L’ensorcelé

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Dans la ville, la nouvelle s'était répandue comme une trainée de poudre. Le roi était mort. Il avait souffert pendant de longues années d'une terrible maladie que l'on ne pouvait soigner. Et aujourd'hui, il s'était éteint au fond de son lit, le corps terrassé par la douleur.

Aujourd'hui était le jour de la mort du roi. Mais aujourd'hui était aussi le jour du couronnement de son successeur. Le prince était encore en larmes lorsque le grand conseiller déposa la couronne qui lui revenait sur sa tête. Le nouveau roi allait pouvoir régner aussi sagement que l'avait fait son prédécesseur.

Depuis le couronnement, le nouveau roi faisait de son mieux pour faire régner la paix sur son petit royaume sans histoire. Mais tous les matins, son conseiller se rendait auprès de lui pour lui demander d'une voix inquiète :

  • Mon roi, vous devez trouver une épouse. Mon roi, vous devez avoir un héritier. Mon roi, il ne faut pas tarder pour ces choses-là.

Et le roi lui répondait comme à chaque fois :

  • Je le sais, mon fidèle conseiller. Mais aucune des femmes que j'ai rencontrées ne fait battre mon coeur.

Et le roi restait ainsi, seul et triste à l'idée de ne pas trouver celle qui lui volerait son coeur.

Un jour, alors qu'il s'ennuyait dans son château, il décida de sortir et de se mêler à la vie de ses sujets. Il s'habilla comme un paysan de sorte que personne ne le reconnaisse, puis se faufila hors de son palais. Il visita ainsi la ville, prenant plaisir à discuter avec d'autres personnes que son conseiller. Le roi se sentait moins seul, se demandant si cela n'était pas plus intéressant que d'être roi. Souvent, lorsqu'il était enfant, son grand-père lui disait de sa voix tremblante :

  • Tu n'es pas fait pour être roi. Ce serait la pire chose qu'il puisse t'arriver, mon enfant.

Et le roi qu'il était finalement devenu le pensait vraiment.

C'est pendant l'une de ses journées où il flânait en ville, inconnu parmi la foule, qu'il l'avait rencontrée. Une simple jeune femme aux longs cheveux blonds, au teint pâle et aux grands yeux bleus. C'était une simple vendeuse de fleurs, mais alors qu'il la regardait, le roi sentait son coeur battre la chamade. Il l'observa quelques instants avant d'oser s'approcher d'elle. Cette dernière lui avait lancé un sourire, et sa voix douce résonna dans les oreilles du roi.

  • Voulez-vous quelques fleurs ? Celles-ci sont les plus belles du royaume.

Elle lui tendit un bouquet d'orchidées colorées, blanches, jaunes et roses. Il fut incapable de lui refuser, sous le charme de la jeune femme. Il les acheta avant de repartir dans son château, le coeur tout ébranlé par cette rencontre inespérée. C'est lorsqu'il pensa à elle toute la soirée, et toute la nuit, qu'il comprit qu'il en était tombé amoureux.

Les jours suivants, le roi sortait pour aller voir la vendeuse de fleurs. Il lui achetait toujours un bouquet avant de rentrer dans son château plus amoureux que jamais. Il l'aimait, il en était sûr et certain. Pourtant il ne connaissait pas le prénom de sa dulcinée, car il était incapable de le lui demander. Il venait la voir tous les jours, mais n'osait pas lui parler bien longtemps. Il ne lui avait pas non plus avoué la vérité : il ne lui avait pas dit qu'il était le roi. Il s'était demandé si elle le croirait. Peut-être prendrait-elle peur et refuserait de le revoir. À cette simple idée, il avait un pincement au coeur.


Ce matin-là, le conseiller était revenu demander d'une voix inquiète :

  • Mon roi, vous devez trouver une épouse. Mon roi, vous devez avoir un héritier. Mon roi, il ne faut pas tarder pour ces choses-là.

Et le roi lui répondit avec un large sourire :

  • Je le sais mon fidèle conseiller. J'ai trouvé la femme de ma vie, mais je ne sais pas encore si elle m'aime en retour.

Le conseiller parut soulagé par cette révélation et n'insista pas.

Le roi s'était à nouveau déguisé pour retrouver la vendeuse de fleurs et lui acheter un bouquet. Il s'était rendu en ville, à l'endroit où elle aurait dû se trouver. Mais elle n'était pas là. Plus loin, ce n'étaient que bruits et cris. Le roi avait couru à travers les ruelles pour se rapprocher. Il y avait une foule qui entourait ce qui ressemblait à un bûcher dressé à la hâte. Le feu y avait été mis, et la victime qui y était attachée hurlait de terreur et de douleur. Le roi avait senti son coeur s'arrêter lorsqu'il avait reconnu la voix : c'était celle de la vendeuse de fleurs. Voyant la mine décomposée du roi, un homme qui se trouvait à ses côtés lui expliqua :

  • Il ne faut pas faire cette tête d'enterrement. C'était une sorcière qui s'amusait à ensorceler les gens avec ses fleurs.

Mais le roi n'écoutait pas. Il ne pensait qu'à cette femme qu'il aimait et qui brûlait vive devant ses yeux sans qu'il ne puisse rien faire pour lui venir en aide.

Cela faisait plusieurs mois que le roi avait perdu l'élue de son coeur. Son humeur s'était assombrie. Le conseiller n'était pas venu l'ennuyer avec sa question habituelle ce matin-là : le roi l'avait fait pendre. Et il n'y avait pas que lui. Les exécutions étaient devenues monnaie courante. Son grand-père avait raison : il n'aurait jamais dû devenir roi.

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