Trouble (3)

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Je regarde James, je vais peut-être le suivre ; cela vaut peut-être mieux pour eux et notre groupe que je parte avec James et son père. Je commence à déposer un pied-à-terre quand j'entends mon ventre ronchonner, il gargouille tellement fort que je pense que toute la rue m'a entendu, Max rigole :

–Ahahah ! C'est bien la première fois qu'on l'entend aussi fort !

Taïba fait de même :

–La petite Rose aurait-elle faim ?

Je leur fais un doigt d'honneur :

–J'vous merde !

Claire me tend la carte des menus :

–Tiens Rose, choisis ce que tu veux.

Je prends timidement la carte, James me prévient une nouvelle fois :

–Rose, ces gens ne sont pas fréquentables, ok ! Tu ne le savais pas lors de ton déménagement, mais là, tu t'aventures en terre inconnue.

Claire se met en travers de nous et le gronde :

–James ! Arrête d'emmerder les clients !

James sort du restaurant en disant :

–Tu es contre moi maintenant ?! Tu as changé Claire !

–C'est toi qui as changé.

Une fois James parti et la porte du restaurant fermée tous les clients se mettent à éclater de rire :

–Ahahahah ! Même la police ne nous résiste plus !

–Y'a pas à dire not’ cheffe, c'est la meilleure !

Claire se met derrière le bar et me demande :

–Tu veux quoi ?

Je choisis le premier plat que je vois :

–Je vais prendre une salade de fruits de mer.

–Très bien, j't’apporte ça le plus vite possible.

L'un des types que j'avais croisés lundi au moment où Taïba allait me présenter Claire se rapproche de nous en disant :

–Ça change des stratégies de Max !

–J't'emmerde Jérôme !

Jérôme est entièrement habillé en motard et porte un foulard rouge enroulé sur sa tête qui ne laisse pas voir ses cheveux, une paire de lunettes carrées cache ses petits yeux marron et une longue barbe soignée agrémente son visage :

–Frère, le “on fonce dans le tas" c'était ta seule et unique idée de génie.

Max se lève et se met face à lui, ils se jaugent :

–Tu veux te battre ?!

–Ça fait longtemps et tu te ramollis à vue d'œil frère, es-tu encore à la hauteur de ton rang dans le gang ?!

–Je suis toujours prêt à botter des culs !

Taïba leur dit de manière autoritaire :

–Les gars, ce soir personne ne se bat !

Max se rassied tranquillement, Jérôme lui est toujours prêt à en découdre :

–Justement, j'ai envie de te tester cheffe !

Taïba finit sa bière, la dépose sur le bar en disant :

–T'en as pas eu assez ?

–Frère ! Je me suis entraîné depuis la dernière fois.

–Très bien, allons dehors !

Ils sortent les premiers, suivis par presque tous les autres clients, Max lui reste assis au comptoir, Claire arrive avec un bol et le pose devant moi :

–Tiens ta salade.

–Merci ! Dis Max ? Ça ne t'inquiète pas de la laisser ?

C'est Claire qui me répond :

–Tu n'as pas à t'inquiéter, c'est la meilleure.

Max ajoute :

–Tu ferais mieux d'aller voir par toi-même, c'est toujours un bon spectacle.

Je prends le bol de salade avec moi et sort, le gang forme un cercle presque impénétrable autour de Taïba et Jérôme, ils se jaugent pour l'instant, Taïba lui demande :

–La dernière fois, je ne t'avais pas cassé le bras ?

–Mais frère, tu m'as juste donné un œil au beurre noir.

–Ah oui, c'est vrai ! Tu as prévu quel stratagème cette fois-ci ?

Jérôme sort un couteau rétractile de sa poche :

–J'ai envie d'essayer une petite prise au couteau !

Taïba écarquille les yeux :

–Un couteau ? Sérieux ? Ahahahahah !

–Et toi, tu vas utiliser quoi ?

–Mes jambes.

–Ahahahah ! Toujours le sens de l'humour à ce que je vois !

–Aller, tais-toi et attaque, qu'on en finisse !

–Très bien !

Jérôme se jette sur elle avec son couteau, Taïba les mains dans les poches de son manteau ne tremble pas et donne un violent coup de pied dans le bras de Jérôme qui lâche le couteau, il sourit et avec son autre main attrape le pied de Taïba :

–Alors qu'est-ce-que t'en dis ?

