Chapitre 11

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Luth

Encore un coup de tournevis et ça devrait...

— Ça s'est débranché ! crie d'en bas Gregor, notre vieil ingénieur. Tu dois pas être dans l'axe. Recommence.

Je peste en redémontant à nouveau les écrous qui maintiennent l'arbre central. Fichue éolienne pas foutue de fonctionner correctement ! Et saloperie de chef qui m'envoie grimper sur les toits des camions pour réparer ces malheurs de faux-contacts ! Est-ce que j'ai une gueule d'homme à tout faire ? Le tournevis manque de m'échapper des mains alors que je m'énerve sur l'assortiment de câbles électriques qui n'avait rien demandé.

Calme, Luth. Calme.

Loin d'arranger ma situation, le départ d'Os a quasiment signé mon arrêt de mort. Zilla ne me fait plus confiance. Bon, admettons qu'il ait bien voulu – à deux reprises, même – me concéder la nav'. Nous avons heurté une légère tempête la première fois, celle-là même qui a désaxé la maudite éolienne. Mais je ne peux être tenu responsable de ces phénomènes naturels ! Quand même pas. La deuxième fois, la route que j'avais tracée s'est révélée trop endommagée. Impraticable. Il fallut faire demi-tour. Une honte suprême pour les Rafales. Là encore, je m'insurge ! Comment aurais-je pu le deviner sans les relevés de terrains adéquats à disposition ?

Hélas, il semblerait qu'insidieusement, ces échecs m'aient mis sur la touche. Disons plutôt que le chef aura saisi cette occasion pour le faire. Le pire c'est qu'à présent qu'on arrive sur une ville, il pourra définitivement se conforter dans l'idée qu'il peut très bien gérer la nav' sans moi si la manne qu'on tire de son exploration s'avère juteuse.

C'est quand même la poisse et c'est ainsi que je me retrouve accroupi sur un toit en tôle à cuire sous le soleil de l'après-midi. Ma chair sent le roussi au sens propre comme au figuré.

Maudit Grimm ! Pourquoi a-t-il fallu que ses délires de grandeur me retombent dessus quand, de son côté, il s'en tire comme une fleur ? L'équation habituelle du rapport utilité sur nuisance, relative aux privilèges hiérarchiques et corrélée à l'ampleur des soutiens. Certes. Mais cela me gonfle prodigieusement.

On se heurte à deux difficultés : la période de faste s'est achevée avec le gamin médium envolé et les tensions, pour le moment cristallisées, menacent d'exploser à la moindre pichenette.

Jamais je n'aurais cru pouvoir imaginer la fin des Rafales de mon vivant et pourtant, c'est ce qui risque d'arriver si, entre le camp Grimm et le camp Zilla, l'un des deux ne capitule pas.

Un vrombissement étouffé par le relief ensablé me tire de mes angoisses. J'ignorais alors qu'il en véhiculerait de nouvelles. Mon regard se lève sur un nuage de sable. Le groupe d'éclaireur rentre, faisant fi de toute discrétion. Inhabituel. En plissant les yeux, je remarque même que le groupe semble s'être réduit de trois à un. Je m'empare de mes jumelles, toujours accrochées sous ma chemise. C'est bien cela. Tyron est seul et penché sur le buggy comme s'il était blessé.

— Gregor, va prévenir le chef ! On a un problème.

o

Fen

Manquait plus que ça ! On n'était pas déjà assez dans la merde comme ça ? Je le vous dis : doit y avoir une loi cosmique pour expliquer que l'emmerdement arrive toujours en package bien fourni, jamais tranquille au compte-goutte. Faudrait quand même pas que t'aies le temps de solutionner les problèmes au fur et à mesure, ce serait trop simple.

