Le joueur de flûte

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Il était une fois, dans un petit village sans histoires, un jeune homme dont le seul trésor était une flûte. C’était le seul souvenir qu’il avait hérité de son père. Ce dernier avait disparu lorsqu’il était enfant. Hélas pour lui, sa mère était tombée très malade, et le jeune homme se doutait qu’elle ne passerait pas l’année.

Un soir d’hiver, alors que dehors soufflait le vent glacial, la mère appela son fils à son chevet.

  • Mon enfant, mon cher enfant… Je crois que je ne serais plus de ce monde demain matin, alors j’aimerais te confier tout ce que je possède. Cette maison t’appartient désormais ainsi que tout ce qui se trouve à l’intérieur. Mais promets- moi de ne jamais suivre le même chemin que ton père…

A peine avait-elle achevé sa phrase qu’elle mourut. Le jeune homme n’avait donc plus que les yeux pour pleurer. Ce qu’il fit toute la nuit, jusqu’au petit matin. A l’aube, il enterra sa mère dans le jardin derrière ce qui était désormais sa maison, car il voulait avoir sa mère auprès de lui. A présent, il était bien seul. Et son seul réconfort était sa flûte dont il jouait merveilleusement bien.

Quelques jours après la mort de sa mère, le jeune homme retrouva le livre de musique de son père. Chacune des pages était soigneusement écrite à la main.

  • Eh bien, en voilà une chance… Si j’en joue un morceau, cela fera peut-être plaisir à ma mère, et aussi à mon père…

Le jeune homme sortit dans le jardin et se mit à jouer le premier air du livre. Les notes de la flûte s’envolaient majestueusement dans le ciel, et elles éclipsaient presque le chant des oiseaux. Lorsqu’il termina son morceau, il entendit un cri derrière lui. Il se retourna et vit sa mère qui l’observait avec deux grands yeux remplis d’un mélange de crainte et de terreur.

  • Maman, n’es-tu pas morte ?
  • Mon fils, qu’as-tu fait là ? Ne t’avais-je pas dit de ne pas suivre le même chemin que ton père ? Pourquoi ne pas m’avoir écouté ?

Il voulut s’approcher de sa mère, mais elle recula. Son âme brûla d’un seul coup, illuminant les alentours et dégageant une chaleur irréelle.

Le lendemain, poussé par la curiosité, le jeune homme recommença. Il tourna les pages du livre de son père et s’arrêta au hasard sur l’une d’entre elles. Il se mit alors à jouer un air de flûte d’une grande tristesse. Si triste que les oiseaux s’arrêtèrent de chanter. Le ciel s’était assombri d’un seul coup, et une fine pluie commençait à tomber. En la regardant de plus près, le jeune homme découvrit que la pluie était faite de sang, et qu’elle laissait de grosses flaques noires sur le sol.

Les jours passèrent doucement, et le jeune homme n’osa pas rejouer de la flûte. Dans le village, les rumeurs les plus folles couraient, car depuis la pluie de sang, le bétail tombait malade, les plantes et les légumes pourrissaient à vue d’œil. Cela ne pouvait pas être une simple coïncidence. Un paysan vint à pousser la porte de la demeure du jeune homme pour lui parler.

  • Depuis que tu as cessé de jouer de ta flûte, nous perdons tous nos biens ! Le bétail est malade et nos légumes pourrissent ! Il faut que tu fasses quelque chose… Rejoue donc tes airs de flûte…

Puis il partit, laissant là le jeune homme seul avec sa conscience. Et s’il se passait des choses encore pires que la dernière fois ? La pluie de sang n’avait-elle pas été un avertissement ? Il passa ainsi toute la nuit à réfléchir, ne sachant que faire.

Au petit matin, le jeune homme sortit à nouveau le livre de musique. Il choisit alors le dernier air qui y était écrit. Tremblant de peur, il avait saisi l’instrument à vent et l’avait porté à sa bouche. Un air des plus joyeux en sortit, accompagnant le chant des oiseaux. Et lorsque la mélodie s’acheva, il entendit des cris provenir du centre du village.

Lorsqu’il s’y rendit, ce qu’il vit était inimaginable. Tout n’était que chaos. Les villageois s’entretuaient les uns et les autres avec tout ce qui leur passait par la main. Homme, femme, enfant, vieillard… Nul n’était épargné.

Le jeune homme se rappela les dernières paroles de sa mère :

« Mais promet moi de ne jamais suivre le même chemin que ton père… »

C’était trop tard. Beaucoup trop tard. Le jeune homme sentit une vive douleur ignoble dans son dos, puis tout s’assombrit autour de lui…

Jamais plus il ne jouerait de la flûte.

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