Le Somnium

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Taïba :

J'entends au loin des bruits de coup de feu qui se rapproche, je me prépare à accueillir ceux qui arrivent, je demande à Aziz :

–Qu'est-ce qu'on fait s'ils sont morts ?

–Ils sont toujours en vie.

–Comment peux-tu en être aussi sûr ?

–Je l'sais, c'est tout.

Gloriam qui surveille David et Shusendo ajoute :

–Ai confiance en eux.

Les coups de feu sont de plus en plus fort et plus nombreux :

–P'tain ! Mais combien sont-ils ?

–Désolé Cynthia, mais j'ai plus le choix.

Aziz se rapproche de la trappe qui est toujours inaccessible :

–Qu'est-ce que tu fais ?

–Je nous ouvre la voie.

Ses doigts métalliques s'étirent et deviennent aussi fins que du papier, ils passent entre les interstices. Aziz s'accroupit et tire de toutes ses forces, mais la trappe ne bouge pas d'un millimètre, il sert les dents et ses augmentations chauffent, la pluie qui atterrit sur lui part en fumée. La trappe ne veut toujours pas s'ouvrir, je vois tout son corps trembler, les augmentations des bras s'étirent tandis que celle des jambes se tassent, la trappe s'ouvre légèrement :

–Aller t'y es presque !

J'entends ses augmentations faire un drôle de bruits, la trappe s'ouvre d'un coup et en s'ouvrant les bras d'Aziz se disloque et pars au loin. Tandis que ses jambes partent en fumée, il essaie de se tenir en équilibre tant bien que mal, mais finit par tomber dans le trou :

–Merde !

Je me jette sur l'ouverture et vois Aziz couché par terre deux mètres plus bas :

–Ça va !?

Je l'entends respirer, c'est bon signe, il finit par me répondre le souffle court :

–Ça pourrait aller mieux.



Rose :

–On a frôlé la mort combien de fois aujourd'hui ?

J'entends les balles siffler, une frôle mon oreille et me provoque un acouphène, nous tournons à un croisement et nous voyons Taïba la tête plonger dans la trappe ouverte, Max gueule :

–Taïba !!! Dépêche-toi de faire descendre David et Shu !!!

Elle nous regarde et fonce aider Gloriam à faire passer nos deux blessés par le trou, en arrivant Cynthia lui demande :

–Où est Aziz ?

–En bas, et il n'est pas au meilleur de sa forme.

Je descends Cynthia et nous remarquons Aziz qui est assis contre un mur, ses augmentations sont en miette, il ne lui reste qu'un bras et encore, je me demande s'il peut s'en servir :

–Désolé Cynthia, j'ai utilisé de nouveau le mode berserk, alors que tu me l'avais interdit.

–Espèce de con, t'as vu dans quelle merde t'es !

–T'es pas la mieux placée pour me dire ça.

Taïba referme la trappe et nous dit :

–Ça ne les retiendra pas longtemps vus qu'on a forcé le verrou.

Aziz nous dit :

–Laissez-moi un flingue et partez, je vais les retenir.

Je lui dis :

–Tu rigoles on va pas te laisser ici !

–T'as déjà essayé de tirer quelqu'un qui fait le poids d'un âne mort ? Il faudrait que vous y mettiez tous les cinq, sauf que Cynthia est blessée et qu'on a deux comateux, je vais les retenir le temps que vous les mettiez à l'abri, ensuite, vous reviendrez me chercher.

Cynthia se rapproche d'Aziz :

–Il est hors de question que je t'abandonne, on va les retenir ensemble.

–Non ! Va dans le Somnium t'abriter !

Elle lui donne une violente gifle :

–Ta gueule ! C'est pas toi qui décides ! Je reste avec toi point !

Elle prend sa main valide et l'approche de son bras :

–Ensemble jusqu'à la mort ?

Ils se serrent mutuellement le bras :

–Ensemble jusqu'à la mort !

–Hey ! Vous n'oubliez pas quelqu'un ? Leur demande Taïba.

Elle se met à côté d'eux :

–On a commencé ce voyage tous les trois.

–C'est vrai, acquiesce Aziz.

Taïba se relève d'un coup et donne le sac bandoulière de tout à l'heure à Max :

–Max, on compte sur toi pour nous ramener sain et sauf.

–Tu me connais, je suis une épaule sur laquelle s'appuyer.

–Et quand on se reverra, tu arrêteras de dire des trucs bizarres.

–Tu peux toujours rêver.

–Filer l'accès aux Somnium est juste en bas.

