14 - Couverture

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 Ce soir, en rentrant chez moi, j'ai senti une présence. Je sortais alors du train. Là, au moment où je posais un pied sur la gare, je l'ai sentie qui m'observais. Je me suis brusquement retournée, et ai fixé de façon un peu bizarre sans doute les visages qui m'entouraient. Aucun ne correspondait à mon impression. Et pendant que je gardais les yeux dans la vitre, celle-ci fuyait, de sorte qu'il n'y restait plus qu'un reflet.

 Un peu désorientée, je restais ainsi à faire quelques pas dans la gare, qui se vidait. Bientôt, je m'y suis trouvée seule, à part la lune. En vain j'ai recherché en elle ce sentiment fugace qui m'avait étreinte. Autour de moi, il n'y avait que le noir, auxquels seuls s'opposaient un timide lampadaire et la lointaine lune. Songeant qu'il n'y avait plus personne pour me suivre, j'ai descendu les marches pour sortir de la gare, rassurée, et pressée de rentrer chez moi.

 Mais il n'a pas fallu de plus de quelques pas pour que cette présence s'impose à nouveau à moi. Elle flottait là, quelque part près de moi, et je ne parvenais pas à la repérer. J'eus beau courir et brusquement virer à gauche ou à droite, je la sentais qui me suivais. Où que j'aille, elle était là. Et même si apparemment il n'y avait personne, même dans une ruelle complètement déserte. En fait, je ressentais d'autant plus cette présence que j'étais seule, laissée à moi-même.

 Le soir était tombé complètement, les vitrines étaient fermées, et je ne croisais personne, sinon à l'occasion un chat, qui me regardait en silence. L'air était plein de fraîcheur automnale, de cette fraîcheur qui se mêle à ce ciel noir et sans nuance, à ces faibles lueurs des lampadaires, à ces quelques feuilles traînant négligemment sur le trottoir, tout cela participant d'une même atmosphère mélancolique. Cette douce solitude. Il y avait en elle quelque chose de calme, de confortable, et pourtant, j'étais terriblement inquiète. Je me sentais obsédée.

 Mon appartement approchait, et la présence ne me quittait pas, elle était au contraire de plus en plus évidente. Je commençais à ralentir, je lançais de plus en plus souvent des regards furtifs autour de moi. Sans doute qu'un passant m'eût facilement pris pour une voleuse venant de commettre son forfait. Enfin une voleuse débutante. Je me suis surprise à me demander ce que j'allais voler. Bizarrement, il m'a fallu quelque temps pour m'apercevoir que non, je n'avais rien volé, je rentrais chez moi.

 Je finis par arriver chez moi. La montée en ascenseur fut le moment le plus pesant de cette soirée. J'étais comme livrée à ma présence. Pourtant je voyais tout l'intérieur. Mais je continuais à l'imaginer dans un recoin de cet ascenseur. Je ne m'expliquais pas mon état d'esprit, j'étais sous son emprise. Je lui attribuais mille qualités démoniaques, je la mêlais à mes cauchemars, à mes angoisses, à mes zones d'ombre...

 Etrangement, en sortant de l'ascenseur, la présence m'a paru se dissiper. Pour un temps, je me sentais soulagée, bien que je continuais à l'imaginer quelque part, comme si elle s'était seulement éloignée. J'ai rejoint ma porte, l'ai ouverte. J'ai lentement parcouru mon appartement jusqu'à ma chambre. Je voulais me coucher au plus vite, m'abandonner au sommeil et en finir avec cette pénible soirée.

 Mais la présence était là. Je ne pus réprimer un cri. Pourtant, je ne voyais rien. Mais il y avait quelque chose, c'était certain. Je balayai la pièce des yeux, à la recherche de cet ennemi invisible. Enfin je trouvai que c'était sous la couverture qu'elle me paraissait être. Je n'y voyais pas de silhouette humaine, pourtant elle était certes un peu repliée... Je m'approchai lentement et avec effroi. Je me tins immobile face à mon lit, puis, d'un mouvement rapide, je saisis la couverture et la jetai en l'air.

 Il n'y avait rien. Ma présence était là, mais je ne voyais rien. Je suis restée immobile, ne sachant que penser, mon coeur battant rapidement. Je crois que je transpirais et haletais. C'était un cauchemar. Je me suis dit que le mieux était de tâcher de dormir, de me forcer à dormir et à ne plus y penser. Je me suis déshabillée, me suis allongée, ai ramassé la couverture et m'en suis recouverte.

 Et au moment où j'ai posé la couverture sur moi, je l'ai sentie. Et cette fois enfin entièrement et avec évidence !

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