Chapitre 1-4

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  Lendemain de l'attentat. Les fréquences d'informations étaient saturées de commentaires d'experts en tout genre. On comptait plusieurs dizaines de morts et trois fois plus de blessés graves. Certains, à l’instar d’Elios, y avait miraculeusement échappé. Les spéculations s'amoncelaient. La loi d'urgence avait été décrétée dans la nuit. Le Princeps disposait des pleins pouvoirs.

  Chose impensable, les rumeurs annonçaient l'intervention de l'armée stellaire sur la planète, au cœur de chaque ville. L'élite parmi les anonymes. La peur devenait palpable. La frayeur des Elegents était proportionnelle à l'admiration qu'ils portaient à ce corps d'armée. Même les plus hauts fonctionnaires semblaient ébranlés. La menace devait être grande.

  Pyraliak vociférait à la tribune. Chaque mot pénétrait son auditoire pourtant son visage restait serein, sa voix monocorde :

 - Voilà le laxisme ! Voyez ce qu'a permis le gouvernement du Princeps. Les Eavas sont et seront toujours une menace !"

  Un grondement désapprobateur se fit entendre. Il surprit Pyraliak qui manqua sourciller. Ici, le silence et l’impassibilité était de rigueur : l'assemblée montrait l'exemple. Il reprit sur le même ton.

 - Voyez comment les ennemis de la civilisation agissent ! fustigea-t-il en montrant les sénateurs qui se manifestaient. Ils frappent, voilés derrière de bons mots. Leurs sentiments les dominent. Ils éructent leur mépris. Et le Princeps est complice ! Sa clémence nous perdra !

  A ces mots, plusieurs sénateurs se levèrent. La réponse fut immédiate. Les agents de l'ordre vinrent s'emparer des protestataires. Ils sortirent. Pyraliak continua de plus belle. Son émographe ne cillait pas et restait constant entre 7 et 10.

 - Ils sont là les traîtres à l'humanité ! Ils ne peuvent garder le masque plus longtemps. Voyez comment ils sont possédés par une violence et une haine vorace. C'est à nous défenseurs du genre humain de prendre les devants. Il faut frapper fort pour exposer cette menace au su de tous ! L'ennemi n'est plus à nos portes... désormais, l'ennemi est parmi nous.

  Les derniers mots flottèrent dans le silence. Pyraliak avait fait mouche. Il touchait au but. La patience lui donnerait raison. Il retourna s'asseoir au milieu de ses partisans.

  Le débat s'instaura alors. On discutait de l'opportunité d'une guerre. Les petites formations politiques attendaient fébrilement la décision du grand parti auquel elles étaient affiliées.

  Les Pacifistes, majoritaires, étaient divisés. Le Premier grand faisait face à d'importantes dissensions. Le mot d'ordre du Princeps avait été clair : rassurer, minimiser l'événement en le décrivant comme un acte isolé. Les récents incidents aux frontières extérieures ne plaidaient pas en sa faveur. Quelques pacifistes prônaient la fermeté sans appeler à la guerre.

  Le parti des Centraux était indécis. L'ordre du jour prévoyait de décider des mesures de prévention à prendre face à la menace, pas d'une guerre. Un sénateur du Mouvement pour l’équité, affilié au Parti des centraux, prit la parole.

 - Avant tout chose, commença-t-il, rappelons-nous que nous représentons ici la grande nation des Elegents. Face à tant de bouleversement, gardons-nous de juger à la hâte et profitons de notre sagesse pour éviter tout emportement.

  Il jeta un œil vers Pyraliak dont le visage inexpressif cachait un rictus féroce. Il n'allait pas lui donner matière à engager les hostilités. Il reprit.

 - N'en déplaise à certains il est bien trop tôt pour accuser les Eavas d'avoir fomenté cet attentat meurtrier. Où sont les preuves ? Avant d'engager une guerre, la raison nous commande d'envisager d'autres origines à cette attaque : des cultistes ou des marginaux ? Et avant de porter le doute sur le peuple, peut-être est-il de notre devoir de nous montrer en plein jour ? Qui sommes-nous pour nous imposer au peuple ? Faire fi de l'intelligence de nos concitoyens est un affront !

