Normale ? (2)

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Je vais lentement en direction de la fac, elle n'est pas si loin de chez moi, j'arrive au hall d'entrée, il fait chaud à l'intérieur. La fac est divisée en plusieurs catégories, l’amphithéâtre, le pôle économie gestion, le pôle scientifique et le pôle avec un nom beaucoup trop compliqué pour juste faire banquier. Moi, pour la première heure, j'ai cours en amphithéâtre. J'arrive dans la salle, le cours a déjà commencé et personne n'a remarqué mon entrée, je tourne la tête ; l'amphithéâtre n'est pas vraiment rempli, beaucoup de personne ont dû sécher la première heure de cours à ce que je vois juste de l’autre côté de la porte d’entrée, je vois quelqu'un qui me fait signe. C'est Jessie, ma voisine de classe et c'est aussi mon amie ; bien qu’il en manque trois pour que notre groupe soit complet. Je m'approche d'elle et m'assieds à côté ; Jessie fait cinq centimètres de moins que moi, sa chevelure brune attachée en tresse unique descendant jusqu'au milieu du dos et a des yeux cristallins. Tout ça on fait chavirer bien des cœurs tout au long de notre période au collège ; elle s’est parée d’un gilet gris dont la fermeture est remontée jusqu’en haut et d’un jean bleu troué au niveau de la cuisse et de bottine noir, elle me demande après que je me sois installé :

–Qu'est-ce qui t'est arrivée ? Panne de réveil ?

Je lui mens :

–On peut dire ça, j'ai loupé quoi ?

–Le prof a mis du temps avant de calmer le monde.

–Il s'est passé quoi ?

–Askip trois personnes de la fac sont venues quasiment à poil et apparemment, il y avait une fille dedans, tu te rends compte ! Je me demande à quoi elle pensait sérieux.

Je détourne le regard gêné, apparemment personne ne m’a reconnue :

–Moi aussi, je me le demande.

–Ah et il y a aussi ce type qui a été effacé là, chais plus comment il s'appelle, faut demander à James.

James, son demi-frère et notre ami, il n’est toujours pas arrivé ? :

–D'ailleurs il est où ?

–Pour lui, c'est plus vraiment une panne de réveil à ce niveau-là, c’te crétin dormait quand je suis partie.

James déboule dans l'amphithéâtre en courant et tout le monde se tourne vers lui :

–Monsieur James Durand ! Je vous prierai de venir à mon cours à l'heure, ce n'est pas la première fois que je vous le dis ! N’est-ce pas !?

–Désolé m’sieur !

Il nous aperçoit et vient s'asseoir à côté de nous. James avec ses cheveux noir mi-long et sa barbe de trois jours ; qu’il a surement oublié de raser comme à son habitude, il porte un tee-shirt à manche courte noir par-dessus un tee-shirt à manche longue blanc, avec un pantalon baggy beige et des chaussures montantes, Jessie lui demande :

–Tu sais qui s'est fait effacer hier James ?

–On en parle tout à l'heure, quand on aura fini les cours, on pourra parler tranquillement.

Les cours se sont finis à une vitesse folle, nous sommes maintenant assis dehors à la terrasse d'un café qui se situe juste à côté de la fac avec plein d'amis à Jessie et James, je ne suis pas trop le fil de la conversation qui ne m’intéresse pas jusqu'à ce quelqu'un tape du poing sur la table :

–Bien fait pour sa gueule ! C'est tout ce qu'il mérite !

–Calme-toi, lui dit Jessie.

–Non, mais sérieux quoi ! T’as ce type-là et tous ceux qui s'augmentent, ça devrait pas exister.

James qui est en plein désaccord lui répond :

–Il a quand même sauvé des vies et permis aux handicapés de pouvoir marcher et écrire.

