Chapitre 2

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Nick montait les marches de son immeuble, l’esprit ailleurs. Autour de lui, tout était étrangement silencieux et froid. Le bâtiment était vieux et très mal isolé, dans les couloirs et les escaliers on pouvait sentir les courants d’air comme si l’on se trouvait dans la rue. Toute la bâtisse tombait en ruine, des odeurs désagréables émanaient des murs. Des dealers et des prostituées traînaient dans le hall l’hiver. C’était ici qu’ils pouvaient faire leurs meilleurs chiffres, ils le savaient. Et malgré les tentations de Nick, sa douleur et sa détresse il n’avait toujours pas touché à ces produits interdits, mais ce n’était plus qu’une question de temps. Et lorsqu’il en y arrivera là ce sera trop tard pour affronter ses proches.

Une fois sur le palier du troisième étage, Nick sortit de ses songes et fouilla ses poches à la recherche de ses clefs. Lorsqu’il les retrouva, il leva les yeux vers la porte de son appartement. À sa plus grande surprise, cette dernière était entrouverte. Curieux, il fronça les sourcils et observa autour de lui. Son sang venait de se figer dans ses veines, son cœur avait cessé de battre. Nick poussa délicatement la porte en priant pour qu’elle ne grince pas. Là, il vit une ombre passer et entendit des bouteilles s’entrechoquer. Il était désormais sûr que quelqu’un était chez lui.

Prêt à bondir sur l’intrus, il ouvrit un peu plus l'entrée et pénétra dans son appartement. La silhouette se dessina avec plus de précision. Les contours d'une jeune femme prenaient vie sous ses yeux. Son regard dansait sur ses longues jambes et remontait sur son dos, là où ses cheveux noir corbeau, légèrement ondulés retombaient. Il fut soulagé de la reconnaître, car Dieu seul sait ce qu’il aurait fait se cela n’avait pas été le cas.

— Hayden ? identifia-t-il, surpris.

La concernée se retourna et afficha un large sourire vermeil à l’attention de Nick. Sa peau était claire et la lumière tamisée de la pièce dansa sur son visage encore enfantin.

Nick posa son casque sur le guéridon de l’entrée et claqua la porte derrière lui avant de se tourner vers son intrus.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

— Qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? soupira-t-elle en s’avançant doucement.

— Rien. Depuis quand as-tu les clefs de mon appartement ?

— C’était ouvert. Tu veux un verre ?

Elle désigna deux bouteilles, une de whisky et l’autre de vodka.

— Donne-moi la bouteille on gagnera du temps.

Elle s’exécuta et suivit Nick dans le canapé. Il ouvrit sa bouteille et porta le goulot à ses lèvres. Le liquide glissa dans sa gorge et laissa derrière son passage un goût amer qui le réchauffa. Hayden en fit de même avec sa bouteille. Ils restèrent tous les deux muets pendant de longues minutes, occupés à boire l’alcool que contenaient ces bouteilles. Cela leur procurait une sensation de bien-être et les , les réconfortait d’une manière que personne ne pouvait faire.

— Je vais être tonton, murmura-t-il après plusieurs secondes.

— Quoi ? April est enceinte ? rétorqua Hayden surprise.

— Non, Dona, la femme de Jared…

— Oh, lui !

Nick tourna la tête vers Hayden, ravi de voir que quelqu’un partageait les mêmes sentiments envers l’aîné de la fratrie. Ils s’échangèrent un long regard silencieux, mais qui dissimulait bien des choses. Combien de fois Nick avait-il voulu lui confesser des secrets inavouables et combien de fois Hayden essayait de le faire parler. Elle, mieux que personne voyait son chagrin, lisait ses peurs et ses doutes. Elle connaissait Nick, peut-être mieux que lui-même, et savait au fond d’elle qu’il cachait quelque chose qui était en train de le tuer de l’intérieur, seulement elle ignorait de quoi il s’agissait et Nick ne semblait pas vouloir lui en parler.

L’alcool prenait progressivement possession de leurs corps, et de leurs esprits. Ils se mettaient à converser de tout et de rien, riaient pour des choses futiles, mais c’était l’unique façon pour Nick et pour Hayden de s'épanouir. Nick était brisé et Hayden aussi. C’était d’ailleurs ce qui les avait rapprochés ces dernières années. Leurs chagrins, leurs douleurs, leurs solitudes. Et à cet instant précis, aucun d’eux n’avait l’esprit clair.

