La rue (2)

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Max :

Le policier m'invite à le suivre dans un couloir sombre et poussiéreux, il faut croire qu'ils n'ont aucune connaissance des produits ménagers ; même si je me doute que la paresse en soit la plus grande cause au vu de l'état de cet endroit. Il m'ouvre une porte usée par des années de travail acharné en me disant sèchement :

–Il est ici !

En rentrant dans la salle d'interrogatoire, je vois mon frère assis sur une chaise en métal dont les pieds ont été lourdement attaqués par la rouille. Son visage est rougi par la douleur, un œil au beurre noir et une bosse se sont ajoutés à son visage. De son nez cassé ressortent deux mèches desquelles son sang coule sur la table. Quand il entrouvre la bouche pour parler, j’aperçois, en plus de tout ça, plusieurs dents cassées. Je ne suis même plus étonné, je m'en doutais que je le retrouverais dans cet état. Je m'approche de lui en demandant gentiment :

–Mon pauvre, qu'est-ce qu'ils t'ont fait ?

–C'est lui qui nous a agressé en premier !

Le policier me dit ça avec un large rictus sur les lèvres. Ils n'essayent même plus de cacher leurs mensonges. Je sais que nous sommes dans un État totalitaire, je sais pertinemment que leurs actions ne leur retomberont jamais dessus. Cette haine que nous ressentons, mes frères et sœurs, a-t-elle un sens, quand on voit qu'ils n'hésite même plus à se camoufler en casseur durant des manifestations pour leur donner raison, qu’ils cassent la gueule des manifestations non-violente. Pouvons-nous seulement combattre cette autorité  ? Leur autorité n'avait déjà pas beaucoup de sens à la base, là, elle n'en a plus du tout, dire que les gardiens de la paix qui doivent protéger les civils les écrasent sans aucune vergogne. Je pose une main chaleureuse sur l'épaule de mon frère. Je jure de retrouver ceux qui t'ont fait ça et de leur faire amèrement regretter leurs gestes, entre mourir et être violent, nous seront violents ! Tandis que je l’aide à se relever, en faisant attention à ne pas trop le secouer, je passe le bras de David derrière mon cou et lui dit en feignants la joie :

–Allez, viens, on rentre à la maison.

Je sens sa main se serrer contre la mienne et ressens son envie brûlante de détruire cet endroit à travers ses yeux flamboyants. Moi aussi j'ai envie de tout annihiler, je veux que ceux qui t'ont fait cela craignent pour leur vie, mais nous ne pouvons pas, pas aujourd'hui en tout cas. Je tente de le calmer comme je peux :

–Cynthia va te retaper, ça ne sera bientôt plus qu'un vulgaire cauchemar.

Je l'aide à avancer et commence à sortir de cette salle. Il a du mal à marcher, il boite ? Je jette un œil à ses jambes et constate qu’elles sont toutes les deux cassées. Quel monstre serait assez horrible pour faire cela à quelqu'un. Ils vont sortir quelle excuse encore ? Dieu qui a dit que les hommes et les femmes n'ont pas le droit de porter les mêmes vêtements ? Je serre sa main pour qu'il me regarde et souffle dans son oreille ma haine de ses agresseurs :

–Mon frère ! Je te jure qu'un jour, on gagnera, ils ne pourront plus te faire de mal en restant impunis.

Nous arrivons à l'accueil tant bien que mal, laissant derrière nous une trace de sang, Rose se jette sur nous en voyant David :

–Mon Dieu ! Que t'ont-ils fait ?

Je lui réponds ce que m'a dit le policier, ce n'est pas le moment de faire de vague, il n'est pas encore l'heure, notre haine ne doit pas jaillir maintenant. Sachant que Rose tourne vite au quart de tour, même si James est son "ami" et que son père est le préfet, cela tournera au vinaigre si elle s'en mêle :

–Il s'est rebellé.

Choquée par mon ton froid, elle joint ses mains devant sa bouche :

–C'est impossible !

Je jette un œil à mon frère qui est en train de somnoler :

–Cynthia en est où ?

