XI Parfois, nous sommes seuls...

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Judith

Réveillée avant la sonnerie du réveil, j'ouvris les yeux en douceur. La semaine reprenait son cours et je me levai tranquillement pour aller réveiller ma sœur.

  • Debout ma petite chérie.

Mila ne réagissait pas...

  • Mila ? Tu m'entends ? la secouai-je.

Aucune réaction. J'ôtai sa couverture. Je pris son pouls et ne le sentis pas.

  • Mi ! criai-je. Réveille-toi !
  • Qu'est-ce qui se passe ? m'interrogea notre mère inquiète en arrivant en catastrophe dans la chambre.
  • Elle ne se réveille pas ! paniquai-je. Je n'arrive pas à prendre son pouls. Maman, mais qu'est-ce qu'elle a ?
  • J'appelle les secours ! me dit ma mère en faisant demi-tour.

Je me penchai sur son torse pour écouter son cœur. Il battait bien. Elle respirait.

  • Mi, je t'en prie, réveille-toi, lui dis-je doucement ravalant mes larmes.

Elle se mit à prendre une grande bouffée d'air, elle expira lentement et ouvrit les yeux. C'est yeux étaient illuminés.

  • Ouh là ! m'espantai-je. Mila ? Est-ce que tu m'entends ?

Elle cligna des yeux et ils revinrent à la normale.

  • Oui Ju, je t'entends ! me dit-elle en s'agrippant à mon cou.
  • Est-ce que ça va ?
  • Oui, ça va. J'ai cru que je...
  • Les secours arr... intervint ma mère affolée. Mila ? Mais, bon Dieu ! Tu es réveillée ! s'écria-t-elle en me l'arrachant. Est-ce que ça va ?
  • Oui Maman.
  • Oh punaise ! dit-elle en la serrant de plus belle. La peur que j'ai eue !

Elle tournait en rond dans la chambre avec Mi dans ses bras. Mi la rassura et son stress commença à redescendre.

  • Tu veux rester avec moi aujourd'hui ? lui demanda-t-elle. Tu n'es pas obligée d'aller à l'école, tu sais. On pourrait se faire une journée entre filles, qu'est-ce que tu en dis ?
  • Ah oui ! bondit Mila. C'est trop bien les journées entre filles !
  • Super ! Je vais aller préparer le petit déjeuner pendant que vous vous préparez.

Elle sortit de la chambre à la hâte. Je l'entendis rappeler les secours. Mi me sauta dans les bras et me dit :

  • Ju, j'ai vraiment cru que je ne me réveillerai jamais !
  • Moi aussi Mi ! soufflai-je. Tu m'as fait peur ! Comment te sens-tu ?
  • Mieux !

Elle se rapprocha de moi, et me dit en chuchotant:

  • J'ai vu So et son père se battre cette nuit. Son père l'a jeté sur la table et elle s'est cassée !
  • Ah oui ? lui dis-je, intriguée.
  • Soan criait à son père : tu as tué Maman ! Mais lui disait que non, alors ils se sont disputés. Bien plus fort que Maman et toi l'autre jour !
  • Pauvre Soan ! m'inquiétai-je.
  • Ensuite le Monsieur du parc a ouvert le placard dans lequel je me cachais. Il m'a mis la main devant la bouche et je n'arrivais plus à respirer.
  • Il a fait quoi ? Mais pourquoi ?
  • Il a ouvert une malle et m'a jetée dedans puis il l'a refermée en vitesse. Je m'étouffais... Et puis tu m'as réveillée ! Ouf !

Elle se passa la main sur le front. Je ne pus m'empêcher de sourire à ses mimiques.

  • Tu sais, il est gentil ce monsieur.
  • Tu le connais ?
  • Non, mais c'est lui qui m'a cachée dans le placard. Il me donne à manger aussi.
  • Mais il vient de te jeter dans une malle ! m'offusquai-je. Comment tu peux dire qu'il est gentil ?
  • Mais c'est pour me sauver la vie, Ju. Tu comprends rien toi ! dit-elle en se moquant de moi.