Hayden se redressa sur le canapé et plongea son regard vert dans celui de Nick. Elle se perdit pendant quelques secondes dans la couleur sombre de ses iris en luttant contre cette petite voix qui hurlait dans sa tête. Son sourire s’effaça doucement pendant qu’elle se penchait vers le visage du jeune homme. Elle sentait sa respiration s’accélérer, et timidement, le temps s’arrêta. Elle déposa ses lèvres sur celle de son ami, sentant alors son cœur battre à tout rompre. Elle voulut faire durer ce moment pendant une éternité. Mais très rapidement, Nick rompit le contact. Les lèvres chaudes du journaliste étaient soudainement remplacées par un vent glacial. L’estomac d’Hayden se noua lorsqu’elle leva les yeux vers Nick qui l’observait, le regard subitement brisé.

— Je suis désolée, murmura-t-elle gênée.

Sa main glissa le long de sa jambe avant que Nick n’enroule son poignet avec ses doigts chauds et rassurants. Nick sentait son cœur battre la chamade, et une petite voix dans sa tête lui hurlait de ne rien faire. Pas avec Hayden. Mais ce baiser avait réveillé en lui en sentiment interdit. Tout son corps frémissait. Il la détailla pendant de courtes secondes qui parurent lui durer une éternité. Elle se mordait les lèvres, la tête baissée, honteuse d’avoir agis aussi bêtement. Mais lui voyait autre chose. Pour la première fois, il voyait Hayden. La Hayden qu’il avait jadis connue, avant que sa vie ne prenne un tourment inattendu. Il voyait au-delà de ses yeux verts, au-delà de sa peau claire et de ses cheveux sombres. Il voyait tout ce qu’elle avait caché en elle depuis tant d’années.

Hayden redressa la tête, un sourcil haussé avant qu’il ne l’attire contre elle pour l’embrasser une nouvelle fois. Leurs lèvres s’effleurèrent quelques secondes, durant lesquels Nick semblait réfléchir aux conséquences de ses actes. Les yeux baissés sur les contours de sa bouche, sentant sa respiration chaude sur sa peau, il hésita quelques secondes. Puis, dans un élan de courage ou peut-être de stupidité, il se lança. Il emprisonna les lèvres d'Hayden dans les siennes. Au début c'était un baiser timide, qui au fil des secondes prenait de l’ampleur, et de l’importance. Il renfermait de la passion, du chagrin, une douleur que seules ces deux personnes pouvaient comprendre. Mais également du désir.

Leurs lèvres se quittèrent quelques secondes. Hayden se pencha vers la table pour reposer la bouteille de vodka, mais cette dernière s’écrasa au sol. Le contenu se déversa sur le tapis et sur le parquet avant qu’une forte odeur ne s’en dégage.

— Désolée, murmura-t-elle en souriant timidement

— Ce n’est rien, soupira Nick en affichant un petit rictus contre les lèvres d’Hayden.

Il l’attira une nouvelle fois vers elle, et la porta doucement sur ses genoux. Ils s’embrassèrent avec plus d’impatience. Hayden passa ses mains sous le t-shirt de Nick sentant alors de nombreuses cicatrices qui lui étaient jusqu’à présent inconnues. Avec rapidité, elle le lui enleva, tout en continuant de caresser les nombreux stigmates qui abîmaient son torse. Puis ce fût au tour de Nick, de retirer les habits d’Hayden. Leurs esprits étaient anesthésiés par l’alcool, aucun d’eux n’avait les idées en place, ou au contraire. Peut-être étaient-ils parfaitement conscients de ce qui se passait entre eux. De cette passion qui émanait de leurs corps, de leurs échanges de baiser, de leurs lèvres sur leurs peaux nues.

Puis, alors qu’ils continuaient de s’embrasser, Nick souleva Hayden et l’entraîna jusqu’à sa chambre sans défaire ses lèvres des siennes. Il claqua la porte derrière lui, sans même se douter que le lendemain matin tout ce qu’il s’était passé viendrait le hanter.

