Les Dieux Gardiens (2)

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Maintenant que sa voix n'est plus altérée par les ondes, je la reconnais :

–Non… James ?

Il se rapproche en laissant au moins deux mètres de distance, je vois précisément son visage qui n'a pas changé ; mis à part une barbe bien fournie qui s'est ajoutée à son visage, il me fixe du regard avec un faux sourire :

–Rose, tu te souviens encore de moi ? J'en suis honoré.

–Qu'est-ce que tu fais là ?

–Tu oses me demander ça, alors que vous avez mis tous les noms des Dieux Gardiens en tête d'affiche !?

–Tu en fais partie ?

Un sourire amer se dessine maintenant sur son visage :

–Mon père en faisait partie ! Et avec votre message ! La colère se lit dans sa voix, Votre putain de message ! Des personnes l'ont traîné dehors et ils l'ont tué devant moi !

–J'en suis désolée.

Il continue en vociférant :

–Oh ça tu peux l'être ! Vous avez déclenché la fin de l'humanité !

–Quoi ?

–Ses crétins ! À peine votre message terminé, ils pensent déjà à faire la guerre ! Les Dieux Gardiens étaient là pour empêcher cela, mais nous avons échoué, à cause de vous !

–Comment ça ?

Il se calme légèrement et me demande :

–En gros, c'est grâce à nous que la seconde guerre mondiale c'est arrêter le 10 février 1945, juste avant que le projet Manhattan ne soit finie et qu’ils aient l’idée de réduire le monde à feu et à sang par la bombe atomique. Les personnes à l’origine de tout cela se sont alliée pour arrêter ce carnage.

Max lui demande :

–Ils ont arrêté la guerre, ça ne suffisait pas ? Pourquoi avoir mis en place cette guerre froide ?

–Ils ne sont pas fous, ils savaient très bien que cette paix n'allait pas durer, les deux blocs étaient en équilibre, mais ils voulaient toujours plus. Ils ont alors eu l'idée de détruire de l'intérieur les deux camps, faire en sorte que chaque pays ait un poids. Sans aucune superpuissance pour diriger le monde et dire vers où il doit aller, le monde était dans un parfait équilibre, personne ne se faisait la guerre. Avec la manipulation de l'information, nous faisions en sorte que tout le monde ait peur de son voisin et ne veulent pas l'approcher ; sans échange, ils ne jalousaient pas leurs richesses et ne cherchaient pas à les voler. Cela fait treize ans maintenant qu'on a fini de rendre ce monde équilibré et vous avez tout gâché.

–Et cette histoire de normalisation ?

–Si tout le monde se ressemble, aucune animosité ne peut exister.

Je lui dis :

–C'est faux ! La différence est bien là ! Tu n'as jamais voulu ouvrir les yeux, mais elle est là-devant toi !

Il me tend la main :

–Alors devenez normal et soyez heureux.

–Normal ? C'est quoi être normal ? C'est même pas un mot ! Sais-tu à quel point votre connerie de normalité exacerbée nous a fait souffrir ? Tu n'as pas le droit de décider ce qui doit nous rendre heureux, nous trouverons nous même notre propre bonheur et ce n'est pas vous qui dicterez comment l'être.

Il baisse son bras :

–Hein ?

–J'ai voulu me tuer James ! Parce que j'avais peur ! Peur de ne pas appartenir à ton putain de monde normal ! Parce que je ne connaissais aucune autre possibilité que la mort ! C'est ça ton monde parfait ? C'est ça le paradis sur terre ? Un monde où ceux qui sont "différents" selon votre normalité, se font marginaliser et se suicide ?

Il me répond froidement :

–C'était un sacrifice nécessaire, pour que la paix perdure dans le monde.

–Regarde ce qu'il est devenu !

–Et toi, tu aurais fait quoi à leur place ? Laisser la guerre continuer ? Laisser les deux blocs créer des bombes atomiques de plus en plus grandes et dangereuses ? Les laisser faire une troisième guerre mondiale ? Le monde s'en serait retrouvé changé à jamais, la place au doute n'était pas permis, aujourd'hui encore la bien-pensance n'est pas d'actualité.

–Je veux un monde qui nous laisse le choix, on a qu'une seule vie et il est hors de question qu'elle soit déterminer par vous ; chaque vie humaine vaut autant qu'une autre, nous voulons d'un monde qui évolue.

