Chapitre 19 : Du cran.

9 minutes de lecture

Les élèves s’écartaient toujours violemment au passage du duo “Sky - Laure” dans les couloirs. Ils marchaient côte à côte en direction de la fontaine a eau. Un acte aussi minime suffisait pour que des rumeurs s’élèvent. Qu’est-ce que les deux Richess pouvaient bien se dire autour d’un simple verre d’eau ?

  • Tu vas vraiment le faire ? demanda Laure.
  • De quoi ?
  • L’échange… Avec Kimi ? J’ai été très étonnée que tu la défies de cette manière, avoua-t-elle. J’avoue que je suis curieuse de voir ce qu’il en ressortirait, gloussa-t-elle.
  • Parce que tu es une vipère…
  • Loin de là ! Je pense que c’est amusant, c’est tout, lui afficha-t-elle une mine boudeuse.
  • Tu penses vraiment que je vais inviter cette fille chez moi ? Elle pourrait, puisque mes parents ne sont jamais là, mais qu’est-ce qu’elle dirait à son père ? Personne n’accepterait ce genre d’idée et encore moins un père normal.
  • Donc tu te dégonfles ?
  • Non, je dis simplement qu’elle n’aura pas les couilles d’aller jusqu’au bout du pari, fit-il en buvant d’une traite le reste de son verre.
  • Si j'étais toi, je n'en serais pas aussi certain, ricana-t-elle.

Ils reprirent le chemin inverse pour gagner leur salle de classe.

  • Et au sujet de Loyd ? Qu’est-ce que tu vas faire ?
  • Il n’y a rien à faire, s’il boude, tant pis pour lui, répondit-il, contrarié.
  • Non, l’arrêta-t-elle d’un geste, puis en déposant une main sur son torse. Tu dois t’excuser, c’est important…
  • Je n’ai rien fait qui mérite…
  • Sky ! En deux ans, nous avons évité tant de disputes inutiles, dans le but de nous préserver. Nous sommes amis maintenant, ce serait bête de vous éloigner pour des bêtises, tu ne penses pas ?
  • Tu as peut-être raison, grommela-t-il. Je dis bien peut-être, ajouta-t-il en tapant son index sur son front.
  • Et n’oublie pas de te réconcilier avec Selim, aussi, sourit-elle joyeusement.

Le conflit entre Sky et Loyd persistait depuis plus d’une semaine. Ils ne s’adressaient la parole qu’en cas de nécessité, c’est-à-dire pour les cours ou finalement pour contrarier l’autre. Laure estima que la situation durait depuis déjà trop longtemps, n’agissant pas dans un premier temps. Mais puisque Sky l’écoutait, elle décida de leur filer un petit coup de main.

C’est avec un sac dans lesquelles il y avait quatre cinq bières que Sky décida de se pointer jusqu’à la chambre de Loyd. Devant, il hésita, faisant demi-tour à plusieurs reprises. Finalement, il s’appuya contre un mur et soupira comme s’il remettait toute sa vie en question. Il sursauta quand la porte s’ouvrit, Loyd passant une tête dans le couloir. D’un air obligé, il lui fit un signe de la main de le rejoindre. Sky s’exécuta immédiatement, avançant d’un pas assuré alors qu’il mourrait de honte à l’intérieur.

  • Entre, il y a des rumeurs que Sky Makes rode dans les couloirs, je crois que ça fait peur à certains.
  • C’est donc ça, dit-il en s’invitant dans la pièce.

La chambre de Loyd était très élégante, soignée et sérieuse comme celui qui dormait dans ses magnifiques draps azurs. Sky restait debout, mal à l’aise.

  • Eh bien, installe-toi, ce n’est pas comme si tu n’étais jamais venu, dit Loyd qui prit place sur la chaise de son bureau.
  • J’ai apporté à boire, fit-il en s’asseyant sur le rebord du lit.
  • Pourquoi ? Tu as quelque chose à te faire pardonner ? le taquina-t-il en lui jetant l’ouvre-bouteille.
  • Ouais, souffla-t-il doucement, ça se pourrait.

Les deux Richess se firent un petit sourire mutuel, comprenant que l’orage était passé dès l’instant où ils s’étaient retrouvés. Ils partagèrent quelques gorgées en parlant dans le vent, puis finalement Sky se lança.