Nick dormait à poings fermés, le visage écrasé sous l’oreiller. Les rayons du soleil baignaient doucement sa chambre d’une agréable chaleur. Ils se déposaient sur son corps endormi et encore ankylosé de son combat, mais il souffrait déjà moins que la veille. À côté de lui se trouvait la jeune Hayden. Son corps était enroulé d’un drap blanc et ses cheveux sombres retombaient sur son visage endormi. Elle émergeait doucement du sommeil dans lequel elle était plongée. Son odorat se réveilla délicatement et la forte odeur d’alcool vint de nouveau l’enivrer. Sa tête lui faisait mal comme tous les matins après avoir bu une partie de la soirée. Elle bougea silencieusement les bras, sentant le matelas dur sous son corps encore fatigué. Puis finalement, elle ouvrit les yeux. Le plafond qui lui fit face lui était d’abord inconnu, mais lorsqu’elle tourna la tête pour voir qui était allongé à ses côtés, les souvenirs de la veille lui revinrent. Ils étaient flous, mais sa présence près de cet homme les rendait distincts. La panique s’empara alors de son visage, son cœur battait la chamade. Elle passa ses mains dans ses cheveux et retint douloureusement ses sanglots. Ce n’était pas possible, ils n’avaient pas fait ça. Pas avec lui. Nick était son seul véritable ami et là, elle venait de tout foutre en l’air. Comment ? Pourquoi ?

Au fond d’elle, Hayden se sentait honteuse, un sentiment de remords et de mal-être se mit à lui ronger l’âme. Malgré ce qu’elle ressentait pour Nick, elle savait que lui n’éprouverait jamais rien à son égard. Et c’était peut-être la seule chose qui la faisait paniquer ce matin-là. Mais elle n’eut pas de temps de s’apitoyer sur son sort ni de prendre ses affaires pour disparaître de la chambre.

La porte de l’appartement de Nick venait de s’ouvrir, laissant un homme entrer. Elle avait entendu le bois de l'entrée grincer lorsque l’individu l'avait refermé.

D’un bond, Hayden avait agrippé le drap et s’était précipitée vers la salle d’eau. Elle s’enferma priant pour que la personne ne disparaisse. Son cœur battait jusque dans ses tempes. Des larmes commençaient à perler au coin de ses paupières. Elle tenait la couverture contre sa poitrine, passant nerveusement ses mains dans ses cheveux. Comment allait-elle se sortir d’ici ? Elle n’allait pas attendre que cet homme ne parte, si ? Dans tous les cas, si elle voulait quitter l'appartement, elle devrait passer devant cet homme. Hors de question de faire face à cet individu ! Alors elle attendit, le cœur de plus en plus serré, revoyant sous ses yeux des images de la veille.

Quant à Nick, il dormait encore à poings fermés. Son corps baignait dans les faisceaux lumineux d’un soleil levant. Il faisait encore le même rêve – ou plutôt le même cauchemar. Il avait oublié ce qu’il s’était passé la veille – du moins pour le moment.

Trop endormi, il n’entendit pas l’homme entrer dans sa chambre.

L'individu resta pendant de courtes secondes sur le pas de la porte, observant le corps totalement nu de Nick, avec une pointe de tristesse, et d’angoisse. Qu'est-ce qu'il t'arrive, pensa-t-il à cet instant. Puis lentement, il s’avança vers les rideaux. D’un geste brusque, il tira sur le tissu et fit entrer les rayons encore matinaux du soleil dans la pièce, sale et dépourvue de vie. Ici, il n’y avait rien à part un lit, une porte qui donnait sur un placard et une autre sur la salle de bain. Nick ne gardait rien de personnel dans sa propre chambre.

Les rais ensoleillés glissèrent doucement sur Nick qui grogna avant de prendre son oreiller pour se le coller sur le visage. Il sentait encore les effets de l’alcool sur lui, et la migraine qu’il avait récoltée ne l’aidait pas. Au début, il s’attendait à ce que ce soit son frère qui débarque dans son appartement à une heure aussi matinale. Mais pourquoi aurait-il fait ça ? Depuis que Nick avait emménagé dans ce que Jared appelait sans équivoque un « taudis », Nick ne l’avait jamais vu mettre un seul pied ici, ni même dans la rue en bas de chez lui. Il grommela des paroles inaudibles tout en se retournant pour ne pas faire face à la lueur agressive qui entrait dans sa chambre. Une nouvelle odeur vint à lui. Un parfum bon marché qui était sans nul doute, celui de son ami, Daniel.

— Debout ! grogna-t-il.

— Fou moi la paix ! soupira Nick en se tournant vers le mur.

L’homme leva la tête et étudia la chambre et les quelques habits de femme qui traînaient par terre. Il comprit très rapidement que sa conquête de la veille n’avait pas encore mis les voiles.

— Où est-elle ? demanda-t-il en observant autour de lui.

— Qui ?

