Chapitre 2 : Le roi de Saint-Clair.

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  • Pour ceux qui veulent aller aux toilettes avant de rentrer en classe, c’est par ici que ça se passe, s’écria la titulaire des troisièmes D, dépêchez-vous, il nous reste toute la présentation !

Kimi suivit quelques élèves qui, comme elle, avaient l’impression qu’ils allaient se pisser dessus tellement la cérémonie avait été longue. Toujours en colère, d’autant plus par l’attente, elle rentra dans une des cabines pour s’atteler à sa tâche. Sur le trône, elle sortit son téléphone et découvrit quelques messages d’encouragements de ses potes. Elle écoutait les voix geignardes des filles qui partageraient sa classe :

  • On a de la chance encore cette année que ces trois-là soient dans la même classe, dit l’une.
  • Et qu’on soit tombé avec eux ! Sky est tellement beau ! J’ai cru que j’allais m’évanouir en le voyant de prêt, s'exclama une autre.
  • Tu crois que tu as tes chances ? On verra bien qui de nous deux l’aura en première !
  • J’en reviens pas que cette fille l’ai giflé par contre, elle ne sait pas à qui elle affaire.

Les gloussements s’évanouirent quand elles sortirent en essayant de savoir laquelle des deux avait passé les meilleures vacances. Kimi bouillonnait à l’intérieur de sa cabine et attendit d’être seule pour en sortir. Tandis qu’elle se lavait les mains, le professeur faisait le compte des élèves dans le couloir.

  • Tout le monde est là ? On peut y aller ! s’exclama-t-elle en leur indiquant de la suivre d’un geste.
  • Il ne manque pas cette fille ? chuchota un garçon à ce qui semblait être sa copine.
  • Tu as raison… Oh tant pis pour elle, rit celle-ci.

***

Kimi avait dû écumer les couloirs et les salles de classe pour retrouver son chemin. Enfin, elle aperçut de l’autre côté d’un local vitré des têtes qu’elle reconnaissait. Elle eut peine à toquer à la porte quand elle vit plusieurs filles rire en la dévisageant. Quand la titulaire lui cria de rentrer, elle devina sur son visage : “C’est pas trop tôt”.

  • Excusez-moi, je me suis perdue…
  • Et je peux savoir où vous étiez Mademoiselle ?
  • Euh… Quand je suis sortie des toilettes, il n’y avait plus personne…
  • Eh bien, vous apprendrez à faire la grosse commission plus rapidement, la prochaine fois ! Asseyez-vous, fit-elle en lui montrant une place vide au fond de la classe. Kimi Dan’s, je présume ? demanda-t-elle d’un air pincé en gardant les yeux rivés sur la liste des élèves.
  • Oui, répondit-elle en prenant place.
  • Je ne connais pas ce nom, que font vos parents ?

Elle était tellement en colère et se sentait humiliée du fond de la classe, presque ignoré par tous ses “camarades”. Qu’est-ce que ça pouvait lui faire de connaitre le métier de ses parents ? C’est par sentiment d’obligation qu’elle répondit :

  • Mon père est écrivain…
  • Oh, vraiment un écrivain ! Je suis avide de lecture, mais il ne doit pas être très connu, ça ne me dit rien…
  • Il a un nom de plume, la coupa-t-elle.
  • Et quel est-il ? lui demanda-t-elle en baissant ses lunettes sur son nez pour lui lancer un regard sévère.
  • Il… ne souhaite pas que je le révèle…
  • N’est-ce pas étrange ? Je suppose qu’il s’agit encore d’un petit auteur qui essaye de gravir les échelons en vain. Il n’y a pas de honte à avoir mademoiselle Dan’s, fit-elle en lui découvrant une expression terrible.
  • Je n’ai pas honte, parce que mon père n’a jamais pris les gens de haut, lui,…
  • Partons-nous sur deux heures de retenue ? Je vais être indulgente pour votre premier jour, mais le directeur en aura des nouvelles. Vous commencer très mal l’année, les pantalons à trous sont d’ailleurs interdits au sein de l’établissement, tout comme la violence, pouffa-t-elle en faisant indéniablement référence à la cérémonie d’entrée.