Puis elle se leva et trottina jusqu'au salon. Je m'habillai rapidement et allai les rejoindre. Ma mère avait sorti de quoi faire un festin. J'avalai rapidement un petit quelque chose et partis vite.

  • Tu es sûre de ne pas vouloir rester avec nous ? me dit ma mère.
  • Oui Maman, je dois aller en cours. Pas de verre en terrasse aujourd'hui, okay ?
  • Oui, ne t'en fais pas, me rassura ma mère. Pars vite, tu vas rater ton bus !
  • Bonne journée ! dis-je en fermant la porte.

Seule sur le palier, je me demandais comment allait Soan. Si ce que Mila disait était vrai, So ne devait pas être très en forme pour aller au lycée aujourd'hui.

J'allai attendre le bus, et je vis cet homme m'observer de l'autre côté de la rue. S'il sauvait vraiment la vie à Mi dans le monde des rêves, c'est qu'il ne devait pas être si méchant que ça...

Le bus arriva rapidement et Élé n'était pas dedans, à ma grande déception... Je décidai de l'appeler mais tombai sur son répondeur. Je lui envoyai un petit message puis rangeai mon téléphone dans mon sac. Décidément, la journée s'annonçait bien vide. Une fois arrivée au lycée, j'appris l'absence de plusieurs professeurs qui faisaient grève. Je n'avais que deux heures de cours ce matin : deux heures de maths... Prenant mon courage à deux mains, je me dirigeai vers ma classe.

Le cours de maths se déroula comme à son habitude. Une fois terminé, je sortis pour rentrer chez moi. Le bus n'arrivait que dans vingt minutes et je décidai donc de rentrer à pied.

Je profitai de ce moment de solitude et je ne pensais étrangement à rien. Je regardais dans les vitrines certaines belles choses, puis m'arrêtai devant la boutique solidaire, non loin de chez moi.

J'aimais cette boutique, certains venaient s'y vêtir, d'autres acheter des bibelots. Moi, j'y allais pour les livres car ils y étaient bon marché. Rien de meilleur pour satisfaire mon appétit de lectrice à moindre coût. Je fis quelques achats et me dirigeais, comblée, vers mon immeuble. Une fois en haut, j'hésitais à toquer chez Soan. Mes achats en main, je préférai monter sur le toit pour me lancer dans un nouveau livre. Je passai la première porte quand je le vis, assis sur les marches en plein milieu de l'escalier. Il était surpris de me voir.

  • Salut So, est-ce que ça va ? m'enquis-je.
  • J'ai connu mieux... Excuse-moi, je vais te laisser.
  • Non mais ça va, tu peux rester. Tu veux qu'on en parle ? lui dis-je doucement.

Il se rassit et je vins m'asseoir près de lui. Lui posant une main sur le genou, je l'encourageai à se confier.

  • Je me suis disputé avec mon père hier soir...
  • Ah oui, ça... lui dis-je en retirant ma main.
  • Vous nous avez entendus ?
  • Pas vraiment non, Mila vous a vus, annonçai-je.
  • Comment ça, Ju ?
  • Je ne saurais te l'expliquer. Elle voit des choses. Elle nous a vus dans la cabane la première fois. Puis elle nous a vus dans le placard. Elle t'a aussi vu hier soir avec ton père.
  • Mince alors ! Mila aurait déjà développé des pouvoirs sans même avoir sa boîte ? C'est dingue ça !
  • Oui, tu peux le dire ! dis-je en riant.
  • Écoute Judith, c'est un peu le bazar dans ma vie. Je ne sais plus quoi penser ou qui croire...
  • Je comprends. Ne t'en fais pas... lui dis-je en soupirant.
  • Ma mère est vivante, lança-t-il.
  • Ah oui, ça... dis-je en détournant le regard.
  • Tu es au courant ? s'étonna-t-il.
  • Euh... Oui... avouai-je.
  • Comment ça, tu es au courant ? m'interrogea-t-il. Non mais regarde-moi !

Il tourna mon visage vers le sien. Le menton coincé entre ses doigts, je ne pouvais échapper à ses yeux.

  • Euh... Je...
  • Tu n'es pas mieux que les autres finalement, me souffla-t-il au visage. Tous les mêmes, à me mentir...