Elle nous montre une immense porte ronde en pierre qui est quatre étages en dessous :

–Ok ! Rose, tu prends Shu et tu me suis avec Gloriam, je passe devant.

Il fonce vers les étages inférieurs, Gloriam prend David et le suit, je prends Shu et commence à partir quand Taïba me dit :

–Rose, si je ne reviens pas, je veux que tu dises à Claire que je l'aime.

Je refuse d'entendre ce qu'elle vient de me dire :

–Tu lui diras toi-même quand on rentrera tous ensemble.

Je fonce rejoindre Max, sur le chemin, nous croisons quelques cadavres abattus par lui, nous finissons par arriver au niveau de la porte. Max nous aide à passer et nous atterrissons dans le Somnium, j'ai une drôle de sensation en arrivant, quelque chose m'appelle. Je dépose Shusendo doucement dans un coin de la pièce, puis mon corps se dirige vers l'entrée. L'espace ressemble à une jungle paradisiaque ; bien que les couleurs restent inchangées au Somnium dont nous avons l'habitude. Un chemin mène à une butte où se situe à son sommet la boule noire qui se prénomme Père, à ses côtés se tiennent ses enfants qui sont confortablement allongés par terre, Adam m'accueille, irritée :

–On a bien failli attendre !

Père se tourne vers elle et la gronde :

–S'il te plait Adam, soit plus gentille avec mon invitée.

Eve lui dit un peu jaloux :

–Je ne comprends toujours pas pourquoi tu fais ça Père.

–Tu n'as pas besoin de comprendre pour l'instant Eve, accepte seulement mon choix.

Père se tourne finalement vers moi :

–Rose, es-tu prête à passer de l’humaine à la divine ?

J'entends des bruits de pas venir dans mon dos :

–Rose, qu'est-ce que tu fais ?

Max et Gloriam arrivent à mes côtés, en voyant cela Père demande :

–Mes enfants, j'ai besoin de parler seul à seul avec mon invitée, voulez-vous bien vous occupez des gêneurs.

Ils se lèvent en parfaite symétrie et répondent simultanément :

–Bien Père.

Ils se déplacent à une vitesse folle et attaquent Max et Gloriam, je n'ai pas le temps de réagir qu'ils sont déjà loin, Dieu continue :

–Alors Rose ? Ta décision ?

Pourquoi je deviendrai dieu ? Émile et Estelle m'attendent, il est hors de question que je passe ma vie ici, mais la curiosité me pousse à demander :

–Pourquoi moi d'abord !?

–Tu es la personne la plus à même de me remplacer, lumière et ombre qui sont en toi sont en parfaite harmonie, l'universalité de ton amour et enfin le plus important tes deux gardiens que tu as assimilés. Dieu a un corps, Dieu a un esprit, Dieu est amour, il ne cherche qu'à protéger, tu corresponds à ses critères de manière parfaite.

–C'est un peu léger comme condition.

–Détrompe-toi, cela est bien plus complexe qu'il n'y paraît. Des trois mille ans qui composent mon existence, tu n'es que la première. Après tout, pourquoi continuer à être humain, tous ses morts, pourquoi au final ? Pour ce qu'ils considèrent comme la meilleure solution, tuer ses confrères parce qu'ils sont différents, les réduire à l'état d'objet, car ils prient différemment une divinité dont ils ne saisissent même pas son essence ? Pourquoi as-tu voulu te suicider, était-ce vraiment par peur ? Où était-ce parce que tu ne te reconnaissais pas comme étant l'une de tes compères ?

–Tu ne me connais pas, j'ai affronté bien pire que toi.

–Penses-tu réellement que je n'ai suivi aucun de tes faits et geste, tu es ma création Rose, je vous ai tous créés et toi, tu en es la synthèse. Tous tes combats étaient des tests, la quintessence de ma haine, j'ai tout contrôlé pour que tu puisses me rejoindre et t'asseoir là où est ta véritable place, celle d'un dieu. As-tu décidé Rose ? Veux-tu devenir dieu ?

Je fais apparaître ma hache, bien décidée à partir de cet endroit :

–Il est hors de question que je devienne Dieu !

Ses yeux bougent de gauche à droite pour signifier sa désapprobation :

–Tu me déçois encore une fois, je le savais déjà, tu avais déjà décidé de me tuer bien avant notre rencontre. Tout a déjà été écrit, il hausse le ton et me hurle en colère, tu n'es finalement qu'une misérable pantin entre mes doigts ! Tu ne vaux absolument rien ! Tu n'es rien de plus qu'une pauvre petite fille craintive qui a une peur bleue de la vie !