  Une voix se fit entendre sur sa droite :

 - Les cultistes ne sont plus une menace depuis longtemps maintenant, la Tetra a veillé à cela. Quant aux marginaux ils sont dispersés et ....

 - Silence ! coupa le Président de la Chambre.

  L'élu du Mouvement pour l’équité reprit la parole. Il regardait maintenant Pyraliak fixement.

 - Face à cela, je propose que le Sénat montre l'exemple. Assurons-nous que personne parmi nous n’est soumis à une influence quel qu'elle soit ! Je propose donc la motion suivante au su et vu de tous, dans le respect de la Logique, pour le bien-être de l'Homme…

  Il prit une respiration et balaya du regard l'assemblée devant lui. S'arrêtant à nouveau sur Pyraliak, il le fusilla du regard :

 - Les émographes des sénateurs ainsi que ceux de tous les hauts fonctionnaires seront vérifiés quotidiennement. S'il s'avère que les seuils critiques ont été dépassés, l'agence de l'ordre, la Tetra, procédera aux arrestations et aux poursuites nécessaires. La suspension du statut de sénateur sera immédiate jusqu'à ce que l'enquête ait aboutie. Les seuils seront revus à la baisse afin de montrer au peuple que ses élus sont irréprochables même en temps de crise.

  Personne ne protesta.

 - Enfin, les membres du sénat devront également subir une expertise globale cyclique de leur condition physique et morale chaque semaine.

  Cette fois, des murmures de mécontentement se firent clairement entendre parmi les Pacifistes.

 - C'est grotesque ! interrompit le Premier grand des pacifistes. Il ne saurait être question de mettre en place une telle mesure réservée habituellement aux auteurs de crimes graves. Qui plus est de façon cyclique. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est interdit, selon la Charte, de rendre cette loi cyclique. Elle est ponctuelle et soumise à de nombreux prérequis.

 - Premier grand, vous n'avez pas la parole ! glapit le Président de la Chambre. Il se tourna vers le sénateur central. Vous mesurez que votre demande implique de modifier la Charte et nécessite donc l'appui d'un autre parti que le vôtre.

 - J'en suis pleinement conscient, répondit le sénateur quelque peu interloqué par la réaction du parti pacifiste.

  Il se tourna vers Cléa Eckberg qui tentait désespérément de mettre fin aux querelles dans les rangs des centraux. Cette dernière avait été prise de cours par l'annonce de son sénateur affilié. Le sénateur retourna à sa place. Il avait agi justement selon lui. L'incompréhension régnait et les échanges devenaient de plus en plus inaudibles. Le silence revint quand les agents de l’ordre sortirent de leurs cabines.

  Lentement, la démarche assurée, Pyraliak descendit les marches de la vieille assemblée. Il savourait chaque pas en montant à la tribune.

 - Le Parti des patriciens accepte la tenue d'un conclave, déclara-t-il.

  La surprise était totale. Les Patriciens n'étaient pas connus pour qu'on remettre en question leur loyauté et leur stoïcisme. La plupart d'entre eux étaient des descendants des cinq Familles qui avaient mené l'Exode. Ils se considéraient comme d'une lignée intellectuelle pure et sans faille. Après tout, leurs ancêtres avaient trouvé ce havre de paix qu'était Caanpirna. On disait même que l'arrière-arrière-arrière-grand-mère de Pyraliak avait été un des fondateurs de la nation Elegent. Ce dernier n'avait rien fait pour le démentir jusqu'à présent. Mais sa réaction d’appuyer le Mouvement pour l’équité, et donc le Parti central, était surprenante.

  L’assemblée grondait encore lorsque Pyraliak regagna son siège. Il attendit que les regards cessent d’être braqué sur lui, puis, envoya discrètement un message : « C’est fait, préparez-vous. » Il le supprima aussitôt de ses archives.

  A quelques kilomètres au nord de la ville, un homme esquissa un sourire carnassier.

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