Crépuscule d’un monde

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À chaque combat, une finalité…

 Le silence hurlait. En tous lieux. Si fort que chacun des survivants présents ne pouvaient que l’écouter. Ce son éprouvant glaçait les âmes et brisait les corps. Pour quelques individus, il glaçait les corps et brisait les âmes. Sans un bruit.

 Les images récentes, cheminant dans les mémoires, défilaient sans jamais s’effiler. Des couleurs sans doute plus ternes les submergeaient. Présentes dans les ténèbres et se révélant à la lumière, en aucun cas elles ne disparaissaient. Elles s’accrochaient à l’œil et dévoraient les larmes en suspend.

 La porte des Enfers avait été ouverte. Trop heureuses de cette nouvelle liberté, les Ombres s’étaient révélées joueuses. Seulement, elles ne connaissaient qu’un jeu. Celui de la mort.

 À genoux, au milieu de ses proches inertes, se tenait une jeune femme dont le silence souhaitait étreindre. Laissant tomber les chaînes de cette invitation, elle se releva doucement, puis avança tête haute vers le centre de la foule muette. Embrasser son héritage maculé du sang des siens, voilà donc son devoir. Celui d’une nouvelle reine à la tête d’un empire à l’agonie.

 Des mains cueillies par le temps s’emparèrent de la couronne des souverains qui n’étaient plus. Le temps était venu de sacrer l’enfant. D’un geste tremblant, la jeune femme accepta le présent. Ne pouvant se résoudre à porter la couronne sur sa tête, elle la tint en main. Nul n’ignorait le poids d’un tel pouvoir.

 Tous attendaient le moment fatidique. Prenant ses responsabilités, la souveraine fit face à son peuple et affronta des regards terrifiés, des épaules abattues par le deuil, des projets dépossédés de leur avenir. Les enfants souffraient de découvrir que les adultes savaient pleurer. Ils préféraient cacher leur tête dans le creux du cou de leurs parents pour chasser ces visions. De rares couples se serraient la main, sans jamais rompre ce lien.

 Ce tableau épouvantable écorchait bien trop le cœur de la jeune femme. La joie et la simplicité qui définissaient ses pairs s’évaporaient. Ne pouvant plus supporter cela, elle agit immédiatement. Le silence devait être étouffé. D’une main, elle saisit celle d’un petit garçon puis fredonna une mélodie. Comme une étincelle après un incendie, elle raviva la flamme éteinte par les sombres pensées. Chaque être présent vint, l’un après l’autre, tenir la main d’un voisin et réchauffer les âmes. La mélodie laissa place à un chant harmonieux aux notes profondes. Tous donnaient de la voix ; une manière d’honorer les mémoires et de se dire au revoir. Le peuple était prêt à accueillir la sentence, sachant que ce qui allait advenir était nécessaire.

 Cela ne tarda pas à arriver. La reine se détacha de la foule mélodieuse pour prononcer la délivrance. Leur salut avait un coût non négligeable : la condamnation de leur peuple à l’oubli. Ce sacrifice auprès du Temps constituait le gage de la préservation des siens. Ainsi les Ombres ne reviendraient plus.

 La mélodie accompagna les derniers instants des individus déchus. Les yeux rencontrèrent l’obscurité, les respirations laissèrent échapper un dernier souffle, les cœurs ne purent achever un second battement. Un univers se figea. Tous embrassaient à nouveau le rythme du silence.

… À chaque monde, un crépuscule.

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