Zad et Oliviers

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J’étais jeune. Idéaliste ? Sans doute, on l’est tous un peu, quand on vit à fond, à flanc de bitume, à sauver l’espoir de l’extinction. C’était beau ce qu’on faisait, je crois. Nécessaire à défaut d’être vraiment utile. D’avoir une cause, belle et rebelle, ne plus être un troupeau de moutons. Et on criait, on gueulait, on soufflait dans nos mains des brouillards qui réchauffent. On serrait nos poings sur nos tasses brûlantes. Sans café on aurait pas tenu, sans les autres on aurait pas tenu. C’est l’hiver qu’est dur. On se serrait les coudes et les corps. On vivait de chaleur humaine, de la vraie, celle des sourires, des silences et des regards qui brillent, pas celle des chaudières et des usines, non, pas celle qui pollue et qui fout tout en l’air. On faisait des feux de bois, des vins chauds et des marrons cramés, on s’y brûlait les doigts et la langue. Et on attendait, sans rien attendre, juste que le temps nous donne raison, peut-être.

Avec les beaux jours, les oiseaux revenaient. Ceux qu’on voyait le plus, ça restait les poulets. On les chassait, le doigt levé et la faim au ventre. On riait, on buvait, on chantait, à chaque victoire, à chaque répit, à chaque brève de journal ou de radio. La lutte continuait et nous étions fiers. On soignait les gueules cassées, les matraqués, les tabassés, les premières lignes qui charbonnaient au contact, les courageux du front au front lourd et dur, les vrais de vrais. Ils roulaient leurs bosses dans le camp et les ovations et on bramait leurs noms de résistant, comme des cerfs en rut de liberté, l’écume aux yeux, encore rouges des lacrymos, nettoyés par l’émotion qu’on vivait alors. On les gueulait au ciel et aux arbres, on en ponçait les collines à coups d’échos, on en forgeait une légende rien qu’à nous. On chauffait le bitume au chalu et on y posait le pied, ça collait et ça puait mais on s’en foutait. C’était notre boulevard des étoiles, notre Walk of Fame rien qu’à nous. On était les héros de quelque chose, une histoire qu’on écrivait entre les lignes du pouvoir. Il y avait Bartabac et Tréteau, Mastic, Latuile, puis Guingamp, toujours en avant, Sucette aussi, à qui il manquait trois dents, et deux, trois cents autres. Tous. Les défenseurs des Oliviers. Et moi.

Les Oliviers auraient dû être un immense centre commercial, un projet fou à la gloire du consumérisme, l’une de ces tours de Babel plates et buboniques, où l’asphalte et le béton étouffent l’homme et la nature, aux rayons trop pleins et aux poubelles aussi. Ici, entre l’olivier et le lavandin, en pleine garrigue, sous le soleil et le chant des cigales. Ils ont arraché les oliviers, la lavande, ils ont coulé le bitume et creusé de grands fossés remplis de fers à béton, une forêt de tiges métalliques droites et haineuses pour remplacer la nature. Puis les yourtes ont fleuri, et les barricades, et les banderoles, et l’espoir avec. La zone commerciale devenait zone à défendre. On n’y trouverait pas de petit lu mais une grande lutte, pas de caddie débordant mais des zadistes de tous bords, pas de promo exceptionnelle mais des gros mots populaires.

Souvent, j’y donnais de la voix, de cette voix rendue rauque par les gaz et les cris, je chantais du Ferré, du tryo, du Saez, du Hk et les Saltimbanks, l’originalité ne m’étouffait pas et le talent non plus. Et plus tard, mes lèvres avinées riaient des paillardes au rythme des pieds et des mains. Une vraie star, je récoltais des sourires d’or et des applaudissements platines, et mon surnom de résistante, un vrai de vrai : Cœur de picrate. Je ne sais plus qui m’avait baptisé ainsi, mais ce nom me collait à la peau comme un tatouage. Encré dans mon identité, dans mon sang...

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En réponse au défi

Romance et politique... Quelque chose à dire sur notre monde ?

Lancé par Renard .

Bon l'idée ce n'est sûrement pas un traité,pas un discours, pas un essai...

Il faudrait une histoire dont on a envie de savoir la suite;

Mais qu'il y ait un message, un truc qui parle genre combat citoyen, Grandes Causes (perdues ou pas).

Ca peut être cynique ou pas.

Ca peut être tendre ou pas.

Ca peut être haletant ou pas.

Ca peut être Malraux ou pas ! (en fait pas !)

Pour quoi on écrit ici (juste ce texte)... pour dire un truc sur notre monde.

Commentaires & Discussions

Zad et OliviersChapitre14 messages | 4 ans

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