07 - Eyleen

3 minutes de lecture

28 mars, 5h07

Lever de lune : 09h34 - 22h32

Elle se leva et se rendit dans la cuisine pour découvrir d'où venait ce bruit. Elle avança dans le noir, le pas sûr mais prudent et plus silencieuse qu'elle ne l'avait jamais été. Un homme attendait devant le frigo ouvert. Eyleen s'arrêta sur le pas de la porte et observa cet homme aux cheveux aussi blonds et presque aussi longs que les siens. Il était fin, voire même sec, habillé simplement d'un jean et d'un T-shirt noir. Et il se tenait là, devant la lumière, une cigarette à la bouche. Eyleen esquissa un rictus de dégoût, elle détestait quand il fumait, et encore plus quand il crachait sa fumée sur la nourriture ! Elle ne savait pas si elle était soulagée de son retour, furieuse qu'il n'ait pas jugé bon de la tenir au courant, ou déçue qu'il ne soit pas allé la voir directement ou ne se soit pas inquiété pour elle... Elle s'adossa au mur et croisa les bras. Un coup d'oeil vers l'horloge lui indiqua qu'il était cinq heure du matin. Autant dire qu'il avait quasiment passé la nuit dehors. Ça faisait plutôt long pour quelques courses, surtout quand elle s'en était déjà occupée la veille.

— Ça va, t'as passé une bonne nuit ?

Il se retourna et lui jeta un regard perdu. Elle décroisa les bras et se redressa, à défaut de pouvoir reculer. James, qui avait toujours eu de superbes yeux bleu nuit, et c'était aussi ce qui l'avait séduite, les avait à présent noirs, bordés de rouge sang. Il se dégageait de lui un charme plus ravageur que jamais, malgré ses yeux étranges et ses canines saillantes. On aurait dit que les défauts de sa peau, dus à l'excès de tabac, les cernes qu'il aurait dû avoir en passant une nuit dehors, tout avait été gommé, comme à travers un filtre. L'effet aurait été magique si ce n'était l'odeur qu'elle percevait à présent, une odeur de mort, de moins en moins masquée par la cigarette. Cette infecte émanation réveilla la douleur de son épaule tandis que son nez se fronçait et qu'un grondement irrépressible montait dans sa poitrine. Le regard de James retrouva un semblant de vie alors que le grondement prenait de l'ampleur, et il y répondit par un sifflement menaçant. Puis sans prévenir, il lui fonça dessus en montrant ses crocs. Dans un éclair, la mémoire lui revint, elle savait à présent d'où lui venait cette douleur ! Durant la journée, alors qu'elle était lionne, elle en avait affronté d'autres comme lui, des Vampires ! Des êtres immondes à l'odeur immonde, qui attaquait les pauvres gens pour boire leur sang ! L'un d'eux lui avait déchiré l'épaule en traître alors qu'elle se défendait déjà contre une mégère aux yeux rouges. Son sang ne fit qu'un tour et elle lui bondit dessus, oubliant un instant qu'elle n'était qu'humaine. C'est de justesse qu'il manqua son cou lorsqu'elle se prit les pieds dans la chaise et se rattrapa en le faisant basculer au sol. Le choc fut tellement rude qu'Eyleen se retrouva le souffle coupé. Elle s'était retrouvée, elle ne savait comment, sous James, qui la maintenait de force sur le sol. Jamais dans ses souvenirs, elle ne se le rappelait aussi fort ! C'est toujours elle qui avait le dessus quand ils jouaient à ça ! Maintenant, fini de jouer, il était accroché à la même épaule qui l'avait faite souffrir à son réveil, il voulait manifestement en finir avec elle. Elle se débattit alors autant qu'elle put, se dégageant suffisamment pour faire le mouvement de jambe qu'elle apprenait à ses élèves dans ses cours de self défense et qui les embarqua tous les deux en inversant les rôles. Bien que bloqué sous elle, il n'avait pas lâché sa clavicule qui la faisait à présent tellement souffrir le martyr qu'elle en poussa un hurlement. Submergée de douleur, elle comprit qu'elle risquait fort de perdre ce combat. Elle ne savait comment, mais il était plus fort qu'elle, elle devait fuir. Elle jeta un rapide regard autour d'elle, mais ne repéra aucun objet à portée demain susceptible de l'aider. Elle était au désespoir. Si elle ne faisait rien, elle allait mourir ici et maintenant, dans cet appartement miteux, le jour où elle avait découvert qui elle était vraiment au fond d'elle. C'était hors de question ! Des larmes de rage s'échappèrent alors qu'il arracha tout un pan de peau de sa poitrine. Il tentait d'arracher son cœur, ce salaud ! Dans un sursaut de désespoir, elle saisit la porte du frigo des deux mains et lui cogna si fort la tête qu'elle réussi à se dégager d'un bond, une main sur son torse pour éviter de se vider de son sang. Elle recula rapidement, trébucha sur le sol déjà englué de sang et s'enfuit en courant dans le couloir, nue.

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