Alors voilà. Deux éclaireurs en moins. Comme ça, pouf ! Et comme par hasard, le seul qui survit, c'est le petit nouveau qui s'attendait pas à ce qu'une ribambelle de gonzesses lui tombe sur la gueule et lui fourre du plomb dans la fesse à coup de pistolet mitrailleur. Remarque, ça aurait aussi surpris un vétéran. On a l'habitude du contraire !

Alvin tente tant bien que mal de le caler en biais pour panser son cul qui pisse le sang. Ce pauvre Tyron en est tellement chamboulé qu'il nous faut du temps pour recoller les morceaux et comprendre le tableau général d'après son récit émaillé : une armada de gonzesses énervées et armées, une barge tentaculaire de bric et broc en guise de caravane et qui compte près de cent-cinquante personnes, parmi ce qu'il a eu le temps de compter. Ça ressemble pas à un camping d'abricots ordinaires, mais plutôt au portrait de ces colleurs aux basques de Vautours.

Par contre, à l'énumération des défenses qu'ils semblent avoir installé autour de la ville, je ne pige pas ce qu'ils foutent aussi bien préparés. Je tourne la tête vers le chef. Il a beau s'efforcer de rester sérieux alors que le pauvre Tyron bégaye son rapport, l'enfoiré ne peut pas me cacher son sourire en coin.

Ok, c'est bon, ça a fait tilt dans mon cerveau : ces fumiers de charognards ont ramassé Os sur leur route – dans notre sillage, quoi. Et, avec ses conseils, ils se sont sentis pousser des ailes et ont donc décidé de nous tendre une embuscade ! Ahah, merde, moi aussi je peine à cacher mes rictus hilares. J'y crois pas : cette bande de truies et de cochons de lait s'imaginent qu'ils peuvent nous tenir tête ? Même avec trois fois moins de monde et un leadership en pagaille, on a encore largement de quoi écraser ces impertinents !

Grimm aussi semble de mon avis. Lui ne fait même pas l'effort de cacher sa jubilation. Faut dire que Grimm s'enthousiasme au moindre combat en perspective. Surtout s'il revêt un minimum de challenge et de quoi booster l'adrénaline.

Il n'y a que Wolf, ou les poules mouillées habituelles de l'acabit de Luth, qui tirent un peu la tronche. Dans le cas de Wolf, je sais que c'est parce qu'il n'aime pas cogner sur le sexe faible. Mais bon, je le connais, une fois dans le feu de l'action, il ne souciera plus vraiment de qui tient le fusil en face.

Le récit de l'éclaireur terminé et la situation mise au point, les gars observent un moment de silence en attendant que le chef rende le verdict de ses ordres. Il se passe à ce moment-là quelque chose d’inattendu : Zilla s'adresse à Grimm.

— Grimm, nous avons assez joué les mascarades hypocrites ces dernières semaines. Tu ne m'aimes pas et rassure-toi, c'est réciproque. Tu serais prêt à marcher sur mon cadavre si je venais à tomber. Moi en revanche, j'estime que tu es le meilleur ailier dont cette bande puisse rêver. À cinq kilomètres de là nous attend un comité d'accueil visiblement prêt à en découdre avec nous. J'ai comme l'impression qu'ils ne seront pas aussi faciles à mater que le menu fretin habituel. Aussi, je propose de remettre nos querelles à plus tard et de pallier au plus urgent. À savoir : leur apprendre ce qu'il en coûte de nos défier, nous, les Rafales des Dunes !

Quelques exclamations enthousiastes retentissent dans le dos de Zilla. Il faut dire que ses discours de mobilisation des troupes résonnent au diapason de son port altier. En d'autres termes, ça fonctionne plutôt bien sur les mous du bulbe chez qui le concept « d'analyse rhétorique » connecte pas deux neurones.

En face, Grimm se la joue poker face. Je me doute qu'il doit pester intérieurement contre le chef qui l'affiche publiquement et le place au pied du mur. Dans la situation présente, il n'a pas d'autres options que d'accepter sa trêve, signée à l'encre amère. Alors il tend une main, allégeante mais ferme. Je crois qu'autour on se sent tous un peu soulagés par cette poignée de bras aussi virile que symbolique.