  • Pourquoi tu ne m’as dit que tu aimais quelqu’un ? Je sais que j’ai laissé entendre que pour moi l’amour c’était… mais tu ne me fais pas confiance ? se reprit-il.
  • Tu es bien un des seuls en qui j’ai confiance, rit-il en prenant une gorgée.
  • Alors ? fit Sky d’un air décontenancé.

Loyd passa une main dans ses cheveux argentés, réfléchissant, puis il la porta à sa paire de lunette sur le bureau. Il chipotait avec les tiges tandis qu’il cherchait ses mots.

  • Je crois que je ne voulais pas te blesser, conclut-il.
  • Mais…
  • Ça t’étonne ? Mais tu ne parles jamais de ces choses là avec moi.
  • Parce que ça n’a pas lieu d’être, on est différent en ce qui concerne ces conneries… Désolé, je veux dire, l’amour, tout ça… Très peu pour moi…
  • Pourquoi est-ce que tu penses comme ça ?
  • Juste, même si je tombais amoureux, ça ne servirait à rien. Quoi qu’il arrive à dix-huit ans, la personne qui sera à nos côtés, ce ne sera pas celle que nous avons choisi.
  • Et nous sommes “chanceux qu’ils aient décidés de reporter la loi”, n’est-ce pas ?
  • Ouais, c’est exactement ça, parce qu’ils croient que ça change quelque chose ? Qu’on devrait leur dire merci ? J’ai jamais ressenti de l’amour pour personne et c’est pas demain la veille que ça arrivera… C’est juste ça, Loyd, je suis juste quelqu’un qui n’est pas capable d’aimer…
  • Ne dis pas n’importe quoi…
  • Je suis sérieux, fit-il d’un ton catégorique.

Il y eut un instant de silence où ils se regardèrent dans le blanc des yeux. Sky les baissa en premier.

  • C’est pour ça que tu épluches toutes les filles de la liste ?
  • Tu… as remarqué ? s’étonna-t-il.
  • Ne suis-je pas le garçon le plus intelligent de cette école ? plaisanta-t-il. C’est évident, du moins pour moi ça l’est. Pourquoi est-ce que tu le fais, ça c’est autre chose.
  • Tu es intelligent, non ? rétorqua-t-il, trouve tout seul.
  • Hum, ils veulent des filles respectables à nos côtés, donc tu penses qu'en les déflorant tu écartes les chances qu'elles soient choisies ? Ou alors c’est un moyen de trouver la perle rare ?
  • Première option et je peux t’assurer qu’aucunes d’entre-elles ne mériteraient de se tenir à mes côtés. Pas plus que moi, d’ailleurs. Je ne leur souhaite pas un mec comme moi.
  • Et quoi ? Tu penses que ça te permettra d’échapper à ton destin ? Nos familles trouveront forcément quelqu’un à marier…
  • Non, pas moi, le coupa-t-il, prenant une gorgée avant de continuer. Je préfère encore être seul que de me marier avec une salope qui en a seulement après mon physique et mon argent. Ma vie en tant que Richess, je la commencerais seul, par mes propres moyens et ce n’est pas ma mère qui m’en empêchera. Je serais “Sky Makes”, le jeune Richess le plus beau et le plus influent de cette génération. Si je manque d’affection, il me suffira de prendre les femmes que je souhaite, mais jamais je ne m’accouplerai pour le plaisir des autres.
  • Sky, tu pourrais très bien trouver…
  • Quelqu’un que j’aime ? Je te l’ai dit, même si par chance je tombais amoureux, la probabilité pour que ce soit quelqu’un avec qui je puisse partager ma vie est presque de zéro. Pourquoi prendre le risque d’être malheureux, souffla-t-il, et puis de toute façon, je n’ai jamais ressenti de tels sentiments. Est-ce que c’est agréable ? ajouta-t-il après un temps.

Loyd hésita lui aussi un moment, observant les yeux de son ami avec étonnement. Malgré toutes ces vilaines paroles, il lui trouvait un regard intéressé, presque innocent.