–Je n'ai aucun problème pour ça. C'est plus contre ceux qui font ça parce qu'ils ont les moyens et v’la l’autre qui les encourageaient. “Oui, c'est la prochaine étape de l'humanité” et “oui, l'humanité stagne depuis plusieurs années”. C'est comme le nègre là dans le pôle économie gestion, c'est un putain d'augmenter ! Il te prend dans ses bras juste pour rigoler et ça y est t’es décapité.

–Oh ça va. Rétorque Jessie.

Je n'écoute plus, ce débat n’a ni queue ni tête, je tourne la tête vers la route et je remarque Taïba en train de fumer à l'ombre d'un arbre. Bien que nous soyons en hiver, il fait anormalement chaud aujourd’hui :

–Tu la connais Rose ? Me demande Jessie en pointant du doigt Taïba.

Je lui réponds honnêtement :

–Pas vraiment non.

–Tu ferais bien de faire attention à ton petit cul avec elle.

Je me tourne vers celui qui a dit ça, il est à côté de l'autre qui s'énervait au sujet des augmentés, je lui demande :

–Pourquoi ça ?

–C'est une putain de gouine ! Je la vois tout le temps traîner dans le quartier des putes et leur donner de l'argent.

–Oh, t’es un voyeur ? Lui demande Jessie, moqueuse.

–J'habite là-bas ! J'te rappelle que j'suis pauvre.

–Mais c'est l'arabe qui est en droit !? Dit James.

Une autre personne qui est avec le groupe d’amis de James nous dit :

–Cette salope faite du droit en plus génial, on est foutu, c'est moi qui vous le dis !

Si seulement ils pouvaient fermer leur grande gueule cela me ferait des vacances. Taïba fini par me remarquer et accourt vers moi en faisant des grands gestes de la main :

–Salut Rose !

Je lui fais coucou :

–Salut Taïba.

Tout le monde est choqué, Taïba les ignorent complètement :

–Désolé de te déranger alors que tu es avec tes amis, mais on a un travail à faire !

–Quoi ?!

Je dis ça en même temps que tout le monde, Taïba me prend les mains :

–Tu sais, c'est par rapport au travail que seul notre groupe peut faire !

Elle me fait un clin d'œil et me tire vers elle, je dis :

–Attend il y a quiproquo de qu'elle travaille, tu parles ?

–Oh arrête de faire semblant, tu t'amusais si bien hier avec nous, une vraie petite folle.

Pourquoi tu enfonces encore plus le clou Taïba, je soupire et elle me tire loin du café. Plus personne ne peut nous entendre de là où nous sommes, je finis par la suivre et Jessie et James disparaissent de mon champ de vision, je lui demande en soufflant :

–Pourquoi t’as fait ça ?

–Parce que j’en ai rien à foutre de ce que pensent les autres et puis ça paraissait plus normale de t’aborder en faisant comme si on était meilleur copine.

–Très bien. Pourquoi as-tu besoin de moi ?

–Il manque des informations pour le masque. Me chuchote-t-elle :

–On va où ?

–Chez ma fournisseuse, tu vas pouvoir la rencontrer ! Je suis sûr que vous vous entendrez très bien toutes les deux !

Heureusement pour elle, je n’ai pas de cours cette après-midi. Elle me mène à travers un dédale de ruelles ; nous passons devant plusieurs vitrines à néon de grand magasin chic où nous pouvons trouver de tout. Au bout d’un moment, elle tourne à un croisement vers une ruelle sombre ; il y a un groupe de jeunes qui fument et qui n'ont pas l'air de rigoler. L'un d'entre eux qui porte un bandana rouge et une longue barbe soignée, habillés en motard qui nous crie d’une voix légèrement rocailleuse :

–Hey ma jolie ! Ça fait un petit moment que tu viens plus par ici ! J’te l’avais dit frère qu’elle viendrait.

–Salut les gars, comment ça marche ?

Taïba leurs demandes cela comme si c'était des vieilles connaissances, j’espère qu’ils ne nous causeront pas d’ennuis, le type au bandana lui répond en rigolant :

–Mais frère, tu sais très bien que le quartier est calme, trop calme et ça fait longtemps qu'aucun autre gang est venu nous cassez les couilles.

