Chapitre vingt-Sept

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L'oiseau pencha la tête d'un côté, puis de l'autre. Il me regardait, cherchant probablement à deviner si je représentais une menace, ou s'il pouvait s'approcher et quémander des miettes. Deux clignements de paupières. Nouvel hochement de tête. Il fit un petit bond en avant.


Je ne bougeais pas.


Mon absence de réaction poussa le volatile à s'approcher encore davantage. Petits sauts, par petits sauts. A mesure que la distance entre nous se réduisait, je distinguais son plumage bleuté, moucheté de rouge. Il était minuscule, pas plus gros que mon poing. Sa tête dodelina dans ma direction.


Je ne bougeais pas.


Il dût réaliser qu'il n'obtiendrait rien de moi, car il finit par sautiller vers une branche, pour s'y poser et m'observer.


J'étais devenue l'attraction d'un oiseau bleu.


Quand mes sanglots avaient fini par s'espacer, respirer était devenu plus facile. Les larmes, elles, n'avaient pas cessé de couleur. Je sentais mes paupières gonflées, une migraine pointant derrière mes yeux humides. Je me surpris à savourer cette douleur. Elle restait plus facile à gérer que la vérité. J'espérais encore que l'épuisement aurait raison de moi et bien qu'étant debout depuis vingt-quatre heures, je restais consciente. Parfaitement réveillée sur ce que s'avérait être, en réalité, ma condition. Je n'avais même plus la force de me poser des questions. Pourquoi ? Comment ? Pourquoi moi ? Je n'aurais pas eu les réponses, de toute manière. Je laissais le temps s'écouler.


Je ne remuais qu'à cause d'un rayon de soleil. Je clignais des yeux, hésitant à me déplacer pour me soustraire à ce petit point aveuglant. Faute de mieux, je basculais sur le dos. L'oiseau lança un trille joyeuse.


T'emballes pas mon vieux.


J'avais grimpé aussi haut que possible, avalant les escaliers et les échelles, m'éloignant le plus possible du sol et du risque d'être retrouvée. A en juger par les percées lumineuses dans les feuilles, et la chaleur plus sèche que celle du village, j'avais atteint la cime des arbres. Seules quelques branches me séparaient du ciel, je pouvais l'apercevoir.


Je m'attirais un nouveau pépiement lorsque je me redressais en position assise. Ouais, ouais.


Une fois debout, je me servais du tronc comme d'un appui pour terminer ma folle ascension de l'arbre sur lequel je m'étais réfugiée. Une branche après l'autre, je grimpais, cette fois avec lenteur. Et je m'extirpais du feuillage. Le soleil était toujours aussi brûlant, rapidement je me mis à transpirer. Je serrais le tronc entre mes bras pour m'asseoir sur une branche, et laissais mon regard glisser sur le désert.


Comparé à l'immense étendue de sable, le village d'arbres ne me semblait plus si grand. Il était perdu dans un océan de sécheresse, petit point de vie dans un endroit où il n'y avait que du sable, des cailloux et des ruines. Depuis mon observatoire j'avais une vie dégagée sur la ville-dôme. Elle reposait contre une imposante chaîne de montagnes. Autrefois, ces pics majestueux avaient dû être couverts par la végétation, aujourd'hui ce n'était que de vulgaires amas de roches grises.


Je me forçais à réfléchir.


Lorsque je faisais le trajet pour me rendre chez mes parents (mon cœur s'affola, je pressais la joue contre l'écorce du tronc, en comptant dans ma tête 1, 2, 3...) je passais au-dessus d'un ancien lac. Je cherchais un quelconque point d'eau qui serait réapparu sous l'effet du même miracle qui avait permis à des arbres géants de pousser. Je ne voyais rien de tel.


Déçue, je me perdais dans la contemplation des ruines. Un dôme brisé, échoué contre les montagnes. Le tombeau de mes parents. Que s'était-il passé ? Aurais-je seulement un jour la réponse à cette putain de foutue question ? J'ignorais le soleil qui me brûlait le cuir chevelu, j'oubliais ma faim et ma soif et j'attendis.


Les heures s'écoulèrent dans le silence le plus total. J'avais les yeux secs, sans parler de ma gorge. Ma nuque me brûlait. La douleur dans mon crâne s'était intensifiée au point de faire naître des points lumineux dans mon champ de vision. Le soleil finit par se coucher, me laissant étourdie et nauséeuse. J'encerclais le tronc de mes bras, et comptais dans ma tête.


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