–Pas mal du tout ! Mais insuffisant.

Elle appuie de tout son poids sur le pied que tient Jérôme et arrive à toucher son torse, Jérôme essaye tant bien que mal de résister, mais avec une seule main, il n'y arrive pas, son autre bras a l'air complètement paralysé :

–Fait chier !

–Tu t'en es rendu compte un peu trop tard ! J'ai frappé un nerf pour paralyser ton bras le temps de quelques secondes…

Jérôme fait du mieux qu'il peut pour résister à la force écrasante de Taïba, mais leurs positions à tous les deux montre que c'est elle la dominante :

–... J'aurais pu te casser le bras, mais si demain, on doit se battre, je perdais l'un de mes meilleurs éléments.

Jérôme lâche :

–Toujours aussi prévenante frère à ce que je vois.

Il tombe à terre, écrasé par la seule jambe de Taïba :

–Alors, tu abandonnes ?

–T'as gagné !

Elle enlève son pied et lui tend la main, il la prend fermement et elle le relève, il se quitte sans rien se dire, elle s'avance vers le restaurant et finit par avouer :

–Tu m'as bien surprise, continue comme ça !

–La prochaine fois, je t'aurais !

–C'est beau de rêver.

Elle arrive devant la porte que je bloque, j'étais en train de manger ma salade depuis tout ce temps :

–Alors le spectacle t'a plu ?

–Ça manquait juste de maïs éclaté.

–Ahahahah ! Tu ne penses qu'à manger ?

–’Ai faim effectivement.

Nous nous rassoyons à nos places, la plupart des clients reviennent dans le restaurant ; ils sont à peu près moitié moins que tout à l'heure, Max nous demande :

–Tu l'as envoyé à l'hôpital cette fois ?

–Non pas du tout, je ne suis pas cruelle.

–Ah !

Claire qui écoutait la conversation lui dit :

–Mais oui ! Regarde là une vraie petite gueule d'ange.

Elle lui tire les joues :

–Arrête, tu me fais mal !

La voix de la mère de Claire sort des cuisines :

–Les plats sont prêts, Claire, tu les envoies !?

–J'arrive !

Elle disparaît et réapparaît avec trois assiettes dans les mains qu'elle dépose à différentes tables, elle retourne derrière le bar et cherche des boissons dans un frigo, je lui demande :

–Tu savais ce qui allait se passer ici ?

–Non ! Je l'ai compris qu'en voyant qui étaient les clients, j'ai juste joué le jeu de la serveuse qui voit et n'entend rien.

–On a préféré ne rien dire, comme ça ils sont sûrs que tu ne fais pas partie du gang, m'explique Taïba.

Je ne comprends pas très bien :

–Qu'est-ce que tu veux dire ?

Max me répond :

–Je connais par cœur notre ami le préfet de police, dès qu'il t'a vu dans notre immeuble, il t'a direct casé dans la catégorie des suspects, maintenant, tu es dans la case suspecte potentielle.

–Et en quoi c'est mieux ?

–Il ne va pas essayer de te tendre de piège, dans le pire des cas, tu risques de te retrouver avec un mouchard.

–Et il n'en a pas mis un durant votre petite conversation ?

Ils rigolent tous les deux, Max sort un petit appareil de son manteau :

–Il en a peut-être mis un, mais avec ce brouilleur spécial Cynthia, il ne peut plus rien entendre, je l'ai activé dès qu'il est sorti.

–Vous pensez vraiment à tout hein ?

–Non ! C'est impossible de tout prévoir, il faudrait être Dieu pour réussir un tel exploit, me répond Taïba.

–Effectivement, tu as raison.

Le reste de la soirée fut calme, tous les clients sont partis les uns après les autres ; il ne restait plus que nous trois et la famille de Claire. Le père de Claire est grand et chauve, lui aussi a les traits tirés, des petits yeux marron et une petite barbe grisonnante lui donne un air rassurant, surtout quand on le compare à sa femme, il s'exclame :

–Ouf ! Enfin terminé ! Je suis trop vieux pour ses conneries !

Sa femme acquiesce :

–Il va falloir embaucher quelqu'un bientôt.

–Ou sinon notre fille pourrait reprendre le flambeau !