Taïba se met à réfléchir puis elle finit par dire :

–Je vois, à mon avis, un nouveau groupe est en train de se former.

L’homme au bandana prend un air sérieux :

–Qu'est-ce qui te fait dire ça ?

Taïba explique :

–Il y a de la drogue et des armes qui circulent dans le bas quartier, tu sais quelque chose ?

Le bas quartier ? De quel endroit peut-elle bien parler ? L’homme au bandana se met à son aise et s’allume une cigarette en disant :

–C'étaient les chintok qui s'occupaient de c’quartier, ils doivent chercher à se faire de la thune.

–Faites attention à vous alors, il va peut-être y avoir de la casse.

–Frère, tu nous connais ! C’est pas pour deux trois pelot qu’ils faillent qu’on s’inquiète, d'ailleurs, c'est qui ton invité ? Ta nouvelle proie ?

Tout le monde me regarde d’un air plutôt malsain, je ne suis absolument pas sereine, Taïba me montre de la main :

–Les gars, je vous présente Rose ! Je dois lui présenter ma petite chérie, donc ne lui faites rien. Elle prend une voix plus grave, sinon je vous le ferai amèrement regretter !

Le groupe rigole, Taïba aussi, une personne à côté du type au bandana dit :

–Ahahahah ! Ton jeu d'actrice s'améliore de jour en jour Taïba !

–T’as vu ! Je me ferai presque peur !

J'ai un rire nerveux :

–Ahahah.

Je ne sais pas comment réagir avec eux, nous finissons par nous éloigner du groupe et une fois suffisamment éloigné, je demande larmoyante :

–Bordel de merde ! C'étaient qui ?

Taïba me rassure :

–Tu n'as pas à t'inquiéter, ils ne te feront pas de mal, personne du gang des Démons ne te causera du souci, ils sont réglos.

–Comment peux-tu en être aussi sûre ?

Elle prend un air grave :

–Parce que sinon ils vont vraiment le regretter amèrement.

Elle s'arrête devant une porte taguée et dit d'un ton joyeux :

–C'est ici !

Elle ouvre la porte et saute dans les bras d'une fille qui est occupée à dessiner qui lui dit d’une voix presque aussi douce que la sienne :

–Salut Taïba, tu es revenu plus vite que je ne le pensais.

–Tu sais que je ne peux pas te laisser seul plus de deux heures.

Elles s'embrassent :

–Rose ! Je te présente ma chérie Claire !

Claire est une femme, je dirai qu’on a le même âge, ses cheveux sont longs et blonds avec de jolis yeux verts ; elle porte un pull en laine blanc et un jean qui lui va à ravir, elle dépoussière un tabouret et le dépose à côté d'elle, elle tape dessus en me disant :

–Assis toi ici Rose, s'il te plaît.

Je fais ce qu'elle me dit sans poser de question :

–Bon, je te laisse faire Claire, j'ai des trucs à régler, je reviens dans dix minutes.

–À tout à l'heure ma puce !

–Surtout ne me casse pas Rose !

Taïba claque la porte. Je reste silencieuse, ne sachant pas quoi dire, Claire passe derrière moi et prend un mètre ruban :

–Je vais juste prendre la mesure de ton crâne pour pouvoir faire un masque à ta taille.

–D'accord.

–Tu as une quelconque allergie à une matière ?

–Non, je ne crois pas.

–Tu n'es pas très bavarde, hein ?

–Je ne sais pas quoi dire.

Elle a un léger rire et me dit :

–Généralement, les personnes qui me voient avec Taïba me demande si je suis lesbienne.

–Parce que ce n'est pas le cas ?

–Si si, on s'aime à la folie mais…

–Mais ?

–Il y a les parents, déjà au sujet des homos, c'est limite, alors si en plus, je leur dis qu'elle est arabe, ils vont me faire toute une histoire.