— Assaut frontal ? bougonne Grimm.

— À la manière de ce bon vieux Auron, ouais... Avec quelques subtilités en rab.

Zilla réquisitionne Wolf et Armin en supplément pour peaufiner la tactique d'attaque. En quelques minutes, les quatre tombent d'accord et le plan est rodé. Aussi fluide qu'un cylindre de moteur bien huilé.

Bien sûr, je ne suis pas né de la dernière pluie acide. Je sais que Grimm recommencera à comploter à l'instant où cette bataille sera pliée. Et je sais que Zilla a un objectif précis en tête avant la victoire : récupérer Os.

Mais ça, je m'en tamponne bien comme il faut. Tant qu'on vainc nos ennemis. Et nos ennemis, c'est les autres.

o

Delvin

J'ai escorté Avril jusqu'à l'église – j'ai appris seulement hier, grâce à Hector, que c'était le nom que les anciens donnaient à ces étranges lieux de culte en pierre ornés de croix – rare bâtiment encore debout, gage de sa solidité. Il nous a semblé qu'elle ferait un abri propice pour les enfants, les personnes âgées ou incapables de se battre. On a dressé un petit campement avec quelques couvertures, de la nourriture et des jeux pour les enfants. Cela ne suffisait pas à les rassurer. Beaucoup refusaient de rester tranquilles alors que leurs parents s'agitaient dehors. Un enfant n'est pas assez naïf pour ne pas comprendre ce qui se trame.

Je jette des coups d'œil nerveux à la radio posée sur l'autel. Sara, qui se charge des relais entre les différents groupes, doit nous tenir informés de la situation à l'extérieur. Je sursaute et me précipite sur le récepteur dès que je l'entends crépiter.

— Rafales en vue à dix degrés ouest.

— Ils attaquent ?

— Ils descendent par le fleuve, comme prévu. Environ trente véhicules en première ligne.

J'admire la jeune Sara qui se surpasse en efforts pour discipliner les tremblements de sa voix. Alors que je suis protégée de mon côté, j'ai au contraire tout le mal du monde à maîtriser mon sang-froid. Je repense aux défenses que l'on a érigées avec efficacité. Le relief autour de la ville est escarpé ou accidenté à cause des ruines. S'ils veulent attaquer en véhicule, ce qui serait logique compte tenu de l'arsenal de notre ennemi, alors ils n'ont que deux possibilités : la route en provenance du sud qui rejoint le pont ou le lit asséché du fleuve en provenance de l'ouest par-dessus lequel s'étire le pont. Dans le premier cas, nous avons blindé, derrière des barricades, l'essentiel de nos forces menées par Maria et Bonnie. Dans le deuxième cas de figure, la descente de l'ancien fleuve a été recouverte de herses, creusée de trous camouflés et minée avec ce que l'on pouvait trouver d'explosifs. S'ils parviennent à passer ça, un comité d'accueil les attend, couvert par des tireurs embusqués sur les rives et sur le pont.

