Colère (1)

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Shusendo est assis sur une chaise retenue par Aziz, Taïba s’approche de lui avec la poêle remplie de poisson carbonisé en disant :

–Tu sais Shu ! Je déteste qu’on gâche la nourriture !

Shusendo tente de se libérer, peine perdue avec les deux gros bras d'Aziz qui le maintienne fermement :

–Oh non les gars, ne me faites pas ça !

Elle lui dit avec un sourire terrifiant :

–C’est à cause de toi que tout à cramer, alors tu vas tout manger !

–Oh non ! Non ! Nooon !

Elle lui fait manger des poissons qui sont carbonisés :

–Mange mon poisson Shu ! Mange mon poisson !

–Argh gra uh.

Shusendo est en train de s’étouffer avec la nourriture, Aziz prend un accent allemand stéréotypé :

–Arh ! Ça commence à me plaire !

Taïba continue d’engouffrer les poissons dans la bouche de Shusendo, Cynthia se met à côté de lui et fait un salut militaire :

–Il est rentré dans l’histoire !

Je m’insurge :

–À quelle heure !?

Taïba finit d’engraisser Shusendo et nous annonce :

–À cause de Shu, ce midi, ce sera. Sandwich !

Aziz lui demande :

–Quel goût le sandwich ?

–Fraise.

Tout le monde entend mon ventre gargouiller, Cynthia me demande moqueuse :

–Dis donc, tu vas réagir comme ça à chaque fois qu'on énonce de la bouffe ?

Je crie :

–J'ai faim ! Ok !

–Mets-toi à table, je vais sortir la nourriture, me dit Taïba.

Tout le monde s'assied autour de la table, Cynthia dit à Shusendo :

–Bon, mon logiciel fait sa recherche, il me préviendra dès qu'il trouvera quelque chose.

–Tout à l'heure, j'irai voir au bar s'il y a des ragots croustillants sur notre cible, ajoute Aziz.

Taïba nous dit en déposant un plateau de nourriture sur la table :

–Ce soir, j'ai rendez-vous avec des indics, en espérant que je n'ai pas de problème pour y aller.

Je lui demande :

–Tu veux que je t'accompagne ?

Elle me regarde :

–Tu es sûre de toi ?

Je souhaiterais me rendre utile et vu que je sais me défendre :

–Si c'est dangereux, on sera pas trop de deux.

Elle jette un regard aux autres et leur demandent leurs avis :

–Qu'est-ce que vous en dîtes ?

Shusendo hausse les épaules :

–Autant qu'elle sache à qui s'adresser si elle a un problème.

Elle acquiesce :

–Tu as raison.

Elle me regarde de nouveau :

–Tu es libre à partir de quelle heure ?

–Mes cours finissent à dix-neuf heures.

–Bon, ça nous laisse le temps, ça n'ouvre qu'à vingt-deux heures. Un conseil : Habille-toi chaudement et ne prends rien d'autre que ton téléphone.

Je hoche la tête :

–D'accord, j'en prends note.

–Bien sûr, se commençons les hostilités, nous dit Cynthia en se jetant sur la nourriture.

Nous finissons de manger, j'ai préparé mes affaires et je suis en route pour aller en cours, sur le chemin, je croise Jessie qui m'accoste :

–Alors comme ça on est lesbos ? Vous vous êtes bien amusé au moins ?

Qu'est-ce qui lui passe par la tête ? Même si j'avoue que ça prêtait à confusion notre discussion, je lui réponds :

–Quoi ?! Non ! Non ! C'est juste une connaissance et en plus, elle est déjà en couple avec quelqu'un !

J'essaye de me défendre du mieux possible, elle me demande alors :

–Et qu'est-ce-que vous deviez faire de si important pour partir seules toutes les deux ?

Allez trouve une excuse vite :

–J'euh … j'ai déménagé et on habite dans le même immeuble du coup, elle s'est proposée pour m'aider.

Elle me dit, étonnée et sur un ton vaguement irrité :

–Tu as déménagé ? Tu aurais pu demander notre aide à nous aussi !

Je détourne le regard, gênée :

–C'est que j'avais complètement zappée.

Elle se frappe le front :

–Tu as toujours été tête en l’air.

–C'est pas vrai !

–Si c'est vrai !

–Tu veux toujours avoir le dernier mot, pas vrai ! D’ailleurs James n’est pas avec toi ?

Elle croise les bras et me répond en colère :

–Il m’énerve, il venait à peine de se lever quand je commençais à partir.

James arrive en courant vers nous, Jessie le voyant arriver me dit :

–Tiens quand on parle du loup !

–Alors comment ça va les filles ?

Jessie lui répond direct :

–Rose est hétéro !

–Oh, elle est normale ?

Franchement, il n'y a que ça qui vous intéresse ? Jessie lui répond :

–Totalement, c'est qu'elle a déménagé.

–Ah d'accord. Hey ! Vous avez vu les infos ? Demain, il va y avoir de la neige.

Je réponds :

–Ah bon ?