Elle regarde attentivement les blessures de David et me répond :

–On a été séparés, je ne peux pas te le dire.

Fait chier ! Nous allons devoir l'attendre, j'espère que ça ne sera pas trop long ; il vaut mieux que nous rentrions maintenant sachant qu'elle, comme Aziz, sont très certainement en pleins interrogatoires musclés à cause de cette foutue administration qui ne les a toujours pas naturalisés.



Taïba :

On m'emmène dans une salle d'interrogatoire tout ce qu'il y a de plus classique : une table simple avec deux chaises pourries et personne qui m'y attend. Je m'assieds sur la chaise rouillée devant le miroir sans tain et patiente, la porte s'ouvre deux minutes plus tard, une tête familière rentre, mon indic dans la police, parfait !

–Je suis l'officier Chabat ! Et vous êtes ?

Je lui réponds le sourire aux lèvres :

–Au commissariat !

–Vous êtes une comique vous !

–Je m'entraîne.

Il s'assoit devant moi et balance un dossier sur la table :

–Vous savez pourquoi on vous a demandé de venir ?

–Parce que je suis une citoyenne modèle ?

–On vous soupçonne de faire partie d'un gang.

–Ah bon !? Je n'en savais rien !

–Vous niez être impliqués dans une quelconque activité criminelle ?

–M'enfin ! Je suis une jeune femme fragile, pourquoi je me mettrai en danger ?

–Un asiatique plein aux as nous a assuré du contraire.

C'est donc pour ça, je lui fais signe pour demander si nous sommes écoutés en lui disant :

–Je connais que deux asiatiques et eux ne sont pas riches.

Il hoche la tête pour me dire que nous sommes bel et bien écoutés, puis il me montre de la tête le dossier :

–Pourtant, nos archives affirment que votre casier judiciaire est plutôt bien rempli !

–Malheureusement pour vous, vous vous adressez à la mauvaise personne.

Il glisse doucement le dossier vers moi :

–Vous pouvez vérifier.

Je l'ouvre et découvre un mot :

Le chef du lotus bleu n'a pas trop apprécié ton message et veut voir de ses yeux la cheffe des Démons morte.

Je lui dis :

–Impressionnant ! Et donc j'aurais fait tout ça ?

Il hausse les épaules :

–Je sais pas, c'est à vous de me le dire.

Je me lève en fermant le dossier :

–Je vous écouterai quand vous aurez de vrais arguments contre moi ! Vous ne me faites pas peur !

Je sors de la salle d'interrogatoire et Chabat me dit avant que je ne parte :

–Ne faites pas de bêtises si vous ne voulez pas vous faire arrêter.

Je lui fais OK avec mes doigts, j'ai bien compris le message, il va y avoir une guerre de gang et les flics ne seront pas de notre côté, je prends mon téléphone et appelle Jérôme :

–Oui ?

–Préviens les autres, les Chinois nous déclarent la guerre.

–Autres choses ?

–Dis-leur de se servir dans toutes les planques.

–C'est si grave ?

–Leur chef est ici et il n'est certainement pas venu seul.

–Je t'appelle quand on est prêt.

–Parfait !

Je raccroche, je vais avoir besoin de toute l'aide disponible.



Cynthia :

–Aziz ! Tu me le tiens fermement !

Il pose ses mains sur les épaules de David et hoche la tête :

–David, j'y vais à trois ! Trois !

Je replace son pied dans le bon sens, un horrible craquement s'ensuit, son hurlement de douleur est étouffé par le chiffon dans sa bouche. Je lui fais une petite attelle de fortune ; il n'en a pas besoin, mais au cas où, sait-on jamais. Je retourne à son visage pour vérifier si tous mes soins ont tenu, bon tout a l'air d'aller, il me regarde avec des yeux larmoyant pour savoir si tout va bien, je lui souris :

–Bientôt, il va falloir te faire de la chirurgie plastique pour retrouver ta petite gueule d'ange !

Il rigole, j'enlève le petit baluchon qu'il a dans la bouche :

–Par contre, je ne peux rien faire pour tes dents, il va falloir que tu voies un dentiste.

