mourrait-il libre et non pas entravé.

Au fur et à mesure de sa course effrénée, il voyait bien que la végétation se faisait un peu moins dense, un peu moins serrée. Malgré le fait que les branches s’entrelacent pour le ralentir, sa course semblait moins pénible.

  • Pourvu que je tienne, que mon corps ne me lâche pas maintenant.

Finalement les longs cycles à nettoyer les bois pour son maître avaient été une chance. Son corps avait une puissance qui lui était totalement étrangère avant sa captivité. Comme on dit, à quelque chose, malheur est bon ? ce corps devait tenir. Malgré l’effort surhumain qu’il lui demandait, il ne fallait pas qu’il craque, pas maintenant.

La végétation se faisait de plus en plus clairsemée et il finit par déboucher dans un pré. Il voyait quelques maisons au loin dont les cheminées fumaient doucement. Il crut même entendre des cris et des rires d’enfants. Il y était arrivé, il était sauvé… Et perdit conscience en ayant l’impression de voir le visage d’une petite fille.

  • Et c’est comme ça que je suis arrivé parmi vous...
  • C’est moi qui t’ai trouvé et j’ai été chercher Maman.
  • Oui, Myra et je suis venue tout de suite et nous avons bien soigné Boraz à partir de ce moment-là. Il n’y a plus de trace de son horrible séjour dans la forêt.
  • A part mes chevilles, fit remarquer Boraz en relevant son vêtement.

Il avait des marques profondes, la peau était restée comme à vif. Des marques qui ressemblaient, en plus larges, à celles qui ornaient aussi les chevilles de Mat.

Annotations

Vous aimez lire Fred Larsen ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0