Je reste de marbre face à ses moqueries, ses insultes ne me font rien, Père m'a dit deux vérités, mais je sais ce que je vaux maintenant et je n'ai plus peur de la vie. C'est pas Père qui se prend pour dieu qui sait si bien parler qui va me dire ce que je dois faire, voyant que je ne réagis pas Père m'annonce :

–Dans ce cas, tu ne me laisses pas le choix, tu devras reposer ici pour l'éternité !

L'espace redevient plat, les ombres affluent autour de Père et forme une sorte de deuxième peau, je réponds à sa menace :

–C'est toi qui vas crever ici ! Tu n'es pas Dieu ! Personne ne peut prétendre à l'être !

–Alors prouve-le-moi, tue dieu avec toute la haine que tu as en toi !

Je fonce vers Père et donne un coup de hache :

–Il est hors de question que je te fasse plaisir ! Je n'ai pas besoin de ma haine pour avancer ! J'ai quelque chose de bien plus puissant !

Ses ombres essayent de me repousser, mais n'y arrivent pas, aucun de nous deux ne prend l'avantage :

–Et qu'est-ce donc ? L'amour ?

Sa question me fait sourire, je lui réponds sarcastique :

–Qui sait !? En tant que Dieu, tu es censé le savoir ! Non !?

Nous nous repoussons mutuellement, Dieu se met à rire :

–Ah ah ah ! Enfin une variable. Voyons ce que vaut ton pouvoir face à ma perfection, je suis parfait sous tous les angles.

Je me jette sur lui en disant :

–Parfait, mais pas invincible !

Il me repousse :

–Penses-tu m'avoir uniquement comme cela ?!

–C’est ce qu’on va voir ! (Gloriam ! Aide-moi !)

Gloriam sort de mon ombre et se jette sur Père, je recule et me prépare à attaquer de nouveau, mais j'aperçois Père diminué en diamètre et des pics surgir tout autour de lui. Puis je remarque Gloriam qui est empalé sur plusieurs de ses aiguilles, les pointes se rétractent et laissent tomber mollement Gloriam à terre, je me jette sur son corps tandis que Père reprend sa taille initiale :

–Gloriam !

Ses deux yeux rouges inexpressifs me fixe et il me susurre chevrotant :

–Rose, je ne me sens pas très bien, je crois.

Je sens les larmes pointer le bout de leur nez :

–Aller, ce n'est rien, tu vas t'en sortir !

Ses yeux rouges se mettent à fixer le vide et son corps disparaît dans mes bras :

–Gloriam !!!

–Pathétique ! Elle vous abandonne, comme elle a abandonné ses enfants. Elle a payé pour ses erreurs passées.

Il ne cherche qu'à t'énerver Rose, exactement comme tout à l'heure, ne rentre pas dans son jeu, je me relève, la hache à la main, prête à en découdre. Je fonce sur lui et mets toutes mes forces dans le coup que je m'apprête à abattre, toutes les ombres s'agglutinent au point d'impact, ma hache est à peine ralentie et transperce de part en part Père. Mon cœur ne me fait pas mal, j'ai l'impression qu'il est comme libre, Père s'ouvre en deux et une personne tombe vers moi, je le retiens, il ressemble trait pour trait à Gloriam, il me dit :

–Enfin, toutes mes félicitations… Tu viens de tuer Dieu, son visage ressemble à celui d’Ai maintenant.

–Non, tu n'es pas dieu, tu es comme moi, deux simples personnes qui ont leurs propres idées de la justice, agissant par peur qui s'est transformé en haine et tout ça pour quoi ? je sens des larmes glisser le long de ma joue, rejoignant celle de Père. J'ai perdu une amie à qui je tenais, j'ai vu mon meilleur ami se retourner contre moi, j'ai blessé les personnes qui me sont chères, et pourtant ceux qui tiennent à moi, m'ont pardonné, j'ai accepté cette haine, alors je te pardonne Père. j'enlace Père.

–Si… tu le dis. J'ai vu tant de choses que vous, humain, ne pourriez pas imaginer, Père se libère de mon entrave et se retrouve avec les traits de Ken.

–De l'apprivoisement du feu jusqu'à aujourd'hui, tant de guerre qui ont éteint d'innombrables vies, il a du mal à rester debout et s'effondre en prenant le visage d’Aziz.

–J'ai vu des levers de soleil tellement éblouissant qu'ils ont annihilé des villes, maintenant à genoux devant moi, il lève les yeux vers moi, le visage ressemble à celui de Lise et dans ses yeux, je vois poindre des larmes.

–Tout cela uniquement à cause de la folie humaine, tous ces moments se perdront dans l'oubli, comme des larmes sous la pluie, il est temps de disparaître. Il disparaît lentement, je vois maintenant mon visage.

