10. Alice

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Le réveil de mon portable sonne à dix heures et demi. Je l’éteins machinalement en tâtonnant d’un œil endormi. La vision furtive du papier peint fleuri se mêle au rouge brique poinçonné d’or du dessus de lit. Je referme les yeux pour retrouver mon rêve mais c’est peine perdue, il est déjà trop tard. Seules de vagues sensations d’excitation me restent des aventures qu’a créé mon cerveau pour se distraire du réel.

Je me traine péniblement jusqu’à la douche qui finit de me réveiller. Je pourrais rester là des heures à m’arroser d’eau fumante, tellement chaude qu’elle me brûlerait presque, aussi délicieuse qu’un feu de cheminée. Je me résous enfin à sortir, rouge comme un homard, frémissant au moindre courant d’air. Je choisis la serviette « Minnie » dans le placard de la salle de bain. Elle est moins grande que dans mon souvenir et l’oreille de Minnie est trouée, mais je retrouve avec plaisir la douceur du molleton sur ma peau. C’est comme une caresse bienveillante qui m’enveloppe, la main d’un géant qui rassure et réconforte.

J’arrive dans la cuisine un peu avant onze heures, ma mère est en train de repasser.

— Ah ! C’est pas trop tôt ! Je me demandais si t’allais réussir à te réveiller toute seule !

— J’étais fatiguée, et je suis en vacances en fait… Bonjour maman.

Je m’approche d’elle pour l’embrasser.

— Bonjour ma fille ! Tu veux quoi pour le petit déjeuner ? Il y a du pain, de la brioche, de la confiture, et je t’ai gardé le soufflé d’hier dans une boîte, même froid c’est délicieux !

— Je vais juste prendre un café ça va aller, merci.

— T’es sûre ?

— Oui oui ça va merci, je suis habituée à ne pas manger le matin.

Les petits déjeuners de mon enfance défilent dans ma tête : Œufs à la coque, croquemonsieurs, cordons bleus... A l’époque j’avalais tout sans broncher, aujourd’hui ça me donnerait plutôt envie de gerber.

— Mais il faut prendre un petit déjeuner, c’est le repas le plus important de la journée ! reprend ma mère.

— Oui, oui, je sais. Mais j’ai vraiment pas faim, je pourrai attendre jusqu’au repas.

— Bon.

Elle me jette un regard désapprobateur, et je sais que même si elle ne trouve plus rien à ajouter, c’est loin d’être fini. Cette conversation se répétera encore et encore. Peut-être demain matin, la semaine prochaine ou l’année prochaine, avec la même surprise, la même indignation, la même injonction, la même déception. Jusqu’à ce que je me conforme.

— Il est où Papa ?

— Dans le jardin comme toujours. On peut dire qu’il chôme pas, lui ! D’ailleurs il t’attend depuis huit heures, il t’a sorti le matériel pour nettoyer le toit de la véranda.

— Ah ? Il ne m’en a pas parlé hier soir…

J’arrête de touiller mon sucre. La première gorgée de café fait passer la sensation glacée qui vient de me traverser, suivie d’une folle envie de me barrer. Je me concentre sur la tasse qui me brûle le bout des doigts.

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