25. Chris

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Une main se pose sur mon bras. Un homme accroupi me parle, tout de bleu vêtu. J’ai du mal à m’exprimer, je suis confus, honteux, presque furieux en réalisant mon malaise. Comment mon corps a-t-il pu me lâcher maintenant ? Je n’ai pas le temps de répondre à ses questions, je lui demande le bâtiment 4.

— Ce doit être le bâtiment Babinski que vous cherchez. Neurochirurgie, c’est ça ? C’est par là, répond-il en me pointant une allée du doigt. Vous êtes sûr que ça va aller ? Attendez… Je vous accompagne.

Je n’ai ni le temps ni la force de refuser. Au moins lui, il sait où aller.

Il m’accompagne jusqu’à l’entrée du bâtiment et je l’oublie là, une aide-soignante traverse le hall. Je me rue sur elle et lui demande Alice. Elle répond qu’Alice est là mais qu’il faut l’autorisation du médecin pour lui rendre visite. J’essaie de lui expliquer que je veux juste la voir, même de loin, ou au moins qu’elle me dise comment elle va. Elle m’ordonne d’attendre le médecin d’un ton agacé, elle va le chercher. Je n’ai plus l’énergie pour résister. Elle s’en va et me laisse là, à quelques mètres d’Alice dont je n’ose imaginer l’état.

L’homme de tout à l’heure m’a suivi. Il m’assoit sur une chaise et m’apporte un verre d’eau. Je crois qu’il me parle mais je n’écoute pas, je sens le liquide glacé ruisseler dans mon corps déjà froid. Un docteur arrive enfin. Je remercie l’autre par réflexe et me jette en chancelant sur l’homme en blanc qui avance vers moi :

— Bonsoir, excusez-moi de vous déranger mais je voudrais avoir des nouvelles de ma copine, Alice. Elle a eu un accident de voiture, dis-je en serrant instinctivement la main qu’il me tend.

Elle est chaude, douce et puissante à la fois. Cela m’apaise un temps, mais je réalise qu’il répond :

— …Ils nous l’ont amenée il y a quatre heures environ, elle est encore dans un état critique.

— Dans un état critique, ça veut dire quoi ? Comment elle va ? ma voix s’étrangle dans ma gorge.

— Elle a subi un trauma crânien qui lui a fait perdre connaissance pendant l’accident. On croyait l’avoir perdue mais les secours ont réussi à rétablir son rythme cardiaque. Ils l’ont mise sous respirateur artificiel un peu moins d’une minute après l’avoir retrouvée, mais elle n’a pas encore repris connaissance. Elle est dans un coma profond à l’heure actuelle. Je ne vous cache pas que son pronostic vital est engagé.

Dans le coma ! Je suis sonné. Je sens les larmes monter en moi mais ne cède pas, tandis qu’il poursuit :

— Comme nous ne savons pas combien de temps son cœur s’est arrêté, il est possible qu’elle se réveille avec de graves séquelles. Elle a également deux vertèbres cassées, mais la moelle épinière ne semble pas être touchée. A l’heure actuelle, nous faisons tout notre possible pour la stabiliser en soins intensifs.

— Je peux la voir ?

— Je suis vraiment désolé mais ce n’est pas possible pour le moment. Vous pouvez attendre ici si vous le souhaitez, mais je vous conseille quand même de rentrer chez vous pour vous reposer. Si vous voulez bien nous laisser vos coordonnées, nous vous préviendrons quand vous pourrez la voir.

— Mais comment… Qu’est-ce qu’il s’est passé pendant l’accident ?

— Nous avons très peu d’informations sur l’accident en lui-même. Comme il pleuvait les témoins n’ont pas bien vu, mais apparemment un camion leur est rentré dedans au niveau d’une bretelle d’insertion du périphérique. La voiture aurait fait un tonneau contre la barrière du pont qui traverse la Seine… je crois qu’ils essaient encore de la sortir de l’eau à l’heure qu’il est. Le chauffeur est mort noyé. Votre copine a eu de la chance, on pense qu’elle n’avait pas sa ceinture et qu’elle a été éjectée à travers le pare-brise avant que la voiture plonge. Les pompiers l’ont retrouvée dans l’eau près d’une péniche, en face de Bercy.

— Et le cam… le camionneur, i… il est mort ? articulé-je avec peine.

— Non, il a été légèrement blessé dans l’accident… Nous n’avons pas les coordonnées des parents de votre amie, est-ce que vous préférez les prévenir vous-même ?

— Non… Heu… Si. Si, je vais les prévenir. Merci.

Je réponds aux questions d’une secrétaire aux yeux trop clairs et puis je sors, hagard, dans le noir.

Mes pieds me mènent face à un mur et je vomis là, les mains collées contre la pierre froide. Une larme en profite pour couler, mêlant son goût salé à l’aigreur de ma bile.

Je n’ai pas le numéro de téléphone de ses parents, et son portable doit être au fond de la Seine à l’heure qu’il est. Je n’ai que le numéro de sa sœur Ariane, mais elle habite au Rwanda… Je l’appelle quand même pour lui annoncer qu’Alice est dans le coma, qu’il faut prévenir leurs parents. Je sens de l’inquiétude dans sa voix mais elle reste calme, habituée aux urgences et aux drames :

— Ok… Bon, t’inquiète pas pour mes parents, je vais les appeler. Tiens-moi au courant s’il y a du nouveau.

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