36. Alice

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Je rentre de l’école. Je marche seule dans les rues de Tulle, mon petit cartable rebondit sur mes épaules à chacun de mes pas. Je porte un kilt en laine à carreaux verts et un chemisier blanc avec un col rond en dentelle. Je passe devant la boutique de Farida, une gentille dame maquillée comme un carré d’as qui a réussi à vendre une robe Charleston dorée et pailletée à ma mère. Depuis ce jour, elle me laisse trainer dans sa boutique après l’école.

La lumière est tamisée, la pièce est minuscule, remplie de vêtements brillants et d’étoffes précieuses aux formes intrigantes. Je ne viens pas pour le style, mon plaisir à moi c’est de me frotter aux fourrures et aux robes de soie dans l’odeur lourde et capiteuse du parfum de Farida. Je passe entre les rangées de vêtements qui caressent doucement mon visage à chacun de mes passages et je finis en enfonçant ma tête dans le moelleux d’un manteau en peaux de visons morts.

Alors que je rêvasse au fond de la boutique, ma mère déboule soudain dans le magasin. Affolée, elle interpelle Farida :

— Farida ! Vous avez pas vu Alice ? Je la cherche partout, ça fait une heure que l’école est finie, elle est toujours pas rentrée ! Je sais pas quoi faire, à l’école ils disent qu’elle est partie à quatre heures mais je l’ai pas trouvée sur le chemin, je sais pas où elle est passée…

Farida la coupe :

— Alice ? Mais elle est là Alice ! Elle joue dans les manteaux derrière…

Je sors prudemment de derrière le rayon de fourrures où j’étais assise et ma mère pousse un cri de soulagement en me voyant. Je suis surprise de la voir comme ça, je me sentais tellement en sécurité dans ce cocon douillet que je n’ai pas pensé une seconde qu’elle pourrait s’inquiéter pour moi. Elle est tellement occupée à la maison qu’elle n’a pas l’air de se soucier de moi quand je rentre d’habitude…

Au lieu de m’excuser de lui avoir fait peur, je pars en gambadant joyeusement vers la maison. Je me sens légère, en sécurité sous le regard de ma mère qui suit chacun de mes pas. Maintenant que je sais qu’elle tient à moi, je n’irai plus squatter chez Farida.

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