Claire lui répond :

–J'ai déjà mon boulot, je peux vous aider le soir et c'est déjà bien.

Max s’agite tout d’un coup et cherche quelque chose dans ses poches, il sort un bout de papier plié en deux et me le tend, je le prends en demandant :

–Qu’est-ce que c’est ?

–J’ai fait tous les papiers te concernant pour la location de l’immeuble, il ne manque plus que ta signature.

J’ouvre le papier en deux et pâlis dès que je vois la somme à payer chaque mois :

–J’ai pas autant d’argent !

Il sourit :

–Tiens comme c’est bizarre, les parents de Claire cherchent à embaucher quelqu’un et tu cherches à gagner de l’argent.

Je lui jette un regard dubitatif :

–Tu l’avais prévu hein ?

–Pas du tout.

La mère de Claire se rapproche de moi avec un large sourire :

–C’est vrai que tu cherches un boulot ?

–J’ai pas vraiment le choix.

–Parfait, tu peux venir samedi sur les coups de onze heures ?

–J’en prends note.

Le père de Claire regarde Max et demande :

–Et toi Max…

Il le coupe :

–Je sais ce que vous allez dire, que ce soit pour Claire ou pour le restaurant, c'est non, je vous l'ai déjà dit.

Claire qui est très mal à l'aise, gronde son père :

–Papa ! Tu lui as demandé à lui aussi !?

–Bah quoi ? Tu n'as personne et lui aussi.

–Arrête d'emmerder mes amis avec ça !

J'ai l'impression d'avoir déjà vu cette scène quelque part ; cette chamaillerie m'est familière. Je comprends parfaitement la réaction de Claire. Je tourne la tête vers Taïba, elle n'a pas l'air d'apprécier le moment, elle serre sa main, le père de Claire nous regarde moi et Taïba :

–Et vous les filles, vous ne connaissez pas quelqu'un de libre.

Je réfléchis à toutes les manières possibles pour esquiver la question :

–Euh ?

Taïba crie :

–C'est hors de question !

Elle se rend compte de son cri et baisse d'un ton, Taïba se met aux côtés de Claire :

–Je veux dire, regardez-la ! Elle est trop parfaite pour que je la laisse au premier venu, c'est ma meilleure amie ! Je ne veux que le meilleur pour elle.

–Je savais qu’on pouvait compter sur toi Taïba.

Max frappe dans ses mains :

–Bon ! Il commence à se faire tard, on va rentrer.

–D'accord, rentrez bien ! Nous dit la mère de Claire.

Nous commençons à sortir quand Claire nous rattrape et nous dit :

–David a oublié de me donner ses croquis de dessin, vous pouvez me les apporter demain à la boutique ?

Max lui dit :

–Au pire vient dormir à la maison, en plus c'est plus proche de ta boutique.

–Euh…

Elle regarde ses parents qui acquiescent :

–Je prends mon manteau et j'arrive.

Nous l'attendons dehors dans le froid, Claire apparaît avec un long manteau noir en nous disant :

–En route mauvaise troupe !

Taïba renchérit :

–En voiture Simone !

Max fait de même :

–C'est parti mon kiki !

Ils me regardent tous, je suis circonspecte :

–Quoi ? Fallait que je finisse ?

Ils me répondent tous en même temps :

–Ouais.

–Euh… allons-y moussaillon ?

Ils se regardent entre eux et Claire me répond :

–C'est valide !

Je souffle un coup, nous commençons à rentrer vers l'immeuble, je leur demande :

–J'aimerais vraiment savoir quelle drogue vous prenez pour avoir de tels délires.

–Tu n'as juste aucune imagination, la vie est déjà triste en soi, autant essayer de rigoler le plus possible.

–Tu te répètes Max.

–Tu trouves ? Je fais simplement des messages subliminaux.

–C'est pas très subtil.

–Il n'y a que les escrocs qui utilisent des messages déformés.

–Du genre ?

–Ken Wesker. Tu sais Rose on porte tous un masque, nous le changeons en fonction des interlocuteurs, on appelle ça la persona, du latin personare "parler aux travers de" d'où est tiré le mot personnage, vois-tu ou je veux en venir ?

–Que nous changeons de comportements en fonction des personnes et qu'on joue une sorte de comédie ?

–Exactement, souviens-toi de ça Rose, même le plus doux des agneaux peut prendre le masque du loup.

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