— Celle qui a semé ses vêtements dans ton appartement. Quelque chose me dit qu’elle n’est pas partie en tenue d’Adam…

D’un bond, Nick se redressa à son tour, le cœur battant, la respiration courte. Non, cela ne pouvait pas être possible. Il n’avait pas fait ça, pas à Hayden.

— Eh bien voilà, tu es réveillé ! sourit Dan. Je te donne quinze minutes sinon je pars sans toi ! Et fais tout pour que je ne croise pas ta copine d’un soir, c’est assez gênant comme ça !

La porte se referma derrière Daniel, laissant Nick dans le flou le plus total. Il observa rapidement autour de lui avant d’attraper les quelques vêtements qu’elle avait abandonnés par terre. Il se pressa vers la salle de bain, seule pièce dans laquelle Hayden aurait pu se cacher en si peu de temps.

Lorsqu’il entra, il la découvrit le corps toujours entouré du drap et le visage rougi par la honte et les remords. Et à cet instant précis, ils étaient tous les deux atteints d’une culpabilité qui les rongeait de l’intérieur. Il déposa les vêtements d’Hayden sur le bord du lavabo avant de se tourner pour attraper des fringues dans la panière à linge. Il l’enfila rapidement puis lui fit face vers elle.

— Je vais laisser la porte ouverte, tu n’auras qu’à mettre la clef sous le paillasson.

Hayden comprit lorsque ses mots franchirent ses lèvres qu’ils n’allaient en aucun cas parler de ce qu’il s’était passé la veille. D’un côté, elle eut comme un léger pincement au cœur. Elle ne valait pas mieux que les autres aux yeux de Nick.

Elle hocha la tête alors qu’il enfila son t-shirt. Sans ajouter un mot, il se dirigea vers la porte et s’arrêta avant de jeter un œil à Hayden par-dessus son épaule. Lui aussi se sentait coupable de ce qui s’était passé la veille, il s’était promis de ne jamais toucher à Hayden, pas à sa meilleure amie, elle ne méritait pas de souffrir à cause de lui. Et Nick le savait, mais il fallait croire qu'à cet instant, sa détresse s’était envolée.

Il disparut derrière la porte et rejoignit Daniel qui était en train de ranger les bouteilles de bière et celle de vodka qui jonchaient le sol. Lorsqu’il se redressa, il toisa Nick qui était prêt à commencer une vraie journée de travail. Mais avant il avait besoin de parler à son employé, enfin plus à son ami tant qu’il n’avait pas passé les portes du bureau du Denver Report.

— Je te paie un café, souligna Daniel en sortant de l'appartement..

Nick attrapa ses affaires avant de pénétrer dans le couloir. Il ne ferma pas la porte à clef, ce qui intrigua Daniel.

— Quelqu’un a fait sauter ma serrure la semaine dernière, expliqua Nick.

— Je ne comprends pas pourquoi tu vis ici, grommela Daniel en descendant les escaliers.

— Mon salaire ne me permet pas d’avoir quelque chose de mieux, soupira le journaliste.

— Non, tu pourrais avoir quelque chose de mieux si tu ne dépensais pas tout ton salaire en alcool ! corrigea son ami.

Ils montèrent dans la voiture sombre de Daniel avant que ce dernier ne quitte cette rue malfamée en direction d’un petit café en centre-ville. Pendant tout le trajet, les deux hommes restèrent silencieux. Daniel se demandait si Nick allait lui pardonner de lui avoir parlé comme il l’avait fait la veille, et Nick lui songeait à Hayden et aux baisers qu’ils avaient échangés – entre autres choses. Il revoyait toute la soirée passer sous ses yeux, sentait de nouveau l’alcool glisser dans ses veines, mais ce n’était rien à côté de cette culpabilité qui commençait à l’habiter. La petite voix dans sa tête ne cessait de lui hurler qu’Hayden ne méritait pas ça. Elle ne méritait pas de souffrir à cause de ses abus de son alcoolisme. Et une autre lui disait qu’elle était tout aussi responsable que lui, mais cette voix-là, il ne voulait pas l’entendre.

Il se remémorait encore leur rencontre, et toutes ses journées passées ensemble. Tous ses souvenirs avaient explosé en mille éclats lorsqu’il lui avait rendu son baiser. Il baissa la tête, fixant ses doigts qu’il nouait nerveusement sentant son cœur se serrer de plus en plus. Hayden… Pourquoi c’était arrivé ? Il ne le comprenait pas.

