Drame familial

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Je suis seule dans l'immeuble pour l'instant, ils avaient tous quelque chose à faire, remarque vu comment nous avons bu et mangé ses derniers jours c'est normal. Je m'assois tranquillement sur le fauteuil et part à la recherche de cible sur internet. Au bout d'une heure, quelqu'un toque à la porte :

–J'arrive !

J'ouvre la porte, une grande femme noire bien habillée se tient devant moi, ses cheveux bouclés sont attachés en chignon, portant un imper noir la recouvrant jusqu’à ses mollets me laissant voir des bottes en cuir noir ; elle ressemble drôlement à Aziz, elle me sourit, je lui demande hésitante :

–Euh… que voulez-vous ?

–Je suis sûre que tu reconnais ma voix.

J'écarquille les yeux, l'interlocutrice du fou a lié ! C’est donc elle sa mère ? Je glisse lentement ma main vers la poche de mon pantalon dans lequel j'ai mis ma bombe lacrymogène, elle me rassure en faisant signe de sa main :

–Ne te donne pas cette peine !

Je laisse tomber ma main le long de mon corps. Pourquoi je fais ce qu'elle dit ?

–Dis simplement à Aziz que je suis impatiente de le retrouver dans le plan sombre avec pour argument l'esclavagisme.

Elle part et je reste abasourdie par cette visite, qu'est-ce qui s'est passé ? En plus elle connaît le Somnium ! Que voulait-elle vraiment ? Je finis par fermer la porte et m'assied sur le canapé. J'attends fermement leur retour, le regard perdu dans le vide. Ils arrivent tous en même temps, Max me demande :

–Quelque chose ne va pas Rose ?

–On a une nouvelle cible.

–Pourquoi ne nous as-tu pas prévenus ?

–C'est elle qui est venue jusqu'à nous.

–Comment ça ?

–Elle avait un message. Il est pour toi Aziz, elle a dit "Je suis impatiente de te retrouver dans le plan sombre avec comme désir l'esclavagisme".

Il me demande, surpris :

–Vars est venu ici ?

Je souffle :

–Oui.

–On est clairement attendus, il ne faudrait pas la faire attendre.

Cynthia nous dit :

–Je vais pirater tous les écrans de la ville, elle va recevoir notre message.

–Tu seras prête dans combien de temps ?

–Comme la dernière fois, dans une heure environ.



Fatou :

J’attends patiemment dans ma voiture de fonction, je dois bien avouer que pirater les écrans de la ville est des plus surprenants. Ma foi, être sur le devant de la scène n’est point pour me déplaire. J'écoute attentivement leurs messages qui se finit sur :

–Nous sommes les ombres ! Nous sommes les sept péchés capitaux !

Aziz, tu as bien changé physiquement, arriveras-tu à me surpasser ? J'ai tellement de chose à te dire et si peu de temps. Es-tu encore un esclave de la haine comme moi ? As-tu réussi à t’échapper de ce cycle ? Il faut à tout pris qu’ils ne se doutent de rien, je suis sur écoute, il faut que je paraisse inébranlable.

–Vous n'avez pas perdu votre temps, parfait ! Je déteste attendre…



Rose :

Nous atterrissons dans le Somnium. L'espace est juste horrible. Le sol est recouvert de cadavres d'ombres agglutinés les unes sur les autres. Je ne peux même pas les dénombrer tellement il y en a, elles sont omniprésentes. Le tout ressemble au chemin des dames mélangé à une grande plaine désertique vallonnée. Je demande :

–On doit s'attendre à quoi ?

Aziz me répond :

–À rien, elle va surtout jouer avec notre mental. C'est quand on va la voir qu'il faudra faire attention.

Nous dépassons une dune et en contrebas, il y a un petit campement où nous attend notre cible. Elle sirote une boisson chaude dans une tasse, dès qu'on arrive à portée de voix elle nous dit :

–J'ai bien failli attendre. Ça ne se fait pas de faire patienter ta mère Aziz.

–Je t'interdis d'utiliser ce mot-là ! Aziz sert les dents. Tu m'as abandonné ! Tu ne mérites pas de te faire appeler ainsi !

