En forêt

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Ce jour-là, ils avaient classe dans le bois. Ils devaient retrouver les plantes qu’ils avaient déjà étudiées avec leur maîtresse. Il s’agissait de ramener des feuilles d’égrantail dont les feuilles, broyées et mises en cataplasmes apaisaient les bleus liés aux coups ; des fleurs d’hariveaux, ses petites fleurs blanches dont les pétales, une fois infusés dans l’eau bouillante produisaient un liquide radical contre les douleurs féminines ; et enfin des racines de gentrelle, celles-ci écrasées et pressées, faisaient disparaître le moindre petit bouton de n’importe quelle piqûre d’insecte. Ceux-ci n’étaient pas nombreux dans le monde de Myra, mais ils pouvaient parfois donner des piqûres très douloureuses.

Une fois arrivés dans les bois, chacun des enfants, accompagnés de leur Girk se dispersa dans les bois. Naturellement, Myra et Mat n’étaient jamais très loin l’un de l’autre. Ces recherches de plantes ennuyaient la petite fille et le garçon était rassuré de la savoir, pas trop loin de lui. Leurs deux Girks étaient heureux. En fait, ils ne se sentaient vraiment bien qu’avec de la compagnie, à la fois d’enfants et de leurs semblables. Là, tous les deux et avec les deux enfants, c’était parfait. Ils s’étaient enfoncés un peu dans la forêt, suivant Mat qui était à fond dans la recherche de ces plantes. Myra avait ramassé une branche morte, particulièrement droite et se battait avec des monstres imaginaires. Les deux Girks jetaient des regards tout autour d’eux, à la recherche de jeunes pousses de blous.

Mat avançait, le regard fixé sur le sol. Son Girk lui évita deux-trois fois de foncer droit sur un arbre et de s’y éclater le front. Il ne mit pas longtemps à trouver un joli petit massif d’hariveaux. LA moitié des plants était en fleur. Il posa son sac entre lui et les fleurs et récita un genre de prière, comme on lui avait appris :

  • Merci Dame Nature pour ces fleurs précieuses. Je ne vais en prendre que quelques–unes, avec délicatesse pour ne pas blesser les plantes.

Ensuite, du bout des doigts, il attrapa quelques fleurs, tout en douceur. C’était comme si la plante lui donnait ses fleurs, elles se détachaient sans aucun effort. Derrière lui, Myra affrontait le fameux serpent dont le regard faisait fondre le métal. Dans son combat, sans faire attention, elle s'est retrouvée à piétiner le bord du massif de fleurs. Elle eut droit au regard courroucé de Mat et s’éloigna en ronchonnant.

  • J’voudrais bien t’y voir, tu crois que le serpent maléfique, il y fait attention à tes fleurs ? On le combat où il est, sur son terrain, c’est pas moi qui choisis...

La laissant faire la tête, Mat se releva, satisfait de sa première cueillette. En se relevant, il jeta un coup d’œil vers les deux Girks qui venaient de trouver un bosquet de blous et étaient en train de s’empiffrer. À quelques mètres des blous, il aperçut un grand égrantail et à son pied, une jeune pousse. Ce serait parfait. Il s’approcha et posant à nouveau son sac au pied de l’arbrisseau, il récita la même prière que la fois précédente :

  • Merci Dame Nature pour ces feuilles précieuses. Je ne vais en prendre que quelques–unes, avec délicatesse pour ne pas blesser les arbres.

Avec la même délicatesse que pour les fleurs, il se saisit d’une feuille sur cinq. C’est comme si l’arbuste les lui donnait, elles se détachaient des branches avec une facilité déconcertante. Sa mission était presque remplie. Il ne restait plus que les racines de gentrelles à trouver. Ça n’allait pas être facile, cette plante était rampante et souvent cachée sous les feuilles mortes. Maintenant, il fallait donc s’y prendre autrement. Heureusement, il se rappelait avoir remarqué qu’on trouvait fréquemment cette plante au pied des grands chônes majestueux et facilement reconnaissables avec leurs feuilles en forme d’octogones. C’était donc simple : il fallait trouver des chônes.

