Episode 51 : Pourquoi ?

5 minutes de lecture

Il faisait nuit noire lorsqu’ils durent s’arrêter pour que Leo puisse faire une pause. Dès que la voiture fut garée sur le bas-côté, à l’orée d’une forêt, le jeune homme se précipita entre les arbres pour y vomir.

Elle le suivit du regard, les lèvres pincées.

Bien que l’incident entre eux datait déjà de plusieurs jours, son organisme d’humain avait clairement du mal à s’en remettre... Non. Elle se montrait beaucoup trop dure. Pour un simple mortel, Leo s’en sortait vraiment très bien. Il n’était ni dans le coma, ni mort… encore et toujours là, debout sur ses deux jambes.

Elle ne l’avouerait pas, mais elle éprouvait un certain soulagement à ne pas l'avoir fauché. La vie de cet enquiquineur lui importait peu, mais elle n'avait pas le droit de le tuer. Elle frissonna en repensant à ce qui s'était passé : elle avait complètement perdu la tête... Si les jumeaux n'étaient pas intervenus… ça aurait été le début de la fin. Pour elle, mais aussi pour le monde.

Elle se sentit brusquement étouffée dans cette maudite voiture ! Leo leur avait ordonné de ne pas en sortir, mais il n’était pas son maître. Et puis, elle devait lui parler, elle avait besoin de comprendre…

Sa nuque brûlait sous le regard insistant des trois autres tandis qu’elle se dirigeait vers Leo. Depuis l’incident, ils ne cessaient de la regarder comme une bombe sur le point d’exploser. Elle sentait leur peur…

Le seul qui ne semblait pas la craindre, c’était Leo. Incompréhensible ! Cet humain était tellement étrange, si imprévisible.

Au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de lui, sa gorge devenait sèche, elle sentait une boule dans son ventre. Mais quelles étaient donc ces sensations… si désagréables ? De la peur ? Mais pourquoi ? De quoi ?

« Humain », fit-elle en arrivant à sa hauteur, alors qu’il se redressait, le visage affreusement pâle et le souffle court. Il flottait une désagréable odeur dans l’air. Elle fronça le nez avec dégoût en reportant son attention sur lui.

« Mais putain Mo, qu’est-ce que tu comprends pas à ‘tout le monde reste dans la voiture’ ? », marmonna le jeune homme d’un ton peu amène en restant un instant adossé à un arbre, puis il s’alluma une cigarette, d’une main tremblante. Les étranges symboles continuaient d’irradier sur sa peau.

Il leva ensuite les yeux vers elle.

« Est-ce que ça va ? » demanda-t-il.

Elle resta un instant pantoise face à cette question grotesque. Surtout qu’il n’y avait aucune trace de dégoût, et encore moins de peur dans son regard vert… et cela la dérangeait. Beaucoup. Tellement !

« Pourquoi ? » murmura-t-elle alors en serrant les poings. De la colère commençait à bouillonner lentement en elle.

« Hein ? Qu’est-ce que tu dis ? » demanda Leo, l’air perplexe en continuant de tirer tranquillement sur l’immonde tige empoisonnée.

« Pourquoi fais-tu comme si de rien n'était ? » cria-t-elle presque.

« Mais de quoi tu parles ? »

« Pourquoi suis-je encore ici avec vous ? Pourquoi n’as-tu pas peur de moi, Humain ? J’ai aspiré ta vitalité, je t’ai pris plusieurs années de vie, et toi, tu continues de te comporter aussi normalement avec moi ! Mais pourquoi ?! »

Il la regardait à présent avec ahurissement, comme si tout ce qu’elle disait n’avait aucun sens. Elle ne comprenait rien du tout à son attitude, à ses réactions. Il devrait la maudire pour ce qu’elle lui avait pris. Au lieu de ça, il s’allumait une cigarette et lui demandait comment elle allait !

« J’ai failli te tuer, t’en rends-tu seulement compte ?! »

N’en pouvant plus, elle se jeta sur lui et le secoua comme un prunier. Elle voulait qu’il réagisse. Qu’il se comporte enfin comme un humain normal. Les mortels avaient peur de la Mort. Ils la haïssaient.

