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Je monte au troisième étage, il n'y a que quatre portes, dont une taguée “débarras” au fond à droite, les deux pièces inoccupées sont à gauche, ce qui laisse la pièce de Taïba à côté du débarras. Il y a une échelle au fond de la pièce, sûrement pour monter sur le toit au vu de l’énorme velux en plein milieu du plafond. Je prends la première porte qui vient à moi et ouvre en grand ; je tombe sur une chambre blanche sans aucune décoration ni personnalité. Il y a un placard où ranger mes vêtements et une porte à côté de mon lit. Je l'ouvre, c'est la buanderie et la douche. Il reste une dernière porte avec marqué dessus “toilette” inutile de l'ouvrir pour savoir ce qu'elle contient ; je range mes affaires et à peine ai-je le temps de sortir mes vêtements de ma valise, on toque à ma porte, j’invite la personne à entrée, c'est Taïba qui rentre en demandant :

–Alors comment se passe l'emménagement, voisine ?

–À peine commencer, je dirais.

Elle me dit de manière très tendancieuse :

–Si jamais tu t'ennuies ou que tu as des questions, tu peux venir frapper chez moi.

Je me tourne vers elle et elle imite un animal :

–Grrrrr !

Je ne réagis pas à cette tentative de drague et je lui demande :

–Tu n'es pas déjà avec Claire ?

Elle fait une tête désespérée :

–Tu sais que c’était une blague ?!

–Continue les blagues comme celle-là et je vais la voir pour me plaindre.

–Oh non, ne fais pas ça, la dernière fois, on a mis trois heures avant de se réconcilier.

Je finis de ranger mes affaires et lui demande :

–Vous vous réconciliez vite dis donc ?

–On n'aime pas se battre toutes les deux.

Je lui dis amère :

–Tu en as de la chance.

Elle se colle à moi et me demande :

–Et toi, tu as quelqu'un dans le viseur ?

Je me défais de son étreinte brusquement :

–Oh, tu vas pas faire comme mes vieux !

–Oh, allez ! On est entre nous, tu peux tout me dire !

J'hésite quelques secondes et finies par souffler :

–C'est difficile.

–Oh ! Celui dans ton viseur est déjà engagé ?

–Non, c'est… plus compliqué.

Je détourne le regard, ne voulant pas qu'elle me voit, elle me dit gentiment :

–Si tu as du mal à avouer quelque chose ou à simplement le garder pour toi, je te conseille d'en parler à Max, c'est le meilleur pour ne pas écouter.

Elle repart de ma chambre en sifflotant, elle ferme la porte et la rouvre aussitôt :

–Au fait, si jamais tu t'ennuies un soir, tu peux descendre, il y a toujours une ou deux personnes de réveiller vu qu'on est tous plus ou moins nocturnes.

Elle referme la porte en me faisant au revoir de la main. Je mets quelques minutes avant de reprendre mon emménagement, je prends un peu de recul et ma chambre est juste fonctionnelle :

–Ça change pas trop de chez moi.

Je décide de prendre une bonne douche et me change, je m'assois sur mon lit et allume mon téléphone, je regarde l'emploi du temps pour demain :

–Rien avant quatorze heures ?

Mon professeur de physique ayant disparu sans laisser de trace, c’est du moins ce que m'a dit James, et ce n’est pas un coup des six, avait-il ajouté, mon emploi du temps est rempli de trous. Je regarde l'heure, il est vingt-deux heures. Bon allons voir ce que font les autres, je sors de ma chambre pour atterrir dans le couloir, il fait très sombre, l'endroit est à peine éclairé par la lune. Je descends doucement les escaliers, j'entends des voix venir du deuxième étage, la porte du milieu est entrouverte et laisse passer le rai de lumière d'une lampe, je me rapproche et entends Max parler :

–Vas-y dis-moi tout, je n'écouterai rien.

Cynthia lui répond :

–J'ai encore fait ce rêve. C'est comme si on m'éventrait à chaque fois, qu’on me dévorait de l'intérieur. Je ne sais pas comment fait Aziz pour supporter tout cela. Moi, j'ai de plus en plus de mal, j'en suis rendue à me demander si je ne suis pas folle parfois… quand une crise de panique ou un rêve surviennent, j’arrive à garder mon calme. Je ne sais pas pour combien de temps encore, mais je continuerai de me battre ! Je me pose toute sorte de questions, tout le temps… Tu ne t'es jamais demandé où sont tes armes, où sont les marches, ou si ton cœur bat ?