Les autres étudiants se complaisaient dans des rires, quand leur titulaire les reprit pour qu’il fasse silence. Celle-ci commença un long discours sur ses attentes au cours de l’année et sur le comportement que les élèves de Saint-Clair devrait arborer. Une femme stricte, organisée, pointilleuse, derrière un faux visage d’ange. Kimi la maudissait de tout son être quand elle s’amusa à la reprendre une nouvelle fois, car elle était soi-disant mal assise sur sa chaise. Visiblement, elle l’avait dans son collimateur et ressentait un malaise à chaque fois qu’un autre élève déniait lui accorder un regard. De toute façon, elle s’était attendue à ce que le courant ne passe pas entre elle et ces richards. Il y avait un monde qui les séparait et son vieux plumier abîmer le démontrait. Elle chipota à ses crayons de couleurs déjà diminuer de moitié, puis jeta un œil aux affaires impeccables de ses voisins. Elle s’en voulut de ressentir de la honte, alors qu’il n’y avait pas d’intérêt à en racheter avant de les avoir utilisé jusqu’à la moelle. Elle ne se ferait sûrement pas sa place dans cette école du paraître.

  • Le temps de midi sonne dans une demi-heure, je vous invite à recopier la première semaine de l’horaire et vous êtes ensuite libres de profiter de ce temps pour apprendre à vous connaître. Ne soyez pas trop bruyant, merci, insista-telle l’index levé.

Les premiers crissements de pieds de chaises se firent tout de suite entendre, les élèves qui se connaissaient bien se retournant vers leurs amis. Kimi finissait de remplir son journal quand une chaise se déposa à côté de son banc. La très jolie fille aux cheveux mauves lui fit face et lui lança un grand sourire “flippant”. Elle se tenait très droite et joint ses mains sur le bureau, comme si elle attendait une réaction quelconque. Kimi reculait légèrement sa tête dans ses épaules, battant des paupières quand elle découvrit la drôle couleur de ses yeux. D’étranges reflets violets s’y logeaient en fonction de comment la lumière s'y jetait. Elle en jouait beaucoup et Kimi commença à se sentir très mal à l'aise.

  • Tu as besoin de quelque chose ? lui demanda-t-elle.
  • Je suis simplement venue te dire bonjour et me présenter, gloussa-t-elle, Laure Ibiss, enchantée ! s’exclama-t-elle d’un sourire purement commercial.

Elle hésita longuement à se saisir de la main qu’elle lui présentait. D’autant plus qu’elle ressentait soudainement un grand intérêt de la part des autres élèves. Pourquoi avait-elle besoin d’en faire autant ? Elle la trouvait bien trop maniérée pour une fille de son âge. Kimi fronçait les sourcils en l’observant replacer le nœud en soie noire qui attachait son col. Ses vêtements semblaient coûter une fortune, reconnaissant les initiales d’une marque de luxe sur ses manchettes. Elle, tout ce qu’elle avait de précieux, c’était ce bracelet en or qui avait été détruit dès son entrée dans cette école. Elle regretta de l’avoir laissé à son poignet et y jeta, tristement, un œil dans son plumier.

  • C’est un très beau bijou, s’intéressa-t-elle alors à l’objet en le déposant sur le bureau.

Kimi le fit glisser rapidement dans sa paume, fâché qu’une personne de plus y touche. Laure se redressa sur sa chaise, amusée, et se mit à sourire doucement.

  • Et il doit être d’une grande valeur sentimentale, déduit-elle de sa réaction. Je peux te le faire réparer si tu le souhaites ? Je connais un bijoutier en ville, il est très doué…
  • Pourquoi ferais-tu ça ? s’agaça-t-elle.
  • Hum, comme cadeau de bienvenue ? Ne sois pas autant sur tes gardes, je suis simplement comblée du petit spectacle que tu nous as offert ce matin. Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un s’amuse à le gifler, se pencha-t-elle sur le bureau pour lui chuchoter ces derniers mots.
  • Il l’a cherché, ce mec ne manque pas de culot, dit-elle sur le même ton en faisant instinctivement de même, cherchant du regard le concerné.
  • Ce “mec” ? pouffa-t-elle, mon Dieu, s’il t’entendait. Est-ce que tu sais de qu’il y s’agit seulement ? Je n’ai pas l’impression que tu te rends compte, dit-elle en plongeant son regard faussement aimable dans le sien. C’est Sky Makes, le fils de la première famille des Richess, expliqua-t-elle avec amusement.
  • Qu’est-ce que ça peut faire ? C’est juste un vieux pervers, râla-t-elle.

À sa grande surprise, la belle demoiselle éclata de rire, laissant apparaître un côté plus sournois sur son visage. Elle reprit instantanément ces airs de gentille fille quand elle comprit qu’elle s’était perdue en esclaffe.

  • Plutôt bien dit, lâcha-t-elle en faisant gigoter son petit nez.