Malgré tout, je me sentirais bien plus confiante si j'étais là-bas plutôt qu'entre ces tenaces murs en pierre. Je ne peux m'empêcher de repenser, avec amertume, à mon coup de sang, trois jours plus tôt. Marika m'a rejointe dans ma cabine. Elle a tenté de me cajoler, de me rassurer, elle a laissé flotter ses baisers sur ma poitrine avant de venir se lover entre mes cuisses. Je l'ai repoussé avec véhémence. Non, il n'était pas question que je lui passe cet affront. Ne suis-je pas sa seconde ? N'aurait-elle pas dû au moins m'informer de ses plans ? Elle a reconnu ses torts et quand bien même je la comprenais, ma fierté agacée ne pouvait lui pardonner tout de suite. Je l'ai pu hier. J'ai voulu revenir sur ma décision de ne pas combattre. Je voulais être à ses côtés. À tout prix. Elle a poliment rejeté ma demande. « Avril aura besoin d'aide avec les enfants et il faudra bien que quelqu'un les protège si jamais... » Si jamais quoi ? Si jamais vous tombez ? Si jamais ils vous exterminent tous ? Je ne suis pas idiote Mari, je sais bien que tu veux me préserver pour prendre ta succession s'il t'arrive malheur, que tu veux me protéger parce que tu m'aimes. Mais plus je retourne l'idée que tu puisses disparaître, moins je parviens à l'accepter. Et je n'y parviens absolument plus maintenant que les premiers tirs se font entendre. Une explosion retentit, même. À en faire trembler les murs de l'église.

La radio grésille à nouveau et la voix paniquée de Sara en sort.

— Ils ont détruit le pont !

— Quoi ?

— Un... un missile, je crois... le pont est éventré.

Je fais défiler dans ma tête les scénarios possibles découlant de cette situation : ils ont de l'armement lourd, ils se sont rapprochés en un temps éclair, nos tireurs ont été touchés, nous perdons en couverture...

— Delvin !

Au ton qu'Avril emploie pour m'interpeller, j'ai comme l'impression qu'elle n'en est pas à son premier appel. Il aura fallu qu'elle retienne ma manche pour me ramener à ce décor-ci. Je réalise alors que j'ai inconsciemment resserré ma ceinture de munitions en bandoulière, attaché deux pistolets mitrailleurs, trouvés dans les caisses militaires, contre mes flancs et accroché, dans mon dos, mon fusil de chasse, par-dessus un gilet renforcé.

Avril me dévisage avec un mélange de colère et de peur. Je peux comprendre. J'étais prête à décamper de mon poste sans avertissement. Une désertion que je n'aurais pas manqué de désapprouver en tant que seconde.

— Je suis désolée Avril, je dois y aller.

Elle se rapproche davantage de moi pour me souffler hors de portée des oreilles indiscrètes des bambins.

— Tu ne peux pas nous lâcher comme ça ! Et s'ils viennent ici ? Je ne sais pas me battre moi.

Je lui pose dans les mains un des deux uzis que je m'apprêtais à emmener. Après tout, je ne peux pas utiliser les deux en même temps.

— Tu débloques le cran ici et tu appuies là pour arroser. Attention au recul.

Elle n'aurait pas pu avoir l'air plus paniquée, aussi je rajoute, comme un pansement sur un membre arraché :

— Mais ne t'inquiète pas, je ferais en sorte qu'ils n'arrivent pas jusqu'ici pour que tu n'aies pas à t'en servir.

Bien sûr que je ressens une pointe de culpabilité me vriller les côtes en faisant volte-face et en la plantant ainsi. Mais je ne vois pas d'autres alternatives. Pardon Marika, mais je ne peux pas rester les bras croisés pendant que tu es en danger.

Je pousse la lourde porte de l'église. Le fracas des tirs et la lumière rosée du crépuscule m'assaillent tandis que je me rue droit sur le danger.

o

Marika

— Madame, les vigies les ont repérés à l'embouchure, me glisse en strate informationnelle superflue Cléa par la radio.

— Je sais, je les vois aussi. Combien ?

Équipée de mes jumelles, je vois les silhouettes sans parvenir à les compter. Les vigies ont un meilleur point de vue.

— Au moins cinquante véhicules d'attaque. On a vu deux détachements de dix contourner au nord et au sud. Pas d'estimation pour les unités à pied tant qu'ils ne se sont pas stoppés.

