Plaisir (2)

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je suis réveillée par la voix de Claire :

–Rose ! Réveille-toi ! Rose ! Tu vas te réveiller merde !

Quelqu’un me pousse et je tombe sur le sol, la chute est abrupte et j'ai un énorme mal de crâne, Claire continue :

–T'as bu jusqu'à quelle heure au juste ?

–Chais plus, je crois qu'ils ont dit deux heures ou peut-être six.

–Il va être dix heures, lève-toi !

Je me recroqueville dans ma couette :

–Il est beaucoup trop tôt !

–Bon, j'ai compris !

Elle retire ma couette et ouvre le volet, la lumière du jour m'éblouit à travers mes paupières, j’ouvre lentement les yeux, Claire est au-dessus de moi et me dit :

–Tu vas avoir besoin d’une sacrée dose de café et d’une bonne douche aussi, tu empestes l’alcool.

Je lui dis en rampant jusqu'à la salle de bain :

–J’prends la douche d'abord.

–J’t’attend en bas.

J’enlève mes affaires de la veille et prend une bonne douche, ça me réveille et me met de bonne humeur. Je mets des vêtements propres et descend les étages, je retrouve Taïba, Gloriam et Claire dans le salon, Gloriam est en train de parler :

–Et tu vois elle ne me lâchait pas, au bout d'un moment, j'ai réussi à me subtiliser grâce à un oreiller long, là le… euh

Taïba suit sa pensée :

–Un traversin ?

–C'est ça et elle s'est frottée contre lui et a dit des choses bizarres, du genre "No i can't take it anymore ! " ou "You make me crazy !", elle voulait dire quoi ?

Taïba lui dit :

–J'pense qu'il vaut mieux pas que tu le saches, Shu l'a pervertie avec sa culture.

–Tu sais, après avoir lu les livres de Max sur la philosophie, plus rien ne me choque, donc…

–En fait, elle… fantasmait un rapport sexuel.

–Ah… c'est logique d'un coup.

J'arrive à leur niveau :

–Bonjour tout le monde.

Taïba me répond :

–Salut Rose, alors comme ça t'a essayé d'allumer David ?

J’ai fait quoi ?

–Quand ça ?

–Hier soir.

–j'm'en souviens pas.

–Tu devais être sacrément bourré alors, sache une chose, David n'aime pas du tout l'idée des rapports incestueux.

J'ai du mal à comprendre ce qu'elle veut me dire :

–J'suis pas sa sœur.

–Oh s'te plaît, tu fais partie de notre famille maintenant, les noms de famille ce ne sont que des détails sans importance.

Gloriam demande :

–D'ailleurs, est-ce que maintenant, je suis votre frère, sœur ?

–Bien sûr Gloriam, maintenant, tu portes le nom Adunato Familia, tu es Camille Adunato Familia, mon petit… non plutôt mon grand frère ou sœur… Froeur ? Nan c'est moche comme mélange, Sère ? Hum j'suis pas convaincu, faire du néologisme, c'est plus dur qu’on le croit.

Je demande :

–Attend, ton nom complet, c'est Taïba Adunato Familia ?

–Yep, comme tout le monde ici, sauf Shu, mais pour lui, c'est compliqué de changer de nom.

–Comment ça ?

–On a tous coupé les ponts avec notre passé et pour symboliser ce nouvel avenir, on a changé de noms, même si moi, je n'en avais pas avant.

Claire enlace Taïba de ses bras en se mettant derrière elle :

–C'était tellement bien dit, tu pourrais faire poétesse, tu sais ?

–C'était juste un truc que j'ai inventé en trente secondes, tu sais.

Claire se tourne vers moi :

–Ton café est prêt Rose, t'a plus qu'à boire.

–J'te remercie !

Je prends la tasse fumante et la glisse jusqu'à mes lèvres, le café est fort, mais pas imbuvable, Taïba me demande :

–T'aimes pas le café Rose ?

–Si pourquoi ?

–Pourquoi ta cette tête alors ?

J’ai une tête bizarre ?

–Quelle tête ?

–J'ai l'impression de voir quelqu'un qui déteste cette boisson, mais qui se force à boire.

J’essaye de me rassurer plus qu’autre chose en assurant :

–J'ai toujours fait cette tête.

Taïba me prend en photo pendant que je bois :

–Hey ! Mais qui t'a permis !

Elle me montre la photo :

–Regarde-toi, t'es trop mignonne !

Je scrute la photo et c'est vrai que la tête que je fais à quelque chose de mignon, Taïba retourne à son téléphone et pianote dessus, j’entends mon téléphone sonner, je regarde le message, Taïba à envoyer l’image au groupe, tout le monde réagit dessus, Max le premier :

–Regarder là, quelqu’un a fâché la petite Rose.