–Pas grave.

–Repose-toi pendant au minimum deux jours, et même après ne force pas trop sur ta jambe, fais-toi faire une radio pour savoir si t'as rien de grave, je verrai ce que je pourrai faire après.

–OK.

–Bon ! Aziz à ton tour maintenant !

Il pose son bras sur une table en me disant :

–J'ai des latences depuis que… Je l'ai tué.

Je vérifie les circuits et demande :

–Je t'avais dit de ne pas utiliser le mode Berserk.

–J'ai pas réfléchi avant d'agir.

Le mode Berserk chauffe les augmentations et les rend plus efficaces, le problème, c'est que les circuits n'aiment pas la chaleur intense. Certains liens ont été coupés, je sors mon fil pour les circuits et le soudeur :

–C'est pas grave, laisse tomber.

–… J'aurais jamais cru que ma vengeance serait aussi amère.

Je continue de souder les liens en disant :

–Hum hum !

–Savoir que je n'ai plus d'objectifs… Fait peur. Ma raison d'avancer n'existe plus, je n'ai plus de famille, qu'est-ce qui me reste à part la solitude ?

Je m'apprête à lui remonter les bretelles quand Rose me devance :

–C'est faux !

Je me retourne, elle a laissé tomber des serviettes, c'est vrai que je lui avais demandée d'en ramener des propres, j'avais complètement oublié :

–Tu n'es pas seul !

Elle fonce vers lui telle une furie :

–Tu nous as nous !

–Je ne suis plus rien.

Elle lui donne une gifle et ç'a fait un de ses bruits :

–Tu es Aziz !

Elle prend sa tête dans ses bras et la colle contre sa poitrine. Je sens la jalousie montée en moi, je veux tenir moi aussi un homme comme ça et ensuite le sentir glisser… euh non ! C'est pas le moment pour des pensées lubriques ! Reconcentre-toi Cynthia !

–On est ta famille ! Peu importe ton nom, d'où tu viens et ce que tu es.

Je m'insurge :

–Hey ! Mais ce sont mes mots !

–Ah bon !? T'es sûre ?

J'entends Aziz ricaner, c'est bon signe, je retourne à la maintenance du bras, j'aurais pensé que le mode Berserk aurait largement plus endommagé ses augmentations, mais heureusement, il n'en est rien, je referme le circuit et demande :

–Ça va mieux comme ça ?

Aziz dégage sa tête de l'étreinte de Rose, regarde sa main et fait jouer ses doigts :

–Parfait, il reste l'autre bras et c'est bon.

Il me présente l'autre augmentation, je fais exactement la même chose. Rose qui s'est rendu compte qu'elle avait fait tomber les serviettes me demande :

–Euh, tu avais demandé les serviettes pourquoi ?

Je lui dis sans détourner le regard de mon opération :

–Ils lui ont foutu de la lacrymo dans les yeux, badigeonne une serviette avec du lait et dépose-le sur son visage, ça va neutraliser l'acide, ensuite si tu peux essuyer le sang coagulé cela serait super.

–D'accord, je fais ça tout de suite !

Je mets quelques minutes à ressouder tous les circuits, je referme le tout :

–Ça devrait être bon, utilise-les au minimum de leurs performances jusqu'à demain matin, sinon tu risques de ruiner la réparation. Et je te jure que je ne te ferai aucun cadeau si je dois refaire ça demain ! C'est compris ?

–Bien compris.

Je me retourne en demandant à Rose :

–T'en est où Rose ?

–J'ai déjà fini.

Déjà ? Je me lève et vérifie le travail, c'est nickel, je n'aurais pas fait mieux :

–Tu ferais une super assistante médicale !

–Merci !

La porte s'ouvre sur Taïba qui me dit :

–Je vais avoir besoin de toi Cynthia !

–Pourquoi ?

–On nous déclare la guerre ! Je risque d'avoir besoin de tes compétences de soins ! Elle tourne le regard vers Aziz, et j'aurais besoin aussi de toi.

