Falaise (1)

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Je retrouve la vue au bout de plusieurs longues minutes, je me retrouve sur une falaise avec une vue époustouflante. Le ciel et les nuages rosés par le coucher de soleil sont d'une beauté apaisante, j'ai l'impression de voir la toile d'un grand maître, un doux vent caresse ma peau, je me sens sereine. Au bout de la falaise, je remarque Gloriam dos à moi, je me rapproche de lui :

–Gloriam !

Il tourne la tête vers moi :

–Rose ?

–Je croyais que tu étais mort.

–Cette notion est très relative, j'ai disparu serait un mot plus approprié.

–Pourquoi es-tu réapparu ?

–Le Somnium à "imploser", je crois, avec la disparition de ses habitants, je suis peut-être là parce que tu tenais à nous voir.

–Nous ?

Il me montre de la main les autres qui sont face au vide, personne ne se regarde, ils sont obnubilés par l'horizon devant eux. Je ne sais même pas s'ils ont conscience de la présence des uns et des autres, la falaise qui est maintenant en forme de cercle parfait me donne l'impression d'être dos à une table ronde :

–Pourquoi on est tous ici ?

–Qui sait pourquoi nous, les êtres de haine, sommes rassemblés au même endroit ? Je n'ai pas la réponse à cette question, personne ne l'a en vérité, des fois, il y a des événements qui se passent sans raison particulière.

–Des événements sans coïncidence, c'est possible ça ? Après tout ce qu'on a fait ? Je n'y crois pas.

–Si tu le dis, j'ai un doute, que vois-tu ?

Il regarde fixement devant lui et montre l'horizon, je jette un œil en bas, je ne vois même pas le sol :

–Rien, il n'y a que le vide.

–Moi, je vous vois, vous et Arthur, celui qui m'a accepté.

–Ah bon ?

–Il y a un chemin qui mène jusqu'à vous.

–Je ne vois rien de ce que tu me racontes.

Il pose un pied sur le vide et ne tombe pas, il s'éloigne de quelques pas, j'essaye de tâtonner le vide, mais mon pied n'est retenu par rien, juste du vide, je l'appelle :

–Gloriam !

Il se retourne vers moi :

–Tu ne peux pas me suivre sur ce chemin ?

–On dirait bien que non.

–Alors c'est que ce n'est pas là où tu dois aller, la route que tu dois prendre est autre part, reste à savoir où elle est.

–Est-ce qu'on se reverra ?

–Bien sûr, les routes que l'on prend sont peut-être différentes, mais elles finiront par se rejoindre, un jour ou l'autre, je crois.

–Pourquoi tant d'incertitudes ?

–Je ne suis sûr de rien, qui peut être sûr de quoi que ce soit ? Tu sais je n’en avais peut-être pas l’air, mais j’avais peur, peur que l’on ne me comprenne pas, peur que l'on m'oublie une nouvelle fois, je faisais de faux sourires à ceux qui me parlait parce que je savais qu'ils allaient oublier m'avoir parlés, je ne veux plus ressentir cette sensation qui détruit chaque parcelle qui compose ce corps, chaque petite victoire avait un goût amer, car tout ce que j'entreprenais échouait au final et il n'y avait rien derrière, chaque refus pour moi était comme des poignards planter dans mon dos, je préférerais être incertain pour ne blesser personne et pour que personne ne me blesse. Finalement, Gloriam est un bon prénom, il me donne une identité propre à la mienne. Rose, aujourd'hui, je n’ai plus à avoir peur, maintenant que je sais qui je suis et que vous m'accepter telle que je suis.

–Je comprends parfaitement ce que tu ressens Gloriam.

–À un de ses jours, Rose.

Il poursuit sa route et finit par disparaître :

–À bientôt que ta route soit sereine.

Je me retourne et les autres sont toujours face au vide, je vais vers David, qui est le plus proche, il m'accueille :

–Rose ?

–Tu vas bien David ? La dernière fois que je t'ai vu, tu n'étais pas au meilleur de ta forme.

–Je vous entendais, mais je ne vous voyais pas, j'étais perdue dans le noir, j'étais aveuglé par ma haine.

–Et maintenant tu es où ?

–Me voilà devant chez moi, enfin ! Devant la maison de mes parents, mes frères et sœurs m'attendent le sourire aux lèvres, heureux de me voir. Vous aussi, vous êtes là. Pendant longtemps, j'ai eu honte de moi, de me travestir en cachette. J'avais peur de ce que les autres pourraient penser de moi. Mais en les rencontrant et en apprenant à les connaître, je me suis rendu compte que je n'avais pas à avoir honte de ce que je suis. Même si je n'ai pas encore réussi à passer le cap où j'achète mes robes tout seul. Heureusement que Claire et Taïba étaient là pour ça.

–Tu es déjà sorti en robe ?