David lui répond :

–J’vous jure, c’est pas ma faute !

Shusendo lui me dit :

–Ai te trouve trop mignonne.

Aziz leur répond :

–Rose va bientôt arrêter de faire son caca nerveux, continue à prendre des photos !

Cynthia finit :

–Oui, fais-le, comme ça je vais pouvoir l’imprimer et en faire des peluches.

Je leur réponds un simple :

–Je vous merde !

Taïba me dit :

–Pour une fois que tout le monde te dit des mots gentils, tu pourrais les remercier.

–Je préférerais que ce ne soit pas eux qui me le dise.

–Quoi ?

–Laisse tomber, allez Claire, on va être en retard au boulot !

Je prends Claire par la main et sort en prenant mes affaires, Gloriam nous indique :

–Soyez rentré avant seize heures, pour l'anniversaire de Ai !

–OK ! Répond Claire.

Pourquoi j'ai dit ça ? J'aurais dû me taire, s'ils le découvraient ? Allez, calme-toi, ils ne savent pas de qui je parlais, Claire ne m'a absolument pas posée de questions sur mon comportement, sur le chemin du travail. Nous passons devant une garderie ou des enfants jouent dehors dans une cour clôturée. Je reconnais deux des surveillants, ils me font signe, c'est David et Estelle, je m'arrête d'un coup, ils se rapprochent, David me demande :

–Alors Rose ça va ? Pas trop la gueule de bois ?

–Non… Je… Qu'est-ce que vous faites ici ?!

–Il recherchait du monde pour garder les enfants et comme c'était un boulot que j'avais toujours eu envie de faire, j'ai sauté sur l'occasion, me répond simplement David.

Estelle, elle qui n'avait pas quitté des yeux David me répond :

–Mon père tient cette garderie. Maintenant, je comprends pourquoi tu étais si secrète sur ton déménagement, tu voulais garder tous ces mecs sexy rien que pour toi ?

David est gêné par le compliment, mais esquisse un petit sourire :

–Merci du compliment.

Estelle est comme obnubilé par lui et ça m'énerve, regarde-moi ! Je souris légèrement en lui disant :

–Tu as tout deviné !

Des enfants viennent vers nous en disant :

–David ! David ! Tu peux le refaire ?!

David se retourne vers eux :

–Encore ? Très bien, mais c'est la dernière fois, привет.

Les enfants pouffent de rires en répétant :

–Privet, privet !

Ils repartent comme ils étaient venus en continuant de rigoler, je demande :

–Tu leur as dit quoi ?

–J'leur dis simplement bonjour.

–Aie !

Un enfant est tombé par terre, David va vers lui en disant :

–J'm'en occupe.

Estelle, après avoir bien regardé David partir, elle reporte enfin son attention sur moi :

–Oh fait, qu'est-ce que tu fais dans le coin ?

–J'ai trouvé un boulot comme serveuse au "Panier de la mer", je vais bosser avec Claire qui est juste ici.

Je lui présente Claire, elles se saluent toutes les deux :

–Tu bosses donc là-bas, drôle de coïncidence, me dit Estelle souriante.

–Pourquoi ?

–Émile m'a dit qu'il avait rencontré quelqu'un et qu'il l'avait invité à déjeuner là-bas.

Je suis choquée par cette information :

–Quoi ?!

–J'ai eu la même réaction que toi, je ne l'imaginais pas aussi entreprenant, avec un peu de chance David lui aussi m'invitera à dîner quelque part.

Pourquoi est-ce que je ressens une telle douleur à ces annonces ? C'est comme si quelqu’un venait de me poignarder en plein cœur et qu'un malin s'était amusé à me le retirer et à le renfoncer encore plus profondément. À cette douleur se mélange une peur froide et humide, qui tétanise chacun de mes os. Ma chair, meurtrie par ce que je semble alors percevoir comme une horrible trahison, se réchauffe et mon poing se resserre. Ma haine afflue dans chacune de mes veines et l'adrénaline contracte mes muscles endoloris par le froid. Je me rends alors compte que la raison pour laquelle je ressens une telle douleur, c’est parce que je ne veux pas qu'ils partent. Je veux qu'ils restent. Tentant tant bien que mal de m’extirper de mes pensées négatives, je regarde Estelle et son sourire. La phrase "Je ne veux pas qu'ils le sachent" me revient alors en pleine figure, et la douleur et la peur reprennent le dessus et gèlent ma rage, sur le point d'exploser. Claire me sort de mon abîme :

–Rose, on va être en retard.