Pas très loin, au milieu de la classe, le garçon en question tendait avidement l’oreille, jouant avec un bic entre ses doigts. Il se concentrait sur un point, d’un air fâché, à presque en oublier le garçon à côté de lui. Celui-ci déposa ses lunettes rondes sur la table pour balayer la classe de ses jolis yeux bleus. Le jeune homme aux cheveux blond argenté parlait dans le vide.

  • Je me demande si je devrais passer aux lentilles de contact, tu en penses quoi ? Sky ? fit-il en passant sa main devant son visage.
  • Quoi ?! s’énerva-t-il.
  • Hum, tu sais, je pense qu’elles parlent de toi…
  • Tu es d’une perspicacité, Loyd, à en tomber part terre, répondit-il avec une ironie.
  • Ne fais pas la tronche comme ça, murmura-t-il, ils vont se rendre compte que tu as une mauvaise personnalité.
  • Et je ne suis pas le seul, le défia-t-il du regard, monsieur “gentil”, esquissa-t-il.
  • Mais je suis gentil, j’aime juste te taquiner, le pointa-t-il de son stylo.
  • Les garçons, apparut devant eux une fille timide, est-ce que vous pourriez signer mon journal de classe ? J’ai entendu que vous l’aviez fait pour d’autres, alors, demanda-t-elle, écarlate, tout en leur tendant son bien.
  • Pas de problème ma belle, répondit Sky en lui adressant un clin d’œil.

Il ouvrit le journal et y ratura sa signature, ajoutant un petit cœur au bout de son écriture. Le dénommé Loyd s’en accapara à son tour pour y écrire un mot un peu plus formel. Il lui rendit en arborant un sourire angélique. Devant la scène qui se jouait, Kimi eut l’impression d’assister à une séance de dédicaces. Elle n’avait jamais vu quelque chose d’aussi ridicule et fut bien contente que la sonnerie stoppe cette vision d’horreur. Jetant ses affaires dans son sac, puis celui-ci sur son épaule, Kimi tenta de fuir les griffes de cette pot-de-colle. Mais Laure Ibiss la guida jusqu’au réfectoire, déblatérant à un débit incroyable.

  • Je suppose que tu as compris à quel point, nous les Richess, avons du poids dans cette école. Commencer l’année en giflant Sky Makes, risque de t’apporter énormément de problème, c’est pourquoi je te conseille vivement d’accepter mon aide…
  • Attends, “nous” ? Tu es une Richess ?
  • Mais enfin, s’arrêta-t-elle au milieu du couloir qui menait au réfectoire, je t’ai dit mon nom. Je suis Laure Ibiss, répéta-t-elle fièrement, appuyant ses cahiers sur sa poitrine.
  • Oui, je n’avais pas vraiment fait le rapprochement, répondit-elle en se pinçant l’arrête du nez. Je crois que ça fait beaucoup d’informations pour une première journée, je voudrais manger seule, s’il te plait, dit-elle avec l'espoir qu'elle la laissa tranquille alors qu'elle serrait maladroitement la lanière de son sac.
  • Je t’aurais bien invité à notre table, mais nous devons faire bonne figure, surtout le jour de la rentrée ! Quoi qu’il en soit, j’accepterais avec plaisir de te faire une petite visite de l’école et…
  • Je crois que tu n’as pas compris, je n’ai pas besoin…
  • Tu reviendras vite vers moi, lui lâcha-t-elle, un air assuré sur le visage.
  • Laure ? Tu ramènes ta fraise ? lui lança un garçon de petite taille, les cheveux noirs, tout bronzé d’avoir trop pris le soleil. On t’attend, ajouta-t-il d’un sourire qui laissa entrevoir de petites canines félines, jetant son pouce dans la direction d’une table.

Il sautillait, trop heureux pour Kimi, jusqu’à l’endroit qu’il avait montré du doigt. Les deux autres garçons de sa classe passèrent à côté d’elles et lui arrachèrent Laure. Elle lui fit un petit “coucou” de ses doigts et les suivit jusqu’à la table en question.

  • C’est la table des Richess ?! s’exclama une toute petite fille à une autre. C’est tellement excitant de les voir tous ensemble !!

Kimi quitta des yeux les deux premières années qui ne tenaient plus en place pour regarder les sept personnes qui prenaient leur repas sans prendre en compte l’intérêt que le réfectoire en entier leur apportait. Ils semblaient à part, à l’écart du reste du monde. Quand elle passa à côté, son plateau entre les mains, Laure lui fit à nouveau un sourire et le petit mec d’avant jeta un coup de coude à Sky. Celui-ci releva son regard transcendant sur Kimi et retroussa son nez, mécontent, depuis sa place, en bout de table, tel un roi devant sa cour.

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