–....

–Après tout ce que j'ai enduré, tout ce que j'ai vu et tout ce que j'ai fait, je me dis que ce doit être un coup du karma…

Un très long silence s’installe, j’entends Cynthia inhaler et elle soupire :

–Ça fait du bien d'extérioriser quand même, Max, c'est fini.

–Tu disais ?

–Je devais te parler à propos de la suite, tu penses qu'elle s'en sortira ?

–Je l'ai entraînée et elle ne se débrouille pas trop mal.

–Tant mieux alors, je sais pas combien de temps, on aurait encore tenu.

–Oui, les extrêmes s'effritent jusqu'à devenir normal.

–Tu penses qu'on réussira au moins à les trouver ?

–Difficile à dire, mais son arrivée nous a dotés d'un nouveau moteur, reste à savoir combien de temps, il tiendra.

–Tu lui as parlé de la haine ?

–J'attends le moment propice, disons que ce n’est pas utile pour elle de le savoir maintenant.

–Tu t'en rappelles de notre premier repas avec elle, j'ai cru que Taïba allait la frapper.

–Ç'aurait été drôle, mais bon, vu qu'elle lui a présenté Claire.

–Que comptes-tu faire ? À ce sujet ?

–Je pense qu'elle devrait prendre une retraite anticipée, mais tu la connais, elle est têtue.

–Tu peux être gentil parfois.

–Je suis toujours gentil.

–Pas quand tu n'écoutes rien.

–Je le dis très clairement avant de commencer, si tu veux que j'écoute il faut me le dire.

C'est quoi ce dialogue de sourd ?

–Tu es imprévisible comme à ton habitude, je vais faire une dernière vérification et je vais me coucher.

–Bonne nuit à toi.

Je fais semblant de descendre les dernières marches tranquillement, il faut que je reste impassible, j'ai entendu une conversation qui me concernait et qu'ils voulaient probablement pas que j'entende, je voie la porte s'ouvrir en grand :

–Salut Cynthia.

–Salut Rose, tu es encore debout à cette heure-ci ?

–Je pourrais te poser la même question, mais c'est Taïba qui m'a dit qu'il y avait toujours quelques personnes debout.

–Elle a raison, mais moi, je vais me coucher, il n'y a que Max qui est encore debout, il est ici.

Elle me montre la salle d'où elle sort :

–C'est la salle de lecture, mais David te l'a sûrement déjà présenté.

Elle part vers le premier étage :

–Je vous laisse vous amuser tous les deux.

Je rentre dans la salle de lecture, c'est une sorte de bibliothèque où s'entassent toutes sortes de livres, ça va des magazines aux bandes dessinées en passant par les romans. Max est assis sur une chaise qui a l'air d'être confortable, il y en a plusieurs dont une face à lui, sûrement celle où Cynthia s'était assise, Max qui est plongé dans sa lecture me dit :

–Salut Rose, quel bon vent t'amène ?

–J'ai l'impression que tu ne fais que lire de tes journées.

Il me répond légèrement agacé par ma remarque :

–Et ?

–Rien, je voulais savoir si tu connaissais la bibliothèque.

–Je la connais par cœur.

–Tu me conseilles quelque chose à lire.

–Ça dépend, tu aimes quoi ?

Je n'ai pas lu énormément de livre dans ma vie, mais j'aime bien lire différents styles, je lui réponds donc :

–J'aime un peu tout.

Il se lève sans dire un mot et passe son doigt sur les couvertures poussiéreuses, il sort un gros livre et me le donne, je lis le titre et demande dubitative :

–L'histoire de la hache ? Tu as des goûts vraiment bizarres !

Max se remet sur sa chaise en déclarant :

–Toute lecture est intéressante, ce livre t'aidera à mieux visualiser ton arme dans le Somnium.

Je regarde le sommaire, plus de cinq cents pages, je dis désespéré :

–Chuis obligée de tout lire !?

–Ce livre contient des images des haches en question, regarde s'il y a un design qui te plaît.