Ils traversèrent une bonne partie de la ville avant de rejoindre le café. Nick sortit de ses pensées lorsque le moteur de la berline s’éteignit. Il observa Daniel descendre de sa voiture et regagner sur le trottoir enneigé. En silence, ils partirent s’installer à une table près de la fenêtre. La serveuse ne mit pas de temps à leur apporter leurs cafés et leurs pains perdus, comme ils prenaient habituellement tous les mardis matin.

Daniel observa son ami inquiet. Il n’avait jamais vu cette expression sur son visage, son regard noisette était encore plus sombre que d’habitude. Il savait que depuis son retour Nick avait changé, mais il ignorait pourquoi cette transformation avait eu lieu. Il était simplement conscient que celle que Nick avait aimée l’avait quitté du jour au lendemain, le laissant seul avec son chagrin.

— Est-ce que tout va bien ? demanda Daniel soucieux.

Nick redressa la tête et observa son ami, avant de répondre d’un simple acquiescement.

— Ton visage, qu’est-ce qu’il lui est arrivé ?

— Rien, soupira Nick encore anesthésié par l’alcool.

— Écoute pour ce que j’ai dit hier, reprit Daniel, je suis désolé. Je n’avais pas le droit de te dire ça et encore moins devant tes collègues…

— Ce n’est rien, murmura Nick, tu as raison.

— J’ai… raison ? répéta Daniel surpris d’entendre ces mots. Attends une seconde, tu ne comptes pas partir ?

— Tu me l’as proposé pourtant, se souvint le journaliste.

— Non, mais ce n’était pas… Tu es un très bon reporter Nick, mais tes retards et tes arrestations un peu trop répétitifs, et ton état d’ébriété presque constant, ce n’est plus possible…

Nick baissa les yeux sur son café, avec la sensation d’entendre son frère parler. Et là, il comprit pourquoi Daniel était venu le chercher ce matin-là et pourquoi il l’avait invité à boire le café.

— Tu as parlé à April, murmura-t-il.

— Oui ! On est inquiet pour toi Nick, on est préoccupé par ce qu’il passe, de ce que tu deviens, et surtout du taudis dans lequel tu vis ! Ce truc menace de s’effondrer à chaque fois que quelqu’un claque une porte !

— Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez.

— Alors, explique-moi ! Nick, je sais que ta séparation avec Emilie t’a fait très mal, mais tu dois aller de l’avant…

Le nom d’Emilie résonna dans tout son corps, et réveilla d’étranges sensations qu’il avait crues oubliées. Il ferma les yeux pendant de courtes secondes et se concentra sur autre chose, il ne devait pas penser à elle, pas maintenant.

— Je vais bien, insista Nick.

— Si tu le dis. Mais Nick, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que je suis là, peu importe l’heure, je te répondrai.

— Et qu’en pense ta femme de mes coups de fil à trois heures du matin ? railla-t-il.

— Je n’en sais trop rien, je dors sur le canapé.

Surpris, Nick redressa la tête. Il s’était tellement focalisé sur sa propre personne qu’il ne s’était même pas intéressé à son ami d’enfance.

— Elle me reproche de trop ronfler, soupira-t-il, elle devrait s’entendre de temps en temps !

Pour la première et dernière fois de la journée, Nick afficha un sourire et laissa un petit rire lui échapper. Ils finirent leurs cafés et leurs pains perdus avant de reprendre la route en direction du journal.

Lorsque Nick arriva dans le hall aux côtés de Daniel, tous les regards se tournèrent vers eux. La rumeur comme quoi Nick Gray était enfin viré, n’était alors que ça : une simple rumeur. Il salua comme à son habitude la standardiste et rejoignit le premier étage. Et là encore, il fut le centre de l'attention. . C’était la première fois depuis qu’il avait commencé à travailler ici que le grand Nick Gray arrivait à l’heure. Cela méritait quelques moqueries de la part de ses collègues.

— Tu es tombé du lit Gray ? railla l’un d’eux.

— Ferme-là ! souffla Nick en posant ses affaires.

Nick eut à peine le temps de déposer son sac que la voix de Daniel se faisait entendre. Il raccrocha rapidement son téléphone avant de se montrer à la porte de son bureau.

— Gray ! Sloan Lake tout de suite !

Sans s'interroger, Nick reprit ses affaires et se pressa vers les marches. Alors qu’il arrivait au niveau des escaliers, il fit face à Hayden. Son visage et celui de la jeune femme s’empourprèrent.

