5. Chris (1/2)

2 minutes de lecture

Depuis la colline verte où nous sommes seuls, assis-allongés dans les hautes herbes d’un pré, on voit toute la ville où je suis né : l’église, la grande rue, les ponts mangés par le lierre et la rivière toujours endormie dans son lit de pierre. Les maisons tordues, perchées sur la colline, surplombent des jardins en terrasse cultivés par de probables retraités.

Le soleil est encore haut dans le ciel. Les feuilles des pommiers bruissent par petites vagues dans la chaleur de l’été. Une douce torpeur m’enveloppe. Une feuille de plantain chargée de chlorophylle me chatouille l’avant-bras. Sa danse du vent me détourne quelques instants de l’herbe séchée qui roule entre mes doigts. Les jambes nues d’Alice reposent non loin de moi, sa peau dore à vue d’œil. Les yeux fermés, je crois qu’elle dort.

Je roule, je lèche, je colle, je tasse, j’allume, et tout part en fumée.

Le soleil commence à me brûler. Mes pieds ont viré au cramoisi et des gouttes de transpiration perlent sur mon front. Je prends la serviette sur laquelle j’étais assis pour m’essuyer le visage et me couvrir la tête.

Il ne se passe rien dans la vallée. La petite ville s’étale, inerte. Depuis vingt-sept ans, pas l’ombre d’un mouvement. Cette vue revue cent fois m’ennuie terriblement et me rappelle à présent que je revis ce vide à chaque fois.

J’en peux plus de cet endroit. Trop de mauvais souvenirs je crois. J’ai personne à voir ici, tous mes amis se sont barrés depuis le temps… si on peut appeler ça des amis. Ça fait un bon moment que je n’ai plus vraiment d’amis quand j’y pense. Ça me manque, mais en même temps ça m’évite d’être déçu.

Des fois, je me dis que je devrais envoyer un message à Coco. J’y pense mais je n’ose pas. Je saurais même pas quoi lui dire, j'imagine qu’il y a trop de choses à dire. Je crois que j’aimerais passer une soirée seul avec lui, boire des bières et parler toute la nuit de l’univers et de la vie. Mais je vais pas lui proposer, il est passé à autre chose, ça l’intéresserait sûrement pas. Il a fait sa vie comme on dit… Même si on se revoit, ce sera jamais comme avant… alors ça vaut pas le coup d’enfoncer le clou.

Alice ne parle pas. Ça m’agace, on dirait qu’elle n’a jamais rien à dire.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 4 versions.

Vous aimez lire Annabelle Dorio ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0