–Cette sorcière t'a très mal élevé !

–Bahiya a été une meilleure mère pour moi que tu ne l'aurais jamais été !

Elle se lève d'un bond :

–Petit ingrat ! Tu aurais dû mourir ! Qu'un bliksem comme toi vive encore est plus qu'un miracle ! Tu as juste eu de la chance que cette sorcière vive en ermite !

–Parce que tu crois que ç'a arrêté les gens !? Toutes les insultes !? J'étais haï par tous les superstitieux ! Mamie était la seule à m'aimer !

–Aussi têtu qu'elle. Vous êtes pareil !

Max interrompt ses joyeuses retrouvailles :

–Pourquoi nous avoir invités ?

Fatou se rassoit :

–Vous n'êtes pas sans savoir que vos effacements font couler beaucoup d'encre, depuis que vous avez effacé des personnes comme Hugh et Ken, le groupe pour lequel je travaille veux vous voir mort.

Taïba lui demande :

–Et comment s'appelle ce groupe ?

Elle se met à rire :

–Si je le savais ! On me paye suffisamment pour que je fasse tout ce qu'on me dit de faire et que je ne pose aucune question.

Cynthia lui dit :

–Une parfaite mercenaire en somme.

Elle finit sa tasse :

–Bon c'est pas tout ça ! Mais j'ai une mission à accomplir !

Elle se lève :

–Vous avez réussi à ébranler leur organisation, j'avoue que c'est impressionnant, mais maintenant ils veulent vous voir morts !

Elle retire son imper, laissant apparaître son uniforme militaire. Fatou porte un marcel laissant à nu ses bras musclés. Avec, elle porte son vieux treillis, qui nous laisse imaginer le nombre d'années passées à la guerre. Elle est tellement musclée que de loin, on pourrait la confondre avec Aziz. Son manteau retiré, elle prend la casquette posée sur la petite table et la fixe sur sa tête. Fatou fait ensuite apparaître deux couteaux dans ses mains et se met en garde, David est surpris :

–Elle sait créer des armes ?

–Que croyez-vous ?!

Elle s'est déplacée à une vitesse phénoménale et s'apprête à frapper David dans le dos. Fatou se fait arrêter par une balle, qu'elle esquive sans difficulté. C'est Max qui vient de tirer avec un pistolet, nous créons tous nos armes. Taïba se jette sur Fatou et elle se fait repousser comme si de rien n'était. Je vois Max frapper le sol ce qui crée une sorte de petite vague sous les pieds de Cynthia, elle se fait éjecter comme une fusée dans les airs. Elle s'apprête à s'écraser sur Fatou Poppy en avant. Pendant ce temps, Taïba, Aziz et David occupent la sergente, elle les pare et esquive sans problème, ça semble même l'amuser. J'attends de voir une ouverture pour pouvoir frapper, tout le monde s'écarte pour laisser la place à Cynthia et son marteau. Elle rentre en collision avec Fatou, c'est le moment ! Tout le monde a eu la même idée, nous nous apprêtons à frapper quand nous l'entendons dire :

–Vous ne m'aurez pas comme ça !

Les ombres tournent autour d'elle et nous repoussent violemment, le choc est tel que je tombe à terre :

–Il va vous en falloir plus que ça pour me battre !

Je me relève en m'appuyant sur ma hache, toutes les ombres tournent autour d'elle, il n'y a plus aucun corps. Le Somnium est vide et infinie comme à son habitude, les ombres fusionnent et se transforme en serpent géant, Fatou est à l'intérieur :

–Vous ne pouvez pas faire mieux ? Je suis déçu ! Gehoorsaam jou god !

Après qu'elle a dit ça, une sorte de vague nous atteint. J'ai l'impression de somnoler, mon esprit est comme embrouillé. Le serpent s'est rapproché d'Aziz ; sa voix n'est plus la même, À présent, c'est celle d'une vieille femme que j’entends :

–Aziz… C'est moi… Ta grand-mère !