Cette fois-ci, il avançait donc dans la forêt, le nez en l’air. Myra, pas très loin, défendant ses arrières contre les ours gris des bois. Elle en combattait au moins deux en simultané. Heureusement qu’elle était là, Mat ne s’apercevait de rien. Les Girks avaient arrêté leur festin, repus et marchaient au même rythme que les enfants. Il y avait maintenant moins de risque que Mat se prenne un tronc d'arbre, mais il pouvait buter contre une racine. Son Girk avait donc le regard quelques pas en avant, rivé au sol. Il se précipitait de temps en temps pour se mettre devant lui, le forçant à le contourner, ainsi que la racine ou le caillou au sol.

Soudain, il le vit. Un gigantesque chône, d’au moins trente mètres de haut se dressait en bordure d’une clairière à quelques centaines de mètres d’eux. Il trouverait certainement un tapis de gentrelle à ses pieds. Il partit en courant.

  • Hey, Mat, attends-moi lui cria Myra, tu ne sais pas ce qu’il peut y avoir là-bas...

Elle prenait son rôle de protectrice vraiment très au sérieux. Myra se précipita à sa suite, aussitôt rejointe par les deux Girks. Malgré leur masse imposante, ils se déplaçaient à une vitesse ahurissante.

Au moment où Mat arriva dans la clairière, il s’arrêta brusquement. Il avait l’impression que des lianes bougeaient toutes seules au niveau de la lisière en face. Myra qui n’avait pas vu qu’il s’était arrêté le percuta et l’envoya valdinguer au milieu de la clairière. Aussitôt des lianes s’avancèrent vers lui et saisirent ses jambes. Elles commençaient à le haler vers les arbres.

Les Girks firent un bon gigantesque et se retrouvèrent entre Mat et l’autre extrémité des arbres. Ils saisirent les lianes et mordirent dedans à pleines dents. Il y eut comme un gémissement dans les arbres et les lianes se rétractèrent instantanément dans un grand bruissement de feuilles. Ils se retournèrent en scrutant les arbres. Mais le calme était revenu. La « chose » était partie.

Mat ne s’était rendu compte de rien, mais Myra avait tout vu. Y compris la célérité de l’intervention des Girks. Elle pouvait aller se rhabiller avec son épée en bois. Elle était encore abasourdie de ce qui venait de se passer. Mat se releva et dit à Myra, en colère :

  • Tu pourrais faire attention quand même, tu aurais pu me faire mal
  • Tu n’as pas vu ce qui s’est passé, Mat ?
  • Ben si, tu m’as foncé dans le dos et tu m’as envoyé valser…
  • Nooon, pas ça, ces lianes qui t’ont attrapé les jambes
  • J’ai rien senti, fit-il en regardant ses jambes.

Celles-ci étaient légèrement rosâtres, comme si on les avait serrées.

  • Mince, c’est quoi ça, s’inquiéta-t-il
  • C’est les lianes qui t’on fait ça, Mat. Heureusement que les Girks étaient là. Sinon, la forêt t’aurait capturé.
  • Tu dis n’importe quoi, la forêt, ça ne capture pas les enfants, c’est pas une personne… J'ai dû me faire ça contre des racines.
  • Et s’il y avait un monstre avec des bras comme des lianes ? lui suggéra Myra.
  • Tu lis trop d’histoires, Myra. Allez, viens m’aider à trouver des racines sous ce grand chône.

Il ne se rendait absolument pas compte de ce qui venait de se passer. Il farfouilla dans les feuilles au pied de l’arbre, pour découvrir tout un tapis de racines de gentrelle entremêlées. Il posa son sac une nouvelle fois et tous les deux, en cœur dirent la fameuse prière adressée à Dame Nature :

  • Merci Dame Nature pour ces précieuses racines. Nous n’allons en prendre que quelques–unes, avec délicatesse pour ne pas blesser les plantes.

Avec leurs petites mains, ils prirent quelques racines. C’était comme si celles-ci sortaient de terre toutes seules. Aucun effort à faire pour les déterrer. Ils reprirent ensuite le chemin de leur maison. Myra et les Girks restaient aux aguets alors que Mat était content de sa journée de cueillette. Myra se promit d’en parler à ses parents. Ils sauraient sans doute ce que c’était que ces lianes vertes vivantes.

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