— Hayden, murmura-t-il soudainement nerveux, qu’est-ce que tu fais là ?

— Je…

— Nick ! grogna la voix de Daniel.

Dan le retrouva dans les escaliers et tendit les clefs de sa voiture à Nick avant d’observer Hayden.

— Hayden ? souffla-t-il, surprit. Qu’est-ce que tu veux ?

Elle tourna les yeux vers Daniel et monta les dernières marches qui lui restaient laissant alors Nick derrière elle. Il hésita pendant de longues secondes à faire demi-tour pour écouter la conversation qu’ils allaient avoir. Hayden était après tout la petite sœur de Daniel et si jamais par malheur elle décidait de se confesser sur la nuit passée, Nick était à coup sûr un homme mort. Pourtant il choisit de partir, si Daniel lui avait demandé d'aller sur le terrain c’était qu’il y avait une bonne raison, du moins il fallait l’espérer.

Il grimpa dans la voiture de son ami avant de rouler à toute vitesse en direction de Sloan Lake. Il ignorait ce qui se passait près du lac, mais tout le monde était attiré par les lumières bleue et rouge des gyrophares. Nick sentait soudainement une étrange sensation peser dans sa poitrine. Il avait comme un mauvais pressentiment.

Il descendit de sa voiture et retrouva les autres curieux qui étaient rassemblés près du cordon de sécurité. Il n’écoutait pas les commérages et se contentait d’observer ce qui lui faisait face.

Près du lac, des scientifiques étaient réunis, un tissu blanc recouvrait une forme humaine et des policiers s’attelaient à la recherche d’indices. Un peu plus haut, une véhicule était garé. C’était une Jeep grise immatriculée dans le Wisconsin. Nick l’étudia avant de tourner la tête vers l’inspecteur chargé de l’affaire. Il le reconnut rapidement et savait tout de suite qu’il n’obtiendrait aucune information de sa part, mais il devait tenter le coup.

Nick était un excellent journaliste et il l’avait prouvé à maintes reprises, mais il avait du mal à suivre les règles, et ce jour-là les règles lui étaient encore inconnues. Il voyait le corps inerte dissimulé sous ce drap blanc, entouré de neige. Les scientifiques s’attelaient à leurs tâches, et la Jeep était passée au peigne fin. Tout ceci ne présageait rien de bon, et si Nick était sûr d’une chose, c’était que son instinct ne l’avait jamais trompé ! Alors il dépassa le cordon de sécurité lorsque le policier en faction eut le regard ailleurs et s’avança rapidement vers la scène du crime. Il entendait autour de lui toutes les théories des flics, les murmures des passants trop curieux, mais rien de tout cela ne l’arrêta. La vision du corps qui était dissimulé sous un drap immaculé l’immobilisa. Son regard devint brusquement rempli d’une angoisse qu’il ne connaissait plus, la chaleur que renfermait son corps s’évapora et son âme se déchira. Il fronça les sourcils et fixa la main parfaitement manucurée qui dépassait de la couverture. Ce n’était pas cette main qui le figeait de cette façon, non c’était le bracelet qui entourait son poignet. Il connaissait ce bracelet.

Une boule se forma dans sa gorge et glissa le long de son œsophage avant de peser dans son estomac. L’air était soudainement devenu irrespirable. Cela devait être une erreur, ça ne pouvait pas être elle !

Il sursauta et sortit de ses pensées lorsqu’une main lui frappa l’épaule. La seconde suivante, le lieutenant en charge de l’affaire lui fit-face.

— Dis-moi Gray, les cordons de sécurité tu connais ?

— Qui est-ce ? demanda Nick sans se préoccuper de la réflexion du lieutenant.

— Tu es encore journaliste toi ? gronda-t-il, agacé. On fera une déclaration en fin d’après-midi maintenant fais-moi plaisir et dégage d’ici ou j’appelle ton frère !

Nick n’écoutait déjà plus. Lorsque les coroners arrivèrent pour emporter le corps de la victime, le cœur de Nick s’emballa de plus en plus vite. Doucement, ils retirèrent le drap qui la recouvrait laissant apparaître son visage pétrifié par la peur. Sa peau d’un naturel clair et lumineux était bleue, les yeux clos et la bouche fermée il ne cessait de revoir celle qui fut jadis cette femme. Il la regarda passer à côté de lui, sentant alors son monde s’écrouler . péniblement

Il connaissait cette femme, et sa présence ici ne présageait rien de bon.

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