–Tu crois vraiment ce que tu dis ? Depuis toujours il ne font que répéter les mêmes erreurs, ils disent qu'ils vont changer et ils oublient ce qui s'est passé, ils ne prennent jamais en compte l'Histoire de notre monde. Ils créent des armes toujours plus meurtrières et destructrices et cela s'arrêtera quand ? Réfléchis-y, que se passera-t-il une fois que vous aurez tué les Dieux Gardiens, serais-tu prête à reprendre les armes et à les tourner vers ceux que tu considérais comme tes alliés ?

Son discours ne rend ma détermination que plus forte :

–J'y suis préparée. J'ai fait mon choix James, je suis un être humain ! Personne n'a le droit de déterminer la vie d'une autre personne et nous avons tous le choix, la voie en laquelle nous voulons croire est celle d'un monde meilleur.

–Vous vous croyez supérieur à tout cela ? Tu n'es pas une garantie valable, tu feras comme tout le monde, tu oublieras, tu n'es pas une sainte. Toi comme tes amis

–Nous ferons ce qui nous semble juste.

–Juste ? Effacer la reine d'Angleterre qui avait le même âge que nous, c'était juste ? Effacer l'inventeur des prothèses robotiques, c'était juste ? Effacer le plus éminent scientifique du siècle, c'était juste ? Empêcher la guerre coûte que coûte, ce n'est pas juste ?

Je lui rétorque :

–Et provoquer une guerre civile avec des enfants comme bouclier, c'était juste !? Tu crois vraiment que quoique ce soit bougeras en se dédouanant, moi peu importe ce que j'ai fais, je pourrais toujours me regarder dans le miroir à la fin.

Il prend une grande inspiration :

–Rose, tu es désespérante, cette comptine te seyait à merveille finalement, Rose du désastre, de décadence et du désespoir, dis-moi, toi qui es si sage, nous aurions donc tort ? Qui te dit que le monde ne choisirait pas ma vision plutôt que la tienne ? qui à tort ?

Il n'y a aucunement besoin de réfléchir à cette question :

–Nous aussi, nous avons tort…

Il sourit et avant qu'il ne prononce quoique ce soit, je continue :

–Et toi aussi, nous nous affrontons sur deux visions du monde qui sont incompatibles, ce ne sont que la même face d'une seule et unique pièce qu'on lance encore et encore et encore, espérant que le résultat change.

–Où est la Rose que je connaissais ? Celle qui était craintive ? Celle qui était apeurée ? Tu l'as effacée ?

–Mais la vraie Rose est devant toi, tu n'as simplement jamais posé un regard sur moi, laisse-moi te faire des présentations en bonne et due forme. Je suis Rose Adunato Familia ! Je suis la Phénix ! Et j'aime Émile et Estelle ! Si tu penses vraiment que votre combat est plus juste que la nôtre, alors tue-moi !

Il sourit jusqu'aux oreilles :

–Tu t'entends aux moins ? Je me demande ce qu'ils diraient en entendant cela.

–Je leur ai déjà dit, à moins que tu ne parles de tous nos fans ? Je m'en fiche complètement, je vis ma vie comme je l'entends, et eux aussi, ils le peuvent.

–Comment ?

Cynthia répond :

–En leur montrant l'exemple.

Elle lui montre une caméra reliée par des câbles qui sont branchés à une sorte de console au niveau d'une petite tour de contrôle :

–Depuis tout à l'heure, notre conversation est retransmise au monde entier, qu'est-ce que t'en dit ?

Je cligne des yeux et entends un coup de feu, quand j'ouvre les paupières, Cynthia est à terre, elle se tient le ventre, Max se jette à ses côtés et presse la plaie, du sang coule entre leur doigt. Je me tourne vers James qui tient un pistolet, les dents serrées par la rage :

–Je commence à en avoir marre de ces débats philosophiques et de vous !

Je vois au loin une série d'hélicoptères, James en entendant le bruit des moteurs nous dit :

–Voilà les renforts, finalement le chantage à l'explosion a mieux marché que prévu, je devais vous retenir suffisamment longtemps et j'ai réussi, je vous laisse cinq secondes pour faire vos adieux.

Je regarde Max qui commence à relever Cynthia. Je l'aide puis nous nous regardons tous les deux et nous hochons la tête ensemble, nous devons nous enfuir dans le Somnium, nous descendons la cage d'escalier sous les coups de feux de James ; heureusement pour nous, ce n'est pas un bon tireur et il n'est pas assez fou pour nous suivre seul, je regarde Cynthia qui serre les dents :

–Ça va aller ?

Elle me répond en souffrant :

–Ouais, c'est pas mortel, j'ai juste l'impression que je vais vomir mes tripes, mais ça va.

Nous gardons l'allure, il faut vite rejoindre les autres avant l'arrivée des renforts.

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