Le dernier repas

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Il était une fois, dans un royaume lointain, un jeune noble, veuf, qui cherchait une épouse. Il était beau garçon, et bon nombre de jeunes filles rêvaient de l’épouser. Sa fiancée, celle que ses parents lui avaient désignée alors qu’il n’était encore qu’un enfant, avait disparu quelques jours après leur mariage. Le noble en fut attristé pendant un temps, attendant que l’on retrouve cette dernière. Mais elle ne regagna jamais la maison familiale. Et c’est avec le cœur rempli de tristesse que l’homme comprit qu’il était sûrement veuf.

Plus tard dans la même année, il jeta son dévolu sur une autre femme. Après tout, l’amour était secondaire, et il était plus important de perpétuer la lignée. C’est ce que lui avaient maintes fois répété ses parents, bienheureux de voir qu’il ne terminerait pas sa vie en veuf éploré. Le noble épousa donc la seconde jeune fille. Le mariage fut grandiose, bien plus prestigieux que le premier. L’épousée semblait heureuse, et pourtant…

Au bout de quelques mois de ce qui semblait être une union parfaite, elle disparut à son tour. Le jeune noble attendit de nouveau que sa moitié revienne dans la demeure familiale. En vain. Elle ne revint jamais, et plus personne n’eut de nouvelles. L’homme fut de nouveau considéré comme veuf.

L’année suivante, une autre jeune fille entra dans sa vie. Et comme les deux précédentes, elle disparut quelques mois après leur mariage. L’homme attendit à nouveau son retour, mais elle ne reparut jamais.

La jeune sœur de la dernière disparue s’était dit que c'en était trop. À chaque fois que le noble choisissait une épouse, elle disparaissait sans que l’on ne comprenne pourquoi. La jeune fille voulait en avoir le cœur net. Elle voulait savoir pourquoi sa grande sœur s’était volatilisée du jour au lendemain sans prévenir quiconque. Elle se démena donc, usant de divers stratagèmes de séductions, pour devenir la future épouse du jeune homme. Et contrairement à ce qu’elle avait pensé, cela ne fut pas compliqué. Il avait presque instantanément accepté de lier sa vie à la sienne par les liens sacrés du mariage. Il y eut de nouveau une fête prestigieuse pour célébrer leur union. Suite à cette célébration, la jeune fille commença sa nouvelle vie auprès de son nouvel époux.

Elle épiait tous les faits et gestes de son mari, du lever au coucher, tous les jours. Malgré tous ses efforts, elle ne découvrit rien de compromettant, et au bout de quelques semaines, abandonna l’idée de retrouver sa sœur.

Un soir, alors qu’ils se trouvaient tous les deux dans la chambre à coucher, elle osa demander à son mari :

  • Mon tendre époux, une question me vient à l’esprit à chaque fois que mes yeux se posent sur vous.
  • Laquelle est-ce donc ?
  • Je me demande à chaque fois pourquoi vos trois anciennes épouses ont disparu de votre vie comme cela.
  • Il faut croire que je ne leur plaisais pas assez…

Au moment où il prononça ces paroles, le regard du jeune noble changea. Et sa femme sentit alors un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale. Ce n’était pas un regard plein d’amour, mais un regard rempli de haine qu’il lui avait lancé. A cet instant, elle aurait voulu faire comme les épouses précédentes : prendre la fuite et disparaitre.

Le lendemain matin, alors qu’elle pensait son mari plongé dans ses affaires, elle fit ses valises pour partir de cet endroit qu’elle pensait maudit. Elle allait passer la porte de l’imposante demeure quand il s’interposa. Lui attrapant le bras avec force, le regard noir, mauvais, il demanda sur un ton mielleux :

  • Et bien ma chère, où donc comptez-vous donc aller ?
  • Nulle part, je voulais simplement…
  • Nulle part ? Avec une valise ? Quelle piètre excuse ! Je sais ce que vous vouliez faire : partir et rejoindre les autres. Eh bien, soit !

Le noble entraina sa femme à l’intérieur de la demeure, avant de la trainer de force dans la cave où elle n’avait jamais eu l’occasion de mettre les pieds. Là, elle comprit alors avec effroi où était passées les femmes qui avaient eu le malheur d’épouser cet homme. Sur le sol étaient éparpillés des restes pourrissants et des os brisés. Une grande marmite en fonte trônait dans l’une des pièces. La voix du mari résonna entre les murs :

  • Ma première femme était bien trop grasse, s’en était écœurant. La seconde était trop sèche, de quoi se casser les dents. La troisième était bien trop nerveuse, difficile d’en faire de bons morceaux.

Son regard se posa sur sa femme, et cette dernière, bien trop effrayée, ne bougea pas d’un pouce.

  • J’espère que vous serez aussi tendre dans mon assiette que vous l’avez été dans mon lit.

Le destin de la jeune femme était scellé : elle allait finir dans l’estomac de celui qu’elle soupçonnait depuis le début. La prochaine épouse aurait peut-être plus de chance qu’elle, telle était sa pensée à l’instant où son mari mit fin à sa vie.

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