POUSSABOUT (suite 3)...

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Dans la BD de Super Man, le super héros sauvait des vies tous les jours. Tous les jours de parution de la revue qui relatait ses exploits. Elle, modeste fée Poussabout, n'avait pas eu autant de résultat. Il y avait des jours avec, et des jours sans. Et les jours sans actions étaient plus nombreux que les jours où elle pouvait faire le bien en punissant les méchants. Il y avait un défaut dans sa tactique. Elle était obligée d'attendre que les petites victimes le disent, ou qu'elle s'en aperçoive, donc, qu'elle soit présente sur le lieu des méfaits de tous ces adultes sans foi ni loi.

"Euréka !" Dit-elle, en avalant de travers sa bouillie de régime qu'elle se forçait maintenant à avaler chaque soir pour atteindre le poids idéal qu'elle n'avait jamais eu, sauf quand elle était enfant, avant qu'elle ne grandisse et prenne sa taille d'adulte. "Je vais créer un site Internet." Elle se précipite sur son ordinateur, oublie de regarder le programme télé et de ce fait rate le neuf cent trentième épisode de son feuilleton préféré. Mais quelle importance ! Sa mission avant tout ! Elle y passera la nuit s'il le faut, mais demain le monde entier saura.

D'un simple clic, n'importe quel enfant, de n'importe quelle ville de France ou d'ailleurs, pourra faire appel à elle. Elle n'aura alors qu'à intervenir de chez elle. "Ah ! Zut ! Mais est-ce que je peux agir à distance. Est-ce que la force de mon pouvoir sera efficace si je ne vois pas, de mes yeux, les enfants que je dois sauver et les adultes que je dois punir ?"

Il lui fallait faire une expérience, une de plus, avant de mettre son site en service.

Après une longue réflexion, elle se dit qu'en se concentrant devant une photo du futur coupable, elle pourrait actionner son pouvoir magique. Mais comment se procurer une photo ? Si elle lançait son site et qu'elle n'ait aucun résultat, elle passera pour une nulle, ou plus, pour une escroc. Brusquement, elle se souvint d'un oncle, le mari de la sœur de sa mère, qu'elle n'aimait pas, parce qu'il était pas juste avec ses enfants quand ils étaient petits. Chaque fois qu'il rentrait saoul, le soir, après avoir traîné avec ses copains au café du bout de la rue, il gueulait pour rien. Parce que sa cousine avait une robe trop serrée à la taille, parce que son petit cousin n'avait pas fini ses devoirs du soir, parce qu'il ne trouvait pas ses pantoufles, parce que…Bref il était saoul, et il gueulait. Et ça, Amélie ne le supportait pas, alors elle faisait une bise à sa tante, à sa cousine et à son petit cousin, et filait chez elle, toute triste de ne pas être restée toute la soirée à jouer comme elle l'avait prévu. Souvent elle avait rêvé qu'un justicier masqué viendrait aplatir le nez de l'infâme d'un coup de poing vengeur. Ah ! Ça aurait été du boulot pour Poussabout ! Maintenant, la cousine était une jeune fille qui vivait dans son appart personnel, le petit cousin allait passer son bac. Mais s'il fallait s'exercer, autant que ça soit sur cet oncle maudit. Il payerait pour tous les méfaits passés. Après tout, si son pouvoir agissait à distance sur ce triste personnage, ce ne serait que justice. Elle plongea son nez dans ses vieux albums photos. Chance ! Toute la famille était réunie autour d'un barbecue. C'était pour l'anniversaire de la grand-mère, elle s'en souvenait parfaitement. Tout s'était bien passé jusqu'au soir, et puis l'oncle avait une nouvelle fois trop bu. Il s'était disputé avec son père, ils avaient failli se bagarrer, et tout le monde était reparti chez soi pendant que Mamy pleurait de colère et de déception. Poussabout se concentra, elle ne voyait plus que l'affreux, elle l'imaginait en haut de l'escalier que sa tante briquait chaque lundi et qui brillait comme un miroir. Amélie, elle-même, avait une fois glissé du haut en bas, ce qui n'empêchait pas la tante de frotter chaque semaine de plus belle. "Allez, pose le pied sur la première marche. Regarde en l'air, une mouche passe devant toi. Elle tournicote devant ton nez. Tu veux la chasser. Tu fais un moulinet avec ton bras droit. Tu perds l'équilibre. TU GLISSES !"

Pendant le reste de la soirée, elle garda un œil sur le téléphone, au cas où, et une oreille distraite en direction de la télé. Un présentateur animait un intéressant débat sur les difficiles rapports entre des non-voyants et des poissons d'aquarium. Au bout d'une heure le téléphone était toujours muet, quant à la télé, elle n'en avait retenu que l'intervention d'un spécialiste sur les risques d'allergie dû à la farine que l'on saupoudrait à la surface de l'eau pour nourrir les poissons multicolores.

Le lendemain matin, elle n'osa pas appeler sa tante. Elle passa un coup de fil à sa mère qui ne lui apprit rien sur l'oncle.

Ou, ça n'avait pas marché, ou, l'oncle était à l'hôpital, et la tante n'avait pas eu le temps de prévenir la famille. Mais à midi, toujours rien, le portable était muet. Pendant la coupure, elle alla grignoter un sandwich en marchant le long du bac à sable du jardin public. Chance ! Sous un grand chêne, deux jeunes femmes regardaient des photos en les commentant. "Ben dis donc, t'avais bronzé !" – "On a pas eu un seul jour de pluie." La conversation n'intéressait pas Poussabout. Ce qu'elle voulait, c'est une photo. Re chance, un des gamins des jeunes femmes flanqua une gifle à son camarade. Les cris du petit firent bondir sa mère, l'autre se leva pour gronder le sien. Poussabout en profita pour substituer une photo, la mit dans son sac et partit précipitamment, sans que personne ne la remarque. Elle rentra dans un bar, commanda un café et se concentra sur la photo volée. Elle était encore en train de touiller le sucre que l'ambulance du SAMU passa en trombe en faisant crisser ses pneus. Elle avala, en se brûlant le gosier, sa tasse de café, et se précipita vers le square. Visiblement, ça avait marché encore une fois. Et de quatre, pensa-t-elle. L'une des jeunes femmes, celle de la photo, saignait de la tête. "Qu'est-ce qui s'est passé ?" Demanda Poussabout. "Elle a glissé et s'est ouvert le front sur le banc." Lui répondit-on.

Bien sûr, elle n'avait pas sauvé de bambin, mais c'était juste une expérience, pour la bonne cause. Pour voir si elle pouvait mettre son site Internet en route. Comme chacun sait une bonne nouvelle n'arrive jamais seule.  Dans la soirée, sa mère la prévint que son oncle avait eu un accident et était à l'hôpital, dans le coma. Elle étouffa un cri de joie. Cette fois c'était sûr et certain, Poussabout allait pouvoir agir à grande échelle. Tremblez parents indignes ! Respirez enfants martyrisés, Poussabout, tel Super Woman, volera à votre secours. Cette journée avait été tellement stressante qu'elle s'endormit sans même regarder la télé. C'est dire !

A suivre...

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