–Pas beaucoup, mais il va neiger.

Je dis enthousiaste :

–C'est super, je commençais à me dire qu'il ne faisait pas assez froid pour un hiver.

Jessie me répond sur le même ton :

–En plus il va neiger en décembre, c'est bon signe.

Nous nous approchons de l'entrée de la fac, le premier cours que nous avons, c'est des mathématiques, un cours sur les nombres imaginaires ; je ne comprends rien du tout, après les deux plus longues heures de tortures que j'ai jamais enduré, le cours se termine ; nous devons changer de classe pour le prochain. Je demande en sortant du cours :

–On est dans quelle salle après ?

James me répond ironique :

–On va au troisième étage pour encore plus de maths, c’est super !

Je le regarde et dit désespéré :

–Oh non, j’en ai déjà marre !

J'ai à peine le temps de finir ma phrase que quelqu’un me bouscule et je tombe les fesses par terre, je tourne la tête vers celui qui a fait ça, c’est Max :

–Que ?

Il me tend la main, je la prends, il me relève ; je sens quelque chose dans sa main qu'il me glisse discrètement et il me dit un peu sèchement :

–Fais attention où tu vas !

Il part sans rien déclarer de plus. Je regarde ma main, il m’a donné un petit bout de papier, je le mets dans mon manteau. Jessie me demande :

–Ça va, il t’a pas fait mal ?

–Non ça va.

Jessie après avoir observé Max me dit :

–Hey ! Mais c’est l’un des types qui est venu à poil à la fac.

–Hein ?!

–Mais si ! Tu sais le groupe de trois là avec la fille qui sont venus à poil.

J’étais pourtant habillée ce jour-là, bon, j'étais en sous-vêtements, mais quand même, comment en un jour ça à pu passer de presque pas habillé à, à poil, Jessie continue :

–Par contre, je ne l’ai jamais vu avec quelqu’un.

Je lui demande, étonné :

–Ah bon ?

–Ouais, ce doit être un solitaire.

James nous crie :

–Dépêchez-vous ! Le cours va commencer !

Nous arrivons pile-poil à l’heure en cours, le professeur commence à écrire au tableau, j’en profite pour regarder le bout de papier que m’a donné Max, je le déplie, il y a deux messages :

Rose, je rentrerai tard ce soir, donne ce message à Aziz, surtout si on t'interroge, dit que tu ne sais rien.

Dclc lov o'rqw uhwurxyhu m'dl odlvvhu fh phvvdjh fubswh srxu hylwhu g'dohuwhu Urvh hiidfh ohv wudfhv.

Qu’est-ce que c’est que cette écriture ? J’ai jamais vu un dialecte pareil, je suppose qu’il ne peut pas envoyer ce message par téléphone, je le donnerai tout à l’heure à Aziz. Trois heures de mathématiques plus tard et me voilà dehors à l'air libre, je dit exténué :

–J'en peux plus ! Je viens de passer cinq heures à écouter et je n'ai absolument rien compris !

James est d'accord avec moi :

–Ils font des trucs beaucoup trop compliqués pour de simples humains comme nous.

–Oh ça va, c'était pas si terrible ! Nous dit Jessie.

Nous la regardons tous les deux désespérés :

–Si vous bossez un peu chez vous, vous n'auriez aucun problème.

–Pas envie ! Lui dit James.

J'ajoute :

–Moi non plus !

Je vois Max sortir de la fac et courir dans la direction inverse de là où est notre immeuble, c'est extrêmement bizarre, serait-ce à cause du message, Jessie demande :

–Hé ! Mais c'est pas celui qui t'a poussé tout à l'heure ?

Je confirme son interrogation :

–Si c'est lui.

James le regarde partir :

–Vous parlez du solitaire ? Mon père a tout un dossier sur lui.

Je me souviens tout d'un coup que le père de James est dans la police, Jessie fait la réflexion :

–Ah oui ! J'oublie à chaque fois que ton père est flic.

–Oh merde !

J'ai dit ça à voix haute, si ça se trouve, c'était l'un des policiers d'hier, son père, non tout le monde aurait reconnu le préfet de la région, donc il n’était pas là ; forte heureusement, sinon je suis dans une merde noire, James me demande :

–Quelque chose ne va pas Rose ?

Vite noie le poisson, trouve quelque chose :

–Euh ! J'ai oublié que j'avais quelque chose d’important à faire, j'ai pas complètement fini le déménagement !

Je commence à courir vers notre immeuble :

–Je vous dis à demain !

Si Max était aussi secret quant au message, c'est qu'il doit avoir une raison qui m'échappe, j'espère qu'il a bien calculé son coup et que je n'arrive pas trop tard. Je réussis au bout de plusieurs minutes de course à atteindre notre immeuble, j'enfonce la porte en criant :

–AZIIIIIIIIZ !

David et Aziz font la cuisine, Taïba est assise sur le canapé avec son téléphone, je ne vois pas Shusendo, ni Cynthia. Je suis essoufflée et fatiguée par ma course, Taïba me demande :

–Qu'est-ce qui se passe Rose ?