Je suis Claire en quittant Estelle :

–Je règlerai ça plus tard, me dis-je à moi-même.

Nous rentrons dans le restaurant et le travail se passe bien jusqu'à ce que sur les coups de midi et demie Émile entre dans le restaurant et s'installe à une table, Claire est déjà occupée avec une autre table. Allez reste professionnel, je me rapproche pour prendre sa commande, Émile est surpris à mon arrivée :

–Tu travailles ici Rose ?

Serait-ce une sensation de déjà vu, les paroles diffère un peu et le lieu aussi, mais la scène est pareille, surprise, explication, joie puis retour à la réalité, j'entends trois voix distinctes. Je me tourne vers le bruit, Taïba, Cynthia et Gloriam habillé en fille viennent de rentrer dans le restaurant, Taïba et Gloriam s'installe dans un coin tranquille, tandis que Cynthia se rapproche de nous et me salue, Émile me demande :

–Vous vous connaissez ?

Je lui réponds en montrant Cynthia :

–C'est ma voisine d'immeubles.

–Ah, je comprends pourquoi tu ne nous as toujours pas dit où il était.

Sensation de déjà vu quand tu nous tiens, Cynthia s'assied en face de lui, je leur demande :

–Je vous sers quelque chose à boire ?

–Un soda.

–Pour moi un grand café, la cuite d'hier est encore bien présente.

–Ouais, j'ai encore un peu mal au crâne moi aussi.

–Vous buvez souvent ensemble ? Nous demande Émile.

Je lui réponds :

–Ouais deux trois fois, par contre fait attention quand elle est saoule, elle devient nymphomane.

–Hein ?

Cynthia frappe la table des mains et dit remonter :

–Tu cherches à faire rater mon rencard ?

Je prends un grand sourire :

–Je le préviens juste dans quel piège à miel, il s'est fourré.

Elle me répond sur un ton joyeux :

–Quel homme n'aime pas les pièges à miel et les femmes dévergondées ?

Un léger rictus se dessine sur mes lèvres, je connais Émile, il n'aime pas ce genre d'attitude, Cynthia n'a aucune chance, je jette un œil à Émile qui se crispe déjà, je finis la conversation par :

–Il fait comme il veut après.

Je fais leur boisson et les amènes sur un plateau quand j'entends Cynthia dire :

–Désolée, mais ça ne va pas être possible, il vaut mieux s'arrêter là avant que ça ne dégénère.

Cynthia se lève brusquement et part s'asseoir avec Gloriam et Taïba tout en prenant la tasse de café sur mon plateau, je regarde Émile qui est resté bouche bée, je pose son verre devant lui en disant :

–Mon pauvre, qu'est-ce qui s'est passé ?

–Je me suis pris un râteau.

–J'ai bien vu, ce fut rapide comme relation.

–Je ne m'attendais pas à ce qu'il y ait un cratère entre nos deux mondes.

–Elle t'a parlé de ses bébés ?

–Ouais et je lui ai dit que c'était n'importe quoi.

–Erreur monumentale que tu viens de faire là, t'as de la chance qu'elle ne t'a pas baffée devant tout le monde.

–À ce point ?

Je hoche la tête, il soupire, j'aurais voulu me réjouir de la situation, mais je suis peinée pour lui, le pauvre, il devait vraiment avoir eu le coup de foudre :

–Aller va, je t'offre ton verre.

–T'es trop gentille dis-moi.

–C'est ce qu'on est censé faire entre meilleurs amis ? Non ?

–Tu as raison.

Il est parti pendant que j'avais le dos tourné, la vue de Cynthia à quelques mètres de lui devait être insupportable, le travail se termine à quatorze heures et je n'ai pas fait de malaise, Claire lève un verre en disant :

–À Rose qui n'a pas fait de malaise aujourd'hui !

Les parents de Claire, Taïba, Cynthia et Gloriam applaudissent, je déclare :

–Merci ! Merci ! Je tiens à remercier mon corps qui a décidé de ne pas me lâcher et les tasses de café qui m'ont tenu éveillée.

–Tiens, voici ta récompense ! Ton éternelle récompense !

Claire me tend un verre d'eau, je prends le verre et lui dit :

–Eh eh eh ! J'te déteste !

–Qui aime bien châtie bien.

Nous rigolons tous ensemble et avant de partir la mère de Claire me dit :

–Rose, on se dit à samedi prochain ?

Je mets quelques secondes avant de comprendre qu’elle me demande si je veux continuer à travailler ici, je lui réponds :

–Bien sûr, aucun problème.

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