La tactique du trident. Attirer l'attention au centre avec le gros des troupes en défense pendant que des unités véloces attaquent par les côtés. Os m'a informé, nous sommes prêts. Ce qui m'inquiète davantage, c'est leur armement. Nous avons récupéré de nombreuses caisses d'armes dans les ruines – je n'ai pas cherché à savoir pourquoi elles avaient été abandonnées là –, mais cela ne compense pas leur arsenal à eux, étoffé au fil d’années de pillages intensifs. Os m'a parlé de balistique lourde : des lance-roquettes, lance-missiles, des tourelles Gatling... Notre avantage du terrain peut vite devenir dérisoire s'ils décident de ne pas lésiner sur les munitions. Notre meilleure chance tient dans le fait qu'ils nous considèrent sûrement comme une piètre menace. S'ils font l'erreur d'avancer suffisamment leurs lignes, alors nos groupes d'assauts embusqués sur les rives peuvent réussir à les prendre à revers et détruire leurs canons.

Et ça, ce n'est pas gagné. D'après Os, leur commandant est loin d'être une tête brûlée imprudente. Celui qui voulait le renverser, si. Reste à espérer que la mutinerie a eu lieu et aura suffisamment déstabilisé leur bande.

— Je suis désolé. Ça ne s'est pas passé ainsi.

Je sursaute alors que la voix retentit dans mon dos, et non par le biais du talkie-walkie. J'avais demandé à Os de rester près de moi parce que je ne savais pas dans quelle unité le coller. De toute manière, j'ai besoin des informations qu'il peut me donner en temps réel, plus précieuses que toutes les communications radio imaginables. Son ton neutre et déjà défaitiste me hérisse l'échine.

— Comment ça ?

— Zilla a repris le contrôle de ses troupes et il ne commettra pas d'erreur.

La radio émet un nouveau signal. C'est la voix de Bonnie, en nage et inaudible par saccades à cause des tirs qui font déjà rage de son côté.

— On est dépassées ! Ils ont fauché les deux premières barricades ! Demande de renforts !

Pas déjà... Je désigne une unité supplémentaire pour rejoindre le groupe. J'ai peur d'envoyer au casse-pipe davantage de monde, mais je n'ai pas le choix : plus nous perdrons d'avantage sur le terrain et moins la victoire sera à notre portée. Si tu veux espérer vaincre, attends-toi à devoir faire des sacrifices. Je sais ! C'est une leçon que je connais depuis des lustres. Je n'ai pourtant jamais voulu l'apprendre.

— Ne restez pas près du pont ! Courez !

La voix d'Os paniquée – ce n'est pas coutume – résonne directement dans mon crâne plutôt qu'à mes oreilles. Même sans l'avertissement mes sens aux aguets auraient compris ce qu'il anticipe. Sur la ligne d'horizon, un de leur semi-remorque nargue, menaçant la ville de ses douze mètres de long, semble déployer en angle aigu une rampe de la même longueur. Je ne réfléchis pas plus. Je cours le plus vite possible vers l'avant, loin du pont.

Trois secondes plus tard, le fracas d'une explosion retentit dans mon dos et son souffle me balaye. Par chance, j'avais anticipé. La réception dans la terre molle n'est pas trop brutale. Je fais rapidement volte-face pour voir le pont, défiguré, s'effriter en miettes depuis son centre. Les tireuses embusquées dessus courent pour leur vie vers les extrémités, mais celles qui se tenaient le plus au centre, comme le groupe de Louve, chutent avec les décombres. Il y a bien cinq mètres de dénivelé, un peu moins avec l'entassement du nouveau tas de débris, mais la chute n'est pas négligeable. Je ne veux plus regarder dans cette direction, de peur de ne pas les voir se relever.

Sous le coup de l'impuissance, je m'en prends à la cible la plus facile : Os qui m'a suivi dans ma course.

— Tu avais dit qu'ils ne gaspillaient pas leurs missiles !

— Vous leur avez fait peur en tuant leurs éclaireurs. Ils ont pris la menace au sérieux.