–Tu me veux quoi ? Me demande Aziz.

Je leur montre les deux morceaux de papier dépliés :

–J'ai… pas compris… ce que Max a marqué… mais…

Aziz prend les deux papiers dans sa main et les lit. David qui est dans la cuisine demande :

–Un problème ?

Je regarde Aziz qui fixe attentivement le message, puis il écarquille les yeux et crie :

–On est en alerte jaune !

Je me relève et nous disons tous en même temps :

–Quoi ?!

Aziz court jusqu'aux escaliers en hurlant :

–CYYYYNNNNTHIA ! Alerte jaune !

Taïba court, elle aussi, dans l'escalier, David fait de même en me disant :

–Surveille la nourriture !

–Mais c’est quoi cette alerte jaune ?!

–T'occupe, on t'expliquera après !

Je regarde tout le monde qui se précipite dans les escaliers, je souffle un coup :

–Bordel de merde ! Pourquoi n’y a-t-il jamais une seule journée de normal ici ?!

J'essaye de reprendre ma respiration et vais en direction de la cuisine ; je surveille le feu et essaye de ne pas faire cramer la nourriture, après plusieurs minutes, j'entends des pas descendre. Je tourne la tête, Aziz est chaudement habillé et sort, Shusendo rentre quelques secondes après :

–Qu'est-ce qui se passe ?

–J'ai pas tout compris, mais c'est une alerte jaune.

–Oh si c'est seulement une alerte jaune.

–Tu peux m'expliquer ?

–C'est juste qu'on risque d'avoir la visite des flics, donc on efface nos traces.

–Et du coup ?

–Du coup quoi ?

–Tu n'effaces pas les tiennes ?

–Je le fais tous les jours, pour moi ce n'est pas très compliqué, mais pour les autres.

–Comment ça ?

Shusendo s'invite en cuisine et m'aide :

–Pour Cynthia , c'est que c'est très long et elle n'a pas le temps, pour David, c'est de cacher tous les dessins et ses affaires et ainsi de suite.

–On est vraiment mal ?

–Non, ne t'en fais pas, par contre quand on sera en alerte rouge, là oui, on sera dans la merde.

–C'est déjà arrivé ?

–Deux, trois fois et à chaque fois, on a eu chaud.

Nous passons quelques minutes en silence à cuisiner, puis-je lui demande :

–Au fait ! Au sujet du patron de Gamp, il s'appelle comment ?

–Il s'appelle Ken Wesker, propriétaire du plus grand groupe pharmaceutique américain où les actionnaires ne sont pas majoritaires.

–Tu en sais déjà autant ?

–Je suis juste allé sur le premier site internet que j’ai trouvé.

–Ah !

–C’est bon ! C’est fini !

C’est la voix de David qui descend des escaliers avec Taïba et Cynthia, Shusendo se tourne vers eux en disant :

–Ça tombe bien, le dîner est prêt.

–Bon Shu, mes recherches n'ont absolument rien donné sur l'extorsion, par contre j'ai de quoi le faire plonger pour plusieurs années pour meurtre et viol sur mineur, lui dit Cynthia.

Shusendo sert son poing :

–Malheureusement, il peut se mettre dans la poche n'importe qui, en plus de ses amis politiques.

David lui dit :

–Mon réseau sait juste qu'il existe de la contrebande de médicaments provenant tous de la seule usine de Gamp, je ne sais pas à qui s'est vendu. J'ai juste entendu dire que c'était pour un groupe de mercenaire africain, mais sinon je n'ai rien d'autre.

–Ce soir, j'aurai peut-être de meilleures nouvelles, mais n'en espère pas trop, préviens Taïba.

Shusendo la regarde :

–Tu es mon dernier espoir.

–Nous avons jusqu'à vendredi, réfléchi à un plan de secours Shu sinon.

Taïba le prévient de manière plutôt froide, Shusendo baisse la tête :

–Je sais ce qu'il me reste à faire, pas la peine d'en rajouter.

Cynthia met une main sur son épaule :

–Ça nous peinerait tous de ne plus pouvoir la voir.

Shusendo pose sa main par-dessus et lui dit un simple :

–Merci.

–Allez, mangeons, tu réfléchiras mieux le ventre plein, lui dit David en claquant des mains.

Le repas commence dans le silence, je leur demande :

–Au fait, vous savez où sont Max et Aziz en ce moment ?

Cynthia me dit en rigolant :

–Ils essaient sûrement de faire disparaître le cadavre qui se cache dans leur placard.

–Quoi ?!

Je fais un bond, Shusendo me rassure :

–Ne t'en fais pas, c'est impossible qu'ils en aient…

–Ouf !

–Puisqu'ils ont déjà disparu.

J'ai un rire nerveux :

–Eh eh eh, c'est une blague, c'est ça ?

Il me dit sarcastique :

–Tu ne connais pas l'humour noir ?

–Ce n'est pas drôle !

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