–Et pour les parents de Taïba ?

–Elle n'en a pas.

Je suis choquée par ce que je viens d'apprendre, Taïba est orpheline :

–Quoi ?!

–Oh, elle ne te l'a pas encore dit ? Surtout ne lui dit pas que je te l'ai dit, garde cela secret.

Elle me fait un clin d’œil, je change de sujet et demande :

–Et du coup ça se passe bien entre vous deux ?

–Oui, très bien, elle veut qu'on se marie, mais avant, il faut que j'en parle à mes parents.

–C'est dur ?

–C'est pas facile de trouver le bon moment pour en parler.

J’hésite quelques secondes et finies par lui demander :

–Et tu sais pour ce qu'elle fait ?

–Votre petit groupe ? Je sais, elle ne me cache rien, en même temps à qui tu vas faire croire que les masques, c'est juste pour une soirée déguisée, alors qu'ils passent à la télé.

–Et tu ne comptes pas appeler la police ?

–Non, je vois pas pourquoi je le ferai… La police est pire, bien pire, tu es jamais pris au sérieux, toujours à te demander comment t'était habillé, à te persuader que c’est toi le problème dans l’histoire. Quand tout le monde est contre toi, que t’as des automates qui t’insulte juste parce que tu as un connard qui dit que t'es passé sous le bureau. J'avais tellement mal, à un moment, j'ai rencontré un des mecs qui me harcelait et Taïba lui a latté les couilles à cet enculé. J'ai pleuré plus que je ne le pouvais dans ses bras, je crois que c'est à ce moment-là que j'ai eu le coup de foudre pour elle…

J’écoute assidûment son histoire, le léger silence qu’elle laisse me donne envie d'en savoir plus :

–Il s'est passé quoi après ?

–On s'est croisés, elle sortait de sa fac et moi, je passais par là, on est sortis ensemble plusieurs fois dans des cafés, on faisait les boutiques. Tant que j'étais avec elle, j'étais heureuse, les insultes et les réflexions me passais au-dessus, je n'ai jamais osé sauter le pas avec elle.

–C'est elle qui a sauté le pas ?

–Totalement, elle m'a envoyé un message pour qu'on se retrouve à un café, comme quoi, elle avait quelque chose d'important à me dire, elle se place devant moi pour continuer les mesures et sourit. Elle m'attendait patiemment à table, à peine arriver, elle m'annonce avec sa béatitude naturelle “Je suis tombée amoureuse !”. J'étais choquée, j'ai essayé de cacher les larmes qui montaient, en lui demandant qui c'était.

–Et elle a dit quoi ?

–Elle a posé une main sur la mienne tout en disant “Je suis tombée amoureuse de la personne qui est devant moi !”

Je tourne la tête, Taïba est à côté de nous et a dit cette phrase en même temps que Claire :

–Je suis trop romantique n'est-ce pas ?

–C'est pour cela que je reste avec toi.

Elles s'embrassent tendrement, Taïba lui demande :

–Alors, tu as tout raconté à la petite Rose ?

–Tout !

–Tu n'es pas drôle, je voulais garder une part d'ombre pour être plus mystérieuse.

–Vous êtes, pour l'instant, tous mystérieux pour moi.

Taïba me répond :

–Ne t'en fais pas, tu apprendras à nous connaître.

Claire nous dit :

–J'ai toutes les infos qu'il faut, je passerai vous déposer le masque dans la semaine.

–Parfait, t’es une ange. On va te laisser travailler, on s'appelle !

–Merci, je t'enverrai un petit message.

Nous sortons du magasin, Taïba ferme la porte et me demande :

–Tu t'es bien amusé ?

–J’ai beaucoup écoutée et du coup, vous avez prévu une date pour votre mariage ?

–Non, j'attends qu'elle le dise à ses parents.

–En tout cas, je serai heureuse d'y participer.

–Merci, ça fait plaisir à entendre.

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