Aziz est dans le même état que moi :

–Mamie ?

–Comme tu as grandi !

J'entends Gloriam nous demander :

–Les gars ? Qu'est-ce qui vous arrive ?!

Je tourne la tête vers lui, il n'a pas l'air mal en point, contrairement à nous.

–Ça me fait chaud au cœur de te revoir enfin… Approche, Aziz, viens voir ta grand-mère. Tu es seul depuis si longtemps. Tant de douleurs, de désespoir… À quoi bon rester en vie ?

Il se tétanise :

–Aziz ?

Puis, il finit par lâcher :

–C'est tout ?

–Hum ?

–Tu as fini de dire ce que tu voulais ?

–Aziz, ne parle pas comme ça à ta grand-mère !

–Tu vas te taire maintenant. Ensuite, je vais m'approcher avec précaution, tendre ma main vers ta poitrine et ARRACHER TON PUTAIN DE CŒUR !

La sensation de malaise s'estompe soudainement. D’un coup, je n'ai plus l'esprit embrumé et le serpent recule en rigolant. Pendant ce temps, les membres d'Aziz changent de forme, ils deviennent plus imposants. Une fois la transformation achevée, il se jette sur elle en lui hurlant :

–Mamie n'aurait jamais dit des choses pareilles ! Elle ne m'aurait jamais dit d'abandonner ! Jamais ! Elle m'a donné la force de supporter ce foutu corps monstrueux ! Sais-tu depuis combien de temps, je suis comme ça ? Depuis combien de temps, je me déteste ?

Le serpent est sonné par les assauts incessants d'Aziz, il commence à sortir son cœur, nous faisons pareil par mimétisme :

–Haine, dévore-nous !

La douleur est moins intense, je ne perds pas connaissance, mes yeux sont injectés de sang, je vois rouge. J'ai envie de tout détruire, toute la haine que j'ai accumulée se déverse sur le serpent, il se débat du mieux qu'il peut, mais nous sommes bien plus puissants. Tant de coups pleuvent sur lui, l'ombre ne résiste pas plus longtemps et disparaît. Je vois les autres reprendre leur apparence normale, j'essaie de faire de même, voir le corps allongé de cette femme qui organisait tous ses enlèvements me donne une envie monstrueuse de meurtre, son corps me semble si frêle de là d'où je suis. Cette haine tentaculaire est aussi profonde et ancienne que le monde. Je vais l'achever, il faut que je l'achève ! Elle doit mourir ! Je veux que plus aucune parcelle de son corps ne subsiste en ce monde. Je me rapproche pour lui porter le coup fatal quand Gloriam se met en travers de mon chemin, il me fixe simplement, il ne dit rien, il ne fait que me regarder. La colère en moi diminue jusqu'à devenir inexistante, je ne sais pas par quel miracle, mais je deviens parfaitement calme et finit par reprendre mon apparence normale. Gloriam fait de même en me disant :

–Ne t'en fais pas, c'est une question d'habitude.

Je hoche la tête, Aziz se tient devant Fatou, nous nous restons en arrière, il lui demande froidement :

–Comment as-tu su qu'on connaissait ce plan ?

Malgré le fait qu’elle est salement amoché, elle arrive encore à rire :

–Tu crois vraiment que je suis aveugle au point de ne pas reconnaître "le boucher du désert" ? En plus, Ken a eu largement le temps de faire votre description et de votre combat contre lui.

–Qui d'autre le sait ?

–Personne. Ils ne savent pas qui vous êtes... c'est pour ça qu'ils m'ont engagée.

–Que leur as-tu dit ?

–Rien, pour l'instant.

Il fait apparaître un pistolet et la vise, il va vraiment la tuer ? Il va tuer sa mère ?

–Un dernier mot avant de mourir ?

–Ma commanditaire s'appelle Lise Liddell, elle est dans ce groupe.

–Je te fais mes adieux sergent.

Son doigt commence à presser la détente, mon corps bouge tout seul et se met entre le pistolet et Fatou, Aziz ne laisse aucune émotion l'envahir :

–Que fais-tu ?

