Episode 64 : Pardon

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Kami n’arrivait pas à se détacher de Kaleb. Elle avait besoin de sentir sa chaleur pour se rassurer. Pendant un terrible instant, elle avait cru l’avoir perdu pour toujours. Mais son frère était bien vivant, elle le tenait dans ses bras !

Partagée entre le rire et les larmes, la jeune fille se blottit davantage contre lui en essayant de ne pas le réveiller. Kaleb avait besoin de se reposer au maximum avant leur départ du chalet. Leo venait en effet de décréter qu’ils s’en iraient au petit matin.

« On ne peut pas partir en catastrophe comme ça », protesta aussitôt Hana avec colère. « Kaleb doit encore rester au lit, au moins pour quelques jours ! »

« Il se reposera dans la voiture », rétorqua Leo d’un ton sec. Le jeune homme était nonchalamment adossé près de la porte. Il jouait distraitement avec une cigarette et semblait réfléchir à toute vitesse. « On doit dégager d’ici sans attendre, j’ai aucune confiance en Nephtali. On a douze heures. Passé ce délai, cet enfoiré nous vendra sans hésitation. »

« Mais pourquoi tu l’as invoqué alors ? » demanda Hana, de plus en plus contrarié. « Si tu sais pertinemment que tu ne peux pas te fier à lui... »

« Parce que j’avais pas le choix, d’accord ?! » explosa Leo en se décollant du mur d’un bond rageur. Il se planta devant la jeune femme en serrant les poings. « C’était ça ou laisser Kaleb crever dans la neige !! T’aurais préféré la seconde option peut-être ? Non ? Alors arrête de toujours contester mes décisions ! Si t’es pas contente, appelle Ismaël pour qu’il vienne te chercher, sinon laisse-moi gérer les problèmes à ma façon ! »

« Arrêtez de vous disputer s’il vous plaît ! » s’écria Kami alors qu’Hana ouvrait la bouche pour lancer une réplique virulente.

L’adolescente ne savait pas ce qui s’était passé, mais ça lui faisait tellement mal de voir le couple en froid comme ça. Leo semblait bouillonner de rage, tandis qu’Hana le toisait avec défi. Kami espérait de toutes ses forces que ce n’était que passager : Leo et Hana étaient faits l’un pour l’autre !

« Pas de dispute… s’il vous plaît », répéta la jeune fille dans un murmure, en les regardant tour à tour d’un air suppliant.

Hana fondit immédiatement comme neige au soleil et se précipita pour lui faire un câlin. Kami accueillit ses bras avec soulagement. Pendant ce temps, Leo se dirigea vers la porte d’une démarche raide, sa cigarette désormais au coin des lèvres. Kami se redressa aussitôt, elle ne voulait pas qu’il s’en aille.

« Leo, est-ce que tu pourrais rester encore un peu avec Kaleb et moi ? » demanda-t-elle d’une petite voix incertaine.

Dévorée par l’angoisse, la jeune fille ressentait le besoin d’avoir ses deux frères près d’elle. La présence de Leo la rassurait autant que celle de Kaleb.

Surtout après tout ce qu’il venait de faire pour eux… Leur grand-frère ne les avait pas abandonnés ! Il avait invoqué un démon pour sauver la vie de Kaleb et il avait arraché Kami à ses ravisseurs.

Il les aimait.

Kami n’en avait jamais douté, mais cette nuit la confortait désormais dans ses convictions. Leo les aimait vraiment, Kaleb et elle. Même s’il ne le montrait pas souvent, pour ne pas dire jamais.

D’ailleurs, le jeune homme resta un instant planté devant la porte sans rien dire. Il recommença à triturer sa cigarette, l’air très mal à l’aise. L’idée n’avait pas l’air de beaucoup l’emballer... Mais alors que Kami se laissait retomber à côté de son jumeau, un peu déçue, Leo finit par rebrousser chemin, puis s'avachit sur le fauteuil le plus proche du lit.

« Pas de problème », bredouilla-t-il en esquissant un petit sourire maladroit. On aurait plutôt dit une grimace, mais Kami ne le prit pas mal. Elle avait compris depuis longtemps que Leo n’était pas un champion des marques d'affection. Mais le seul fait de rester était déjà un autre grand pas en soi !

« Je vais nous préparer quelque chose à manger », annonça Hana en se levant. Elle passa devant Leo sans lui accorder un regard, puis quitta la pièce en fermant doucement la porte derrière elle.

Un petit silence gêné s'installa entre le frère et la sœur, seule la respiration paisible de Kaleb se faisait entendre. Leo continuait de faire tourner sa cigarette entre ses doigts sans rien dire. Et Kami décida de faire le premier pas.

« Tu es blessé », murmura-t-elle soudain en remarquant pour la première fois le sang sur les vêtements du jeune homme. Visiblement perdu dans ses pensées, ce dernier sursauta sur son fauteuil.

« Quoi ? Euh non, t’inquiètes ! J’ai rien du tout », répondit-il avec un temps de retard en se redressant légèrement. Il fixa un instant les taches sanglantes sur son blouson d’un œil distrait, puis reporta son attention sur Kami pour lui adresser un sourire rassurant. « T’en fais pas, c’est pas mon sang. »

« Oh, d’accord », souffla la jeune fille en écarquillant légèrement les yeux.