–Oui. J'ai eu du mal avec les mains baladeuses au début, puis après, Taïba m'a enseignée sa technique du coup de pied dans les couilles. Si ça se trouve, on s'est déjà croisé dans la rue.

–Sûrement… comment s'est passé ton retour ?

Il souffle du nez et sourit :

–Ouais, cela c'est beaucoup mieux passé que ce que je ne l’aurais imaginé. Mes parents, eux, ont été un peu distants au début, mais le plaisir de me revoir était plus fort que tout, mes frères et sœurs m’ont juste pris dans leurs bras et ma grande sœur m'a donné une claque ; maintenant, je lui dois une caisse de vodka et trente pleins d’essence. Quand j'ai appris que tu enlevais ton masque durant le message, j'ai fait pareil.

–Pourquoi t'as fait ça ?

–On n'allait plus jamais effacer personne et puis j'avais envie d'arrêter, j'avais envie de vivre ma vie sans me tracasser de qui on allait effacer et s'ils le méritaient vraiment.

–Que vas-tu faire désormais ?

–J'ai envie de vivre l'instant présent, de me faire pleins de bons souvenirs.

Il sort son carnet où il notait toutes les choses qu'il avait envie de faire et le jette dans le vide :

–Je n'ai plus besoin de ça maintenant.

Il s'avance dans le vide comme Gloriam, il se retourne et me dit :

–Si jamais tu passes en URSS, passe me dire bonjour, ma porte te sera toujours ouverte !

–J'y penserai !

Il disparaît exactement comme Gloriam, la personne la plus proche de moi est Cynthia, je m'approche doucement d'elle qui m’accueille comme si de rien n’était :

–Salut Rose ! Tu vas bien ?

–C'est plutôt moi qui devrais te demander ça, j'te rappelle que tu t'es prise une balle dans le ventre.

–Oh ! Ça va ! C'était pas si grave que ça !

–Tu pissais le sang !

–Juste un petit peu, mais bon, admire-moi plutôt la vue ! Ce bon vieux désert Californien m'avait manqué !

Elle me montre le vide, je lui réponds :

–Je ne peux pas le voir.

–J'm'en doute, mais là-bas au loin, il y a ma maison, les araignées et les nuisibles y on fait certainement leur nid, mais c'est chez moi et vous êtes tous là.

–Et tes parents ?

–C'est quoi ça ? Ça se mange ?

–Tu n'as pas envie de les revoir ?

–Non. Je leur ai dit ce que j'avais sur le cœur quand on les a enterrés, j'ai craché toute ma haine sur leurs tombes. Que du jour au lendemain, ils fassent comme si je n'avais jamais existé, ça m’a brisée. J'ai souhaité leur mort un bon milliard de fois. Le problème, c'est qu'ils étaient dans la même unité qu'une personne qui comptait beaucoup pour moi, mon meilleur ami, Bruce. Lui m'a soutenu dans les pires moments de ma vie, il m'a toujours aidée à me relever. Il me répétait toujours : ”Écoute Cid ! Peu importe ce qu’on te dit, fonce droit devant toi ! Ceux qui te veulent du mal essayeront de te retenir avec d'alléchantes promesses, mais ne les écoute pas et fonce ! Ils ne pourront jamais te rattraper, ni te dire ce que tu dois faire.” D'ailleurs, il est dans la maison en train de m'attendre.

–C'était un bon ami.

–Oui, je l'aimais tellement… J'étais déchirée par sa perte, j'en voulais à la Terre entière. Alors quand on m'a assignée comme mission de surveiller médicalement un ennemi qu'on venait tout juste de déprogrammer, je te laisse imaginer la tête que j'ai faite.

–Tu m'étonnes, cette personne, c'était Aziz ?

–Ç'a durée environ deux mois, le temps qu'il se stabilise et que ses blessures cicatrisent. Au bout de trois semaines, j'ai commencé à avoir pitié de lui, je lui ai demandé s'il voulait abréger ses souffrances.

–Il t'a dit que c'était hors de question parce que sa grand-mère lui aurait dit de ne jamais abandonner ?

–C'est ça, alors une nuit ou on avait gagné une bataille et que tout le monde s'était bourré la gueule, j'en ai profité pour me casser avec lui.

Après un petit silence, elle reprend :

–Rose, je voulais te remercier, de m'avoir dit maman, tu ne sais pas à quel point ça m'a fait plaisir d'être considéré comme une véritable femme.

Je lui réponds amusée :

–Parce que ce n'est pas le cas ?

Elle rigole et s'avance dans le vide :

–Bon, j'y vais ! Rose ! Fais en sorte de passer me voir au moins une fois, je te ferai visiter les plages à dos de cheval ! Et puis on ira en boite boire un verre ensemble !

–T'as pas besoin d'autant d'arguments pour me faire venir, tu le sais !

–Hey ! J'étais sûre d'une chose ! Que tu ne résisterais pas à l'appel de l'alcool !

–Tu as raison sur ce point !

–À bientôt Rose !

–À bientôt !

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