Est-ce vraiment la solution ?

–Tu vaux mieux que ça Aziz ! Ah quoi bon la tuer ? Pour obtenir ta "vengeance" ? Pour faire notre "boulot" ? En la tuant, tu deviens comme elle, voire pire ! On peut être meilleur que ça !

Il baisse son pistolet et me répond :

–Rose, nous faisons "ça" à chaque fois, penses-tu qu'il faut que ce soit maintenant que tu te remettes en question ? Juste parce que c'est ma mère ? Il y a une chose que tu dois savoir, c'est une soldate, un pion en somme. Un pion, s'il devient inutile, on le tue, elle ne parlera jamais quoiqu'il arrive.

Il se rapproche de moi et me dépasse :

–Et tu as tort sur une chose…

Je me retourne, il pointe de nouveau sa mère :

–Je ne deviendrai jamais comme elle.

Il appuie sur la détente et le corps disparaît. Je demande :

–C'était vraiment la seule solution ?

Max me répond :

–Ça ne sert à rien d'avoir des scrupules où de l'empathie, tes ennemis eux n'en auront pas.

Je lui réponds amère :

–Jusqu'à tuer sa propre famille ?

–C'est peut-être dur à comprendre pour toi, mais nous n'avons plus aucun lien avec notre ancienne famille, nous n'existons plus pour eux, me répond Taïba.

Cynthia ajoute :

–Je t'avais prévenue qu'on ne pouvait jamais sortir de ce cauchemar.

Une voix androgyne qui vient de derrière moi nous dit :

–Un cauchemar ? Intéressant.

Je me retourne, une boule noire avec deux ronds rouge, semblable à des yeux, lévite et se tient devant nous, je suis sur mes gardes et demande :

–Qui…

La boule noire me coupe en disant :

–Je m'appelle Père, je ne me rappelle pas vous avoir invité à entrer dans ma demeure, qui donc a osé vous faire entrer au paradis ?

Personne ne lui répond, ses yeux finissent par s'arrêter sur Gloriam :

–C'était donc toi ! Je ne m'attendais pas à ce que tu reviennes, espèce de couarde ! Surtout depuis que tu as rejeté Adam et Eve.

Il se défend :

–Mais je n'ai aucun souvenir de tout ça !

La boule noire se met devant lui et lui dit en colère :

–Alors c'est comme ça que tu remercies ton créateur !?

Gloriam s'écarte :

–Je ne sais pas qui tu es !

La boule lui tourne le dos et commence à partir en disant :

–Très bien, dans ce cas ne te présente plus jamais devant moi, ses yeux se tournent vers nous et s'arrêtent sur moi, j’ai l’impression que ses yeux ondulent, il cherche quelque chose ? C'est comme s’il me sondait. Ce message s'adresse à vous aussi ! Tenez-le pour dit : si jamais nos chemins venaient à se recroiser dans mon monde, je vous effacerais ! Tous ! Jusqu'aux derniers !

La boule noire disparaît devant nous, plusieurs secondes passes avant que nous ne disions quoi que ce soit et ce fut moi qui commence avec :

–Quoi ?

–On vient donc de voir ce fameux Père ?

David est nerveux en lâchant cette phrase, Max nous dit :

–J'aurais jamais cru voir une scène conjugale avec Gloriam dedans.

Cynthia qui se tient au côté d'Aziz nous dit :

–Les gars, on va y aller.

Ils sortent tous les deux en premier, Taïba les suit en nous disant :

–Ça ne sert à rien de traîner plus longtemps ici.

David, Shusendo et Gloriam les suivent, Max commence à partir, puis il s'arrête à quelques pas de la sortie et il me dit :

–Si tu veux arrêter Rose, tu peux, c'est pas grave, nous ne te demanderons jamais si tu veux nous suivre, c'est toi qui dois faire ce choix, mais tu seras toujours la bienvenue, quoiqu'il arrive.

Il finit par sortir, je sors quelques minutes après n'ayant rien d'autre à faire, la mer est reposante, je reste face à elle pendant plusieurs heures avant de rentrer à l'immeuble.

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