Je m'assieds sur la chaise en face de lui et feuillette le gros livre, je m'arrête sur certaines pages qui m'intriguent plus qu'autre chose, puis après quelque minutes de silence, je brise l'ambiance en demandant :

–C'est toujours calme ici ?

–Ça dépend, David met de l'Antonio Vivaldi, alors que Shu met Spyair.

Qui sont ces personnes qu'il vient de me citer ?

–Je les connais pas.

–En gros, les styles musicaux vont du classique aux plus obscurs rocks qui puissent exister.

–Tu arrives à te concentrer avec tout cela ?

–Plus que maintenant.

–Désolée.

Il éclate de rire et ferme son livre, je lui demande, intriguée par ce changement soudain d'état d'esprit :

–Qu'est-ce qui te fait rire ?

–Tu n'as pas l'air de réaliser qui tu es à présent.

Je lui réponds sans réfléchir :

–Je suis moi, simplement. Sérieux ! Tu veux que je réponde quoi !?

–Mais tu n'es déjà plus humaine. Tu vas être considérée comme une monstre par la plupart des personnes vivant dans ce monde malade et tu demandes pardon ? J'aurais tout vu !

–Dit comme ça.... Je…. peux te poser une question ?

Il me regarde droit dans les yeux, impatient de connaître mon interrogation :

–Demande-moi ce que tu veux.

–À quoi je sers ? Être sept n'est pas suffisant ?

Il penche sa tête en arrière et me répond en se remettant bien droit :

–Ça fait plusieurs années qu'on va dans le Somnium, mais ça ne fait qu’environ trois-quatre ans qu'on efface les personnes. C'est un peu fatiguant, tu es notre nouveau moteur, notre deuxième souffle, être sept ne suffit plus, hier, on a pu tous venir, mais on a rarement l'occasion de pouvoir être libre tous en même temps.

J'en reste bouche bée, il n'a pas essayé de me cacher ce qu'il a dit avec Cynthia, voyant ma confusion, il me demande :

–Qu'y a-t-il ?

–Je suis un peu perdue.

–Dis-moi ?

–Pourquoi m'avoir choisi ?

–David et Cynthia ne te l'ont pas dit ? Peu de personnes peuvent sortir du Somnium vivant, c'est d'ailleurs pour cela que Claire ne fait pas partie du groupe.

–Et vous alors ?

–Les premières fois qu'on est allé dans le Somnium, on ne savait rien de tout cela, on ne l'a appris qu'après l'arrivée de David dans le groupe.

–Qu'est-ce qui s'est passé ?

–C'est Gloriam, pour tout te dire, Gloriam est un habitant du Somnium et si on se réfère à ce qu'il nous a dit, il a croisé énormément de monde dont certain personnage célèbre, notamment Caligula.

–Qui ça ?

–Un empereur romain mégalomane, tyrannique et qui souffrait d'un sérieux complexe de dieux pour faire court.

Un empereur ? Romain qui plus est ?

–Tu veux me faire croire que Gloriam aurait plus de deux-mille ans ?

–C'est possible, après tout le Somnium n'existe pas, m’annonce Max ironique. Gloriam a dit aussi que le Somnium n'était pas aussi vaste avant, nous avons tous fait énormément de recherche pour en savoir plus et cela fut en vain, nous avons appris qu’il existait des sortes de sacrifice païen pour la déesse Invidia, la version romaine de la déesse Némésis des Grecs, apparemment pour eux le Somnium fut créé par cette déesse qui demandait des sacrifices humains et deux personnes ont à peine décrit cet endroit, il y a Xavier Forneret et Howard Phillips Lovecraft connue tous les deux pour être devenue fou.

–Un endroit qui existe depuis si longtemps créer par des sacrifices humain, mais dont seuls des fous en ont parlé ? Cela ne m'étonne pas que personne ne connaisse cet endroit.

–Tu l'as dit.

–Une autre question ?

–Je t'écoute.

Même si j'ai envie d'aborder le fait qu'il vive avec des nationalités étrangères, je me retiens et pose une autre question :

–Taïba a dit que tu étais une sorte de confident ?

–Mouais, on peut appeler ça comme ça.

–Pourquoi toi particulièrement ?

–La réponse se trouve dans ta question, car je suis particulier.

–Vous l'êtes tous.

–C'est vrai, nous sommes tous particuliers, je suppose que tu te demandes pourquoi je traîne avec eux ? Pourquoi un groupe de personnes aussi éclectique avec différentes nationalités reste ensemble ?

Vu qu'il aborde le sujet, je suppose que je peux demander plus d'explications :

–Tu es français non ? Tu sais très bien que c'est mal vu de faire ça.

Si jamais il arrive quoique ce soit avec les autres, il pourrait être considéré comme un traître envers l'État. Il prend une profonde inspiration :

–J'ai compris où tu voulais en venir, tu te demandes pourquoi quelqu'un se mettrait exprès en danger comme ça ?

–À cause de cette guerre froide, s'il y a le moindre petit problème, tu risques de trinquer.

–En plus de cela, tous les pays sont à couteaux tirés, la seule chose qui évite une énième guerre mondiale, c'est notre groupe.

–Hein ? Comment ça ?

–La moindre petite étincelle et tout le monde explose, une fois qu'ils nous auront trouvés. Ils vont tous mettre la responsabilité de nos actes sur le dos des autres et ça se terminera par des gros "boums" ! L'échelle de la terreur n'y changera rien.

–On est foutu quoi qu'il puisse arriver ?

–Tant qu'ils ne nous trouvent pas, tu ne trouves pas cela dingue ? Tous les pays signent des accords avec un couteau dans le dos et dès qu'une puissance les dépasse, ils s'unissent ensemble sous la même bannière.

–Vous faites tout cela pour éviter une nouvelle guerre ?

Il se met à rigoler et me répond sur un ton des plus sérieux :

–Ahahah ! Pour ma part non, ce monde peut bien crever, j'en ai absolument rien à foutre, je le hais.

Il pense sérieusement à ce qu'il vient de me dire ?

–... Bordel de merde ! Tu es sérieux !?

Je ne le comprends pas, comment il peut détester ce monde à ce point ? Il me répond le sourire aux lèvres :

–On ne peut plus sérieux, les deux choses qui me retiennent de mettre le feu aux poudres, c’est mon but et ma famille, ils me sont tous précieux.

Je suppose qu'il veut parler des autres membres de son groupe, je reste silencieuse et voyant que je ne prononcerai aucun son, il ajoute :

–Je ne me le pardonnerai jamais et eux non plus, même si Aziz, lui, me rirait au nez.

–Comment tu peux penser comme ça ?

–On ne m'a toujours laissé que deux choix, je n'ai jamais choisi ceux qu'on me laissait.

–Que veux-tu dire ?

–C'est très simple, tu es plutôt chien ou chat ?

Je le regarde, il est très sérieux, il ne changera pas de sujet tant que je ne lui répondrais pas, je souffle :

–Va pour le chat.

–Moi, c'est les lapins.

–Mais ?

–Je te l'ai dit, on ne m'a toujours laissé que deux choix, je prends le mien, pas ceux qu'on m'impose. C'est l'une des raisons pour laquelle je hais ce monde, on te force à choisir entre deux solutions sans te laisser t'exprimer. Une fois que t'a choisi, on t'enchaîne à ce choix et on te juge, on juge ton choix, certains vont te juger sans même le savoir en te pointant du doigt.

Je baisse la tête, cela me fait penser à moi, je lui demande :

–Je vois et si on est indécis face à un choix ?

–Fais comme moi et fais ton choix, pas celui que l'on t'impose.

–Quand les deux choix t'intéressent et que ça concerne deux personnes différentes ?

–Je suppose que tu ne veux pas choisir les deux ?

Je le regarde de nouveau, décelant une pointe d'espoir au fond de moi en entendant cela :

–Tu penses que c'est possible ?

–Vu que je n'ai pas le contexte, je dirai oui, sinon tu n'en choisis aucun, en vrai quand on te laisse que deux choix, tu en as quatre au minimum.

–Oui, c'est logique.

–Si t'a envie d'en parler, je peux ne rien écouter.

Je fais un petit rire :

–Tu es décidément bizarre Max.

–On me le dit souvent.

Il se lève et va vers la porte :

–Tu peux prendre le livre avec toi si tu veux, ça t'évitera de devoir descendre à chaque fois.

Je prends le livre et suis Max :

–Tu vas te coucher ?

–Oui. Oh ! Oh fait ! Demain, il y a du monde ici donc si tu veux manger avec nous...

–J'en prends note.

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