  • Tu sais que tu penses exactement de la manière inverse qu’Alex ? C’est parce qu’il ne ressent rien qu’il se jette dans les lits de toutes les filles qu’il peut trouver. Je crois bien qu’au fond il essaye de trouver l’amour de cette façon, bien que je ne pense pas que ce soit l’idéal. Tu veux savoir si c’est agréable ? Honnêtement, c’est tellement douloureux que j’ai l’impression de me noyer à chaque fois que je la regarde. Je me perds dans son regard à un point que ça en devient difficile d’émerger. Et plus le temps passe, plus j’ai envie de prendre cette direction. Celle où je lui dirais tout ce que je ressens, mais je sais bien que c’est impossible.
  • Pourquoi ? demanda Sky précipitamment, d’un air désespéré.
  • De toutes les personnes dont je pouvais tomber amoureux, il a fallu que ce soit elle, soupira-t-il. Même si nous pouvions avoir une histoire, il faudra encore que ce soit réciproque et disons que ce n’est pas gagné. Je ne pense pas qu’elle soit intéressée par l’amour et vu les garçons qui lui tournent autour…
  • Laure…

Le prénom s’échappa des lèvres de Sky comme un poisson qui se glisserait dans l’eau. Très peu d’indices, mais il était à peu près sur de sa réponse et la réaction de Loyd le confirma. Il s’était figé, le dévisageant, puis son visage s’adoucit à nouveau. Il finit le fond de sa bière d’une traite et ouvrit la deuxième. Sky comprit à son comportement qu’il n’en dirait pas plus.

  • Et si on invitait Alex et Selim à se joindre à nous ? lâcha soudainement Loyd.
  • Ouais, c’est une bonne idée, répondit-il en s’armant de son téléphone.

Une quinzaine de minutes plus tard, les deux boy’s Richess les rejoignirent dans la chambre. Comme si la bière soignait tout, Selim fit une poignée à Sky, puis un sourire se dessina sur leur visage. Le petit brun le poussa amicalement tandis que Sky attaquait son crâne avec son poing. Sauvé par l’attachement d’Alex pour ce dernier, Selim finit dans les bras de son meilleur pote. Bien que les rires et l’ivresse gagnait rapidement chacun d’eux, Loyd et Sky n’arrêtèrent pas de partager des regards lucides. Le roi de Saint-Clair pensait qu’il avait raison sur une chose : de toutes les personnes qu’ils pouvaient aimer, Laure était de loin la personne la plus compliquée.

***

Le lendemain matin, Kimi sortait en trombe de sa chambre, le sac pendant à une épaule et le téléphone coller à son oreille. Il ne lui restait plus beaucoup de temps pour arriver à l’heure en cours, tout comme pour en parler à Dossan.

  • Un échange ? fit-il surpris de l’autre côté de la ligne.
  • C’est une espèce d’expérience sociale, voir un peu comment quelqu’un qui vient d’un milieu riche pourrait se débrouiller chez nous et inversement. Je sais bien que c’est un peu bizarre et soudain, mais ce serait cool que tu dises oui, s’il te plait Dossan !
  • Et ce serait ce week-end alors ? demanda-t-il incertain.
  • C’est ça, s’il te plait, dis-moi que c’est possible ?
  • C’est possible, oui, mais je ne connais pas cette personne…
  • Papa, aller ! C’est un gars de ma classe et il faisait le malin parce que c’est un gosse de riche. En gros, je lui ai dit… je lui ai dit qu’il survivrai pas une journée chez moi et il pense pareil. Alors le professeur a dit que ce serait une bonne occasion de faire l’expérience… Et j’ai envie de gagner ce pari ! tenta-t-elle de la convaincre.
  • Bon, très bien…
  • C’est vrai, tu es d’accord ??
  • J’ai dit oui, alors ne me fais pas changer d’avis, soupira-t-il.
  • Merci, merci, merci !! Je vais en cours, je te laisse, bisous, raccrocha-t-elle.

Kimi tenait fermement son téléphone dans sa main et sauta presque de joie. Elle rejoignit juste à temps le groupe avant que la sonnerie retentisse. Sky fit quelques pas en arrière lorsqu’elle s’approcha dangereusement.

  • Mon père est d’accord, tu viens chez moi ce week-end ! Prêt à faire la vaisselle et à passer l’aspirateur ?

Le défi brûlait dans ses yeux tandis que Sky la regarda bouche bée. Il pinça les lèvres en découvrant ses amis se moquer de lui. Comme il savait si bien le faire, il lui répondit par son regard hautain habituel parce qu'au-delà de la surprise du cran qu'elle possédait, il ne doutait pas une seconde qu’elle perdrait ce pari.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 9 versions.

Vous aimez lire Redlyone. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0