–Ce monde disparaîtra avec nous.

Père a complètement disparu, maintenant, c'est terminé, je m'agenouille, soulagée et exténuée, mon répit est de cours instant quand j'entends hurler :

–Père !!! Non !!!

Eve se précipite sur moi. Je me relève en sursaut et me prépare à me défendre, il fonce droit sur ma hache, que je tiens encore fermement dans ma main et s'empale dessus. Il était tellement aveuglé par la colère qu'il ne faisait pas attention à ce que je faisais. À présent, Eve gît sur le sol. Quant à moi, abasourdie, je ne réagis pas. En contrebas, le combat entre Max et Adam fait rage. Lorsqu’elle voit son frère gisant au sol, elle donne un violent coup à Max qui l'envoie voler au loin, puis fonce au chevet d'Eve, tandis que moi, je fonce voir Max. Il est salement amoché. Je le prends alors dans mes bras et mets ma tête au niveau de sa cage thoracique pour vérifier que son cœur bat toujours :

–Max ! Max ! Dit quelque chose ! J't'en supplie !

J'entends un râle :

–Mon cœur est de l'autre côté, Rose.

Je relève la tête, je suis à sa gauche :

–Putain, tu m'as fait peur !

–Rose, tu penses que je peux arrêter de marcher trente secondes ?

J'acquiesce :

–Repose-toi, je m'occupe du reste.

J'entends Adam hurler :

–Eve ! Eve ! Réponds-moi !

Le corps d'Eve disparaît. Adam se relève en poussant un cri inhumain. Je me rapproche doucement d'elle, tandis qu’elle me regarde de ses deux yeux rouges, comme si elle me foudroyait du regard :

–Enfoirée, tu l'as tué ! Tu as tué mon frère ! Père nous avait prévenus, mais tu as quand même osé lever la main sur eux ! Et selon Père, je serais la prochaine de ton carnage. Mais cela n'arrivera pas ! Je te tuerai la première !

Je n'avais rien contre Père et Eve, je n'ai fait que me défendre, je suis beaucoup trop fatigué pour commencer un énième combat et j'ai déjà fait trop de victimes. Je n'ai aucune envie de combattre Adam et il faut absolument que je vienne en aide à Aziz, Cynthia et Taïba :

–Adam ! C'est terminé ! Nous ne sommes pas obligées d'en arriver là !

–Terminé !? Elle a un fou rire, on dirait une folle. Cela n'aura jamais de fin ! Cette injure ne restera pas impunie ! Après tout, c'est toi qui as tout commencé, c'est toi qui as décidé en première d'annihiler, TU AS TOUT PRIS ! Pris nos compagnons ! Pris notre endroit ! Pris mon Père ! Pris mon cher frère ! Mon seul et unique frère ! Toutes tes offenses sont au-delà de tout pardon !

Elle se jette sur moi :

–C'était mon frère ! Tu as tué mon frère !

Je me défends face aux assauts incessants d'Adam, qui ne fait que répéter :

–Mon frère ! Mon frère ! MON FRÈRE !

Elle est en transe. À ce moment précis, toute sa haine est dirigée contre moi. Elle réclame vengeance pour la disparition d'Eve, elle veut me voir morte. Je ne peux pas mourir, pas maintenant ! Je veux les revoir. J'affronte alors les assauts d'Adam. Nous sommes à force égalent. Les coups pleuvent et ne s'arrêtent pas. Alors que le combat bat son plein, j'arrive à la repousser de quelques mètres, avant qu’elle prenne de l'élan et fonce droit sur moi. La voyant arriver à pleine vitesse, je mets ma hache devant moi, prête à l'abattre au dernier moment. Tout se joue sur cet instant. Lorsqu’elle arrive à quelques centimètres de moi, prête à me tuer, j'abats ma hache verticalement. Alors, son corps s'arrête net. Je vois une goutte de sang perler de mon front et glisser sur l'arête de mon nez. Une seconde plus tard et j'étais morte. Soudain, l'ombre se sépare en deux, et Adam dit, dans un dernier râle :

–Mon… Frère.

–Je suis vraiment désolée Adam.

La carcasse de l'ombre ne disparaît pas, elle reste là, je n'ai pas le temps de comprendre quoique ce soit, que l'ombre semble aspirée l'espace ; toutes les couleurs afflue dans le cadavre, elle finit par tout aspirée et laisse un espace blanc éclatant, le corps de l'ombre qu'était Adam s'élève, se tord et finit par disparaître dans un éclat blanc tellement intense qu'il m'aveugle.

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