« Mais j’en sais rien, bordel ! » finit par exploser Leo avec colère, en attrapant ses poignets, mais sans pour autant la repousser. « J’en sais foutrement rien, OK ? Je sais vraiment pas pourquoi… Mais c’est comme ça ! Tu... C’est peut-être parce que t’es mon seul putain d’ancrage dans toute cette merde ?! »

Un petit silence choqué suivit cette déclaration.

Elle ne s’attendait pas du tout à cette réponse, et lui non plus, vu son air perdu. Ils restèrent un moment à se fixer sans rien dire, le regard incertain. Jusqu’à ce que les trois autres débarquent, affolés.

« Leo ? Tout va bien ? » demanda Hana en les regardant tour à tour, inquiète.

« Ouais », répondit sèchement ce dernier. « On discute un peu avec Mo, retournez à la voiture », ordonna-t-il ensuite d’un ton sans réplique.

Mais Hana ne bougea pas, sans cesser de les observer… d’un air étrange.

Elle se rendit alors compte que les mains de Leo encerclaient toujours ses poignets. Qu’il était beaucoup trop proche. Elle n’aimait pas du tout la sensation de ses doigts sur sa peau et se dégagea d’un coup sec.

« Ça va aller », fit le jeune homme à l’intention des trois autres. « On a juste besoin de… parler un peu avec Mo. Juste tous les deux. »

Les trois humains parurent blessés par ses paroles, surtout Hana.

« Allez viens, Hana », cracha Kaleb en tirant la jeune femme à sa suite. « Laissons-les donc discuter en privé ! »

Et tandis qu’ils s’éloignaient, Leo ficha une nouvelle cigarette entre ses lèvres. Il reprit ensuite d’un ton plus calme à son intention :

« Ecoute, je sais que toute cette histoire est vraiment dingue, mais… toi et moi on veut la même chose : protéger les gamins. Du coup, on a besoin de se serrer les coudes, voilà. Et puis, c’est pas comme si tu avais vraiment eu l’intention de me tuer, non ? » ajouta-t-il en haussant un sourcil.

« Ton argument ne tient vraiment pas la route », répliqua-t-elle sèchement, éludant la question. « Je suis ici parce que le Vieillard m’y oblige. Si ça ne tenait qu’à moi, je ne me mêlerais pas de vos pitoyables problèmes d’humains ! »

« Sympa », se moqua l’autre en esquissant son petit sourire en coin. Celui qu’elle détestait, mais qui à cet instant précis… la rassurait ? Ridicule ! « Maintenant, dis-moi ce qui s’est passé. C’était Vassago ? »

Sans même s’en rendre compte, elle enroula ses bras autour d'elle. Elle frissonna en repensant à cette… créature. Les ténèbres à l’état pur.

« Il n’était pas seul », finit-elle par répondre dans un murmure. « Un… ange l’accompagnait. »

« Un ange ? » répéta Leo, incrédule.

« Un déchu… comme Lucifer. Très puissant… vicieux. Il m’a eu en traître », ajouta-t-elle ensuite avec colère en se remémorant le combat. « Un serpent. »

« Mais tu es plus forte que lui, non ? Tu es la Mort ! »

Elle ne répondit pas. Son esprit vagabondait vers une époque lointaine où, oui, elle n’aurait eu aucun mal à se débarrasser de son adversaire. Mais à quel prix ? Elle ne pouvait, ne voulait, plus prendre le risque.

« Ne t’inquiètes pas, humain », finit-elle par répondre froidement. « Au prochain affrontement, je serais prête. »

Elle tourna ensuite les talons, laissant royalement Leo en plan.

« Et maintenant, dépêche-toi. Nous devons continuer la route. »

« Ok », répondit le jeune homme en la suivant. « Sinon... la prochaine fois que tu comptes m’embrasser, si tu pouvais te montrer moins agressive », poursuivit-il d’une voix moqueuse. « Non pas que c’était désagréable, mais… le baiser de la Mort quand même ! »

Elle le fit taire d’un regard noir et il éclata franchement de rire alors qu’ils arrivaient à la voiture. Quel être insupportable !

Mais au fond… elle était contente qu’il soit encore en vie.

Gros bisous à Ladaline et Clarys Ormane... je vous aime les filles <3

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 7 versions.

Vous aimez lire StianSamaelle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0