Elle essaya de ne pas penser à ce que cette réponse impliquait. Oh et puis zut, c’était sûrement bien fait pour celui à qui appartenait tout ce sang… Mais, et si c’était celui de Kaleb ?! Quand Leo l’avait porté au chalet, alors qu’il était à moitié… Kami serra aussitôt son jumeau contre elle pour chasser cette horrible pensée. Le geste brusque le fit grogner de mécontentement dans son sommeil.

« T’as plus rien à craindre pour lui, il va vite s’en remettre », lança gentiment Leo alors qu’elle relâchait Kaleb avec un petit « oups » désolé. La jeune fille se tourna ensuite vers son grand-frère, le regard plein de reconnaissance.

« Oui, et c’est grâce à toi ! » lui dit-elle d’une petite voix tremblante. « Si tu n’avais pas fait appel à ce… Nephtali… D’ailleurs où est-il ? Je devrais peut-être le remercier aussi ? Il a quand même soigné Kaleb ! »

« Il est parti », fit Leo en haussant les épaules. « Et ne te méprends surtout pas », ajouta-t-il, le regard sombre. « Nephtali n’est pas serviable. Crois-moi, il va pas du tout se gêner pour nous trahir, d’où l’importance de décamper au plus vite. J’ai réussi à négocier une avance de douze heures, mais avec lui on sait jamais… »

Les derniers mots s’étranglèrent dans sa gorge lorsque Kami se jeta dans ses bras sans crier gare.

« Merci de nous avoir sauvés, Leo ! » chuchota la jeune fille en le serrant très fort contre elle. « Si tu n’avais pas été là, ces gens nous auraient sûrement… »

Elle ne termina pas sa phrase, mais ses doigts s’accrochèrent davantage aux vêtements de son aîné. Contre toute attente, ce dernier répondit à son étreinte. C’était hésitant, maladroit, mais il la serra doucement contre lui, sans rien dire. Mais Kami s’en fichait, les actes de Leo valaient mille paroles. Elle décida de juste profiter de ce moment rare et précieux…

Kami se réveilla en sursaut et constata qu’elle se trouvait désormais sous les couvertures, près de Kaleb. Elle s’était endormie ? Ses yeux se posèrent aussitôt sur le fauteuil occupé un peu plus tôt par Leo. Mais le jeune homme n’était plus là, à sa place, trônait Mo. Cette dernière était installée du bout des fesses, l’air pincé comme d’habitude. Au fait non. Il y avait quelque chose de changé chez elle. Dans ses yeux.

Mais Kami n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

« Petite humaine », murmura Mo de sa voix éthérée lorsque leurs regards se croisèrent. « Ton frère et toi… vous allez bien. »

Kami ne sut dire si c’était une question ou une affirmation, mais Mo n’ajouta rien de plus. Elle se contenta juste de la fixer sans ciller, toujours avec cette étrange lueur dans ses prunelles dorées. C’était comme… de l’agacement ? Un malaise ? Oh et puis quelle importance ! Kami sentit une bouffée de ressentiment monter en elle : Mo n’avait rien fait pour aider Kaleb. Rien.

Comme si elle avait perçu sa colère, Mo détourna les yeux avec irritation. Les premiers rayons matinaux se reflétaient timidement sur son visage. Et Kami ne put s’empêcher de la trouver vraiment… belle et intimidante. Mais depuis quand était-elle là ? Avait-elle veillé le reste de la nuit à leur chevet ?

Un silence inconfortable s’étira entre elles pendant de longues minutes. Mo finit ensuite par pousser un petit soupir, elle semblait partagée entre l’ennui et la contrariété. Ses lèvres s’entrouvrirent comme pour dire quelque chose, mais aucun son n’en sortit. Elle se tourna ensuite vers Kami, l’air agacé.

« Kami », finit-elle par dire après l’avoir longuement dévisagé dans un silence… boudeur. Oui voilà, Kami avait vraiment l’impression qu’elle boudait. Mais l’adolescente ne s’attarda pas sur ce détail. Elle était beaucoup trop surprise : Mo venait de l’appeler par son prénom ! D’un ton sec d’accord, mais c’était quand même une grande première ! Kami en oublia presque sa rancœur.

« Kami », répéta Mo, la voix toujours aussi froide. « Ça va aller. Il n’y aura plus de prochaine fois. »

Puis sans rien ajouter de plus, elle se leva du fauteuil et se planta devant la fenêtre, tournant le dos à une Kami complètement éberluée.

Cette dernière ne savait absolument pas comment interpréter les paroles de Mo. Son visage était redevenu lisse et sans expression lorsqu’elle les avait prononcées. Que voulait-elle dire au juste ?

« Et maintenant, réveille ton frère », ordonna sèchement Mo, coupant court à ses pensées. « L’autre enquiquineur ne va pas tarder à monter pour sonner l’heure du départ. »

Elle disparut ensuite sans même se retourner.

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