Il se leva brusquement, et commença à descendre les marches à toute vitesse. Sans prendre la peine de récupérer mes affaires, je me levai pour le rattraper. Il passa la porte et sur le palier, je lui dis :

  • Attends Soan ! Val m'a conseillée de ne rien te dire tant que ta mère ne lui avait pas expliqué le pourquoi du comment. En plus, tu t'es mis en colère l'autre jour. Je ne savais quoi faire! Mais enfin, comprends-moi, So.

Il se retourna soudainement et vint vers moi. Sa colère m'ébranla. Je ne savais plus comment gérer la situation. Je me mis à reculer et finis par sentir la porte qui s'était refermée dans mon dos. Il se rapprocha tout près de moi. Ses yeux passaient de ma bouche à mes yeux. Je voyais ses pupilles se dilater. Tiraillé entre désir et indignation, il me cracha au visage :

  • Fous-moi la paix, Judith.

Puis, se retournant, il passa devant son père qui était sorti de chez lui et avait assisté à la scène.

  • Toi aussi, tu me fous la paix ! lui cria-t-il en le pointant du doigt.

Son père le rattrapa et le retint par le bras mais Soan se dégagea violemment. Démuni, il le laissa partir. Puis se tournant vers moi, il me dit :

  • Ça va, Judith ?
  • Oui, oui, ça va, merci, répondis-je, intimidée.
  • Très bien, je vais rentrer alors. Bonne fin de journée.
  • Merci Monsieur Morel, à vous aussi.

Puis en repartant d'où je venais, j'ouvris en vitesse la porte afin de m'engouffrer dans la cage d'escalier, mettant ainsi un terme à cet échange. Je ramassai mes affaires et montai sur le toit. Là-haut, j'arriverai à remettre de l'ordre dans mes idées. Avant de passer la seconde porte, mon téléphone sonna. C'était Élé :

  • Allo Élé, comment...
  • Ju, viens vite chez moi s'il te plaît, me coupa-t-elle. C'est ma mère, ça ne va pas du tout. J'ai besoin de toi.
  • Okay, j'arrive de suite.

Soan

Assis sur le banc dans le parc en face de l'immeuble, je vis Judith partir en courant. Je préférai effacer cette vision et me levai pour aller marcher. Trop de questions me tracassaient : mais où était ma mère ? Pourquoi était-elle partie ? Je n'avais pas voulu écouter mon père hier soir. Toutes ces années dans le mensonge me rebutaient. Il m'avait laissé entendre qu'elle était morte sans jamais le dire clairement. Était-ce moi qui avais fait cette déduction ? Certainement, il était plus facile de penser que ma mère meure plutôt qu'elle ne m'abandonne. Je me berçais d'illusions depuis cinq ans maintenant. Je devais la retrouver. Bien énervé, je me mis à courir pour rejoindre le lac. J'en fis plusieurs fois le tour. Une fois apaisé, je rentrai tranquillement, plus léger. Je repensais à Judtih. Je n'aurais pas dû me fâcher contre elle. Qu'aurait-elle pu faire ? Elle ne pouvait pas m'annoncer les choses comme ça. Après tout, nous commencions à peine à nous découvrir et tout allait bien vite. Elle me bousculait dans plein de domaines. Elle était belle et envoutante. Mon taux d'hormones grandissant me poussait vers elle, mais ma tête me disait d'attendre. Je mettais les pieds dans l'inconnu et ne voulais surtout pas m'y plonger sans réfléchir. Je m'étais toujours refusé à l'amour. Qu'aurait donc fait une fille de quelqu'un comme moi ? Mais Judith était différente. Elle me perçait à jour et devenait ma solution. Mais à quel prix ? Toutes ses réflexions me menèrent tout droit dans la salle de bain. Je fis couler l'eau froide et me mis dessous. Mon souffle se coupait et des frissons me parcouraient le corps. Le choc thermique me ramena à moi-même. Une discussion avec mon père était inévitable. Une seule question me freinait : étais-je capable d'entendre tout ce qu'il avait à me dire ?

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