Je vois cela. À présent, ils dépêchent leurs unités véloces et offensives, principalement des motos avec un pilote et un tireur, mais aussi des voitures renforcées de plaques métalliques et hérissées de pointes. Ils foncent droit sur nous, profitant sans attendre de la brèche. Si l'on ne riposte pas maintenant...

Nouveau coup d'œil dans mon dos. La fumée m'empêche de voir l'étendue des dégâts. Les tireuses, qui ont pu rester à leur position, lâchent les premières salves sur la vague en approche.

— Elles ont survécu, m'informe Os sans émotion, concentre-toi sur ce qui arrive.

Comme s'il avait besoin de me le dire. J'ordonne un repli général. On reste tous à couvert tant qu'il reste des balles et qu'une bonne partie de leur frappe mobile est encore en mouvement. Ça canarde de tous les côtés. J'y mets du mien, mais je n'en touche aucun. Je n'ai pas la bonne arme. Mon fusil de chasse est trop lent pour des cibles aussi rapides. J'ai prévu de me battre au corps-à-corps lorsqu'il le faudra, j'excelle dans ce domaine bien plus que dans le tir. Mes cimeterres en acier sont impatients d'en découdre. Ne vous inquiétez pas mes petits, c'est pour bientôt.

Les filles sont efficaces. La première vague plie. La moitié des motards sont à terre, leur duo amputé d'un des membres. Ils n'ont visiblement pas anticipé notre surnombre et notre armement gonflé à bloc.

Je lance le premier assaut. Dans la mêlée, nous achevons les pillards surpris et réquisitionnons leurs véhicules. Du coin de l'œil, je constate que Louve réaffecte une bonne partie de son groupe en soutien à Rana. Rana gère l'offensif. Placée au nord, leur division chargera leur arrière-garde pour porter atteinte à leur armement lourd. Déjà, je vois la rampe du canon relever son angle à mesure qu'il s'avance.

— Allez-y, maintenant ! crié-je dans le talkie-walkie.

L'ordre est sans doute prématuré, mais nous n'avons guère d'autre choix. J'ignore si nous pouvons encaisser un deuxième missile.

Après cela, tout s'enchaîne trop vite. Je n'ai plus le temps d'examiner la situation. Une deuxième vague arrive et frappe encore plus fort. Mais cette fois, mes troupes jouent à armes égales grâce aux véhicules. Elles parviennent même à les déborder, plus nombreuses. Un motard, pourtant, se détache du lot. Seul, il pilote et aligne les tirs cadrés avec une habilité monstrueuse. Mes compagnons d'armes fléchissent comme des brindilles au vent dans son sillage. Je n'ai pas le temps de m'en inquiéter, pire, de m'en effrayer.

Mue par l'instinct, je plante mes appuis solidement dans le sol tandis qu'il finit une nouvelle boucle et s'apprête à foncer droit sur moi. Réfrène le réflexe de sauter sur le côté, concentre-toi, vise et tire.

Ma balle se fiche dans sa roue avant. Son coucou désossé est léger, mais fragile. Il effectue une brusque ruade et le tireur se fait éjecter de son destrier. Là, par contre, je saute sur le côté, pour éviter les vrilles cinétiques du deux-roues renversé.

Le motard, en revanche, semble à peine impacté par l'accident, il se rattrape de son vol plané tel un félin et parvient à atterrir sans dégâts majeurs. Seul son casque se retrouve éclaté par le choc et finit de rouler plus loin. Il titube quand même un peu en se relevant. Pas question de lui laisser le temps de se remettre. Je dégaine mes fidèles cimeterres, aiguisés pour trancher la chair de mes ennemis.

Je ne m'attendais pas à ce visage d'ange et ces traits gracieux, bien que salis par le sang qui lui coule du front. Je n'ai pas besoin qu'Os me précise qui il est. C'est assez évident, et une fois mort, leur chef sera un cadavre aussi puant que les autres.

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