Je la coupe :

–Non !

–Mais !

–Tss ! Chut ! Tatata ! Je ne veux rien entendre !

Aziz explique à Taïba :

–Elle me tuera si elle doit de nouveau réparer mes augmentations.

Elle peste :

–Merde ! C'était pas le moment !

Je lui demande :

–Ça se présente si mal ?

–Ils ont déjà commencé !



Max :

Je dépose mes deux sacs pleins à craquer devant le groupe, tous sont prêts à prendre les armes, ce Lotus Bleu nous a lancé une attaque désespérée, il est grand temps d’en finir avec eux, je leur ordonne :

–Servez-vous ! Soyez tous armés jusqu'aux dents !

Je me tourne vers Jérôme en prenant mon masque en plastique bas de gamme :

–Tu as fait les groupes J ?

Il vérifie un uzi et me répond tout en ayant une cigarette entre les dents :

–Ceux qui ne veulent pas se salir les mains sont en soutien et récupéreront les blessés comme d'habitude.

Je mets mon masque, il est temps que les Démons détruisent ses salopards :

–Bien ! Je me tourne vers le groupe qui s'est armé et ont mis leurs masques, ce soir ! Nous allons montrer qui commande ici ! Abattez sans pitié ni foi les envahisseurs ! Nous allons frapper vite et fort !

Une personne dans le groupe lève la main en demandant :

–Un nouveau Raid Rouge ?

Cela me fait sourire, un frisson me parcourt l’échine rien qu'à l'entendre, mais cette fois-ci c’est une autre paire de manche :

–Exactement ! Ils vont apprendre ce que c'est de réveiller les Démons qui dorment.



Rose :

–Pourquoi suis-je là déjà ?

Cynthia me répond :

–Parce que David et Aziz sont HS, que Shusendo ne peut pas se mettre en danger à cause de Ai, que Gloriam est trop maladroit pour nous aider et que tu étais la dernière personne de disponible pour être mon assistante, je continue ?

Nous rentrons dans le bâtiment où se situe le bureau d'Inaya, qui est vide. Cynthia pousse la porte du fond et nous rentrons dans une salle aseptisée avec beaucoup de matériel médical, il y a une dizaine de personnes qui s'affairent autour de plusieurs blessés, je demande :

–C'est un centre médical clandestin ?

–Ouais ! Tu sais, à cause de connards qui pensent que notre corps ne nous appartient pas, car on peut donner la vie, on est obligé de pratiquer l'IVG clandestinement.

–Ouais, je sais, l'une des raisons de pourquoi j'ai peur de tomber enceinte.

–Le pire, c'est que ceux qui ont décidé cela sont tous des hommes, des bites ont décidé à la place des femmes ce qu'elles devaient faire de leur corps.

Inaya vient à notre rencontre :

–Parfait ! On vous attendait, on a des blessés graves à opérer tout de suite !

Cynthia lui demande :

–Où !?

Elles courent vers une table d'opération, Cynthia inspecte le blessé, elle ordonne :

–Il va me falloir du sang, de la morphine et des gants !

Trois personnes lui apportent ce qu'elle a demandé en quelques secondes, elle enfile les gants et prend une fine pince et l'insère dans la plaie, la personne hurle de douleur à ce moment-là :

–Inaya ! Trois milligrammes de morphine sous cutanée !

Inaya sort une seringue et la remplit, elle prend le bras du patient et injecte le contenu, le blessé se calme en quelques secondes. Cynthia retire une balle avec la pince et la dépose dans une coupelle :

–Fil de suture !

Nous lui donnons ce qu'elle demande, j'ai l'impression de voir une émission sur les urgences, sauf que là, je suis au premier loge. Elle recoud la plaie à une vitesse folle, Cynthia finie en faisant un petit nœud et dit :

–C'est bon pour lui ! Mettez un bandage et allongez-le autre part !

Deux personnes s'en occupent, Cynthia se jette sur un autre blessé grave :

–La soirée ne fait que commencer ! On ne baisse pas le rythme !

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