OMBRE

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J'atterris sur mes deux pieds sans la moindre douleur, mais qu’est-ce qui se passe ici ? L'homme serpent est juste à côté de moi :

–Désolé, je fais ça pour ton bien ! Dit-il

Une violente douleur m'assaille le crâne et je tombe à terre. J'ai l'impression que ma tête va exploser, je n’arrive tout simplement pas ouvrir les yeux, j’entends pas très loin de moi :

–Qu'est-ce qui t'a pris Zavist’ ?!

J’ai du mal à distinguer quoique ce soit, j’essaye de me concentrer sur ce que disent les personnes autours de moi :

–Je ne savais pas que quelqu'un se suicidait et puis si ça se trouve, c'est la dernière, va savoir.

–Hum… Vous voulez que je la surveille ? Le temps de faire la reconnaissance des lieux.

–Ne t'en fais pas Gloriam, si elle est la dernière comme le pense Zavist’, elle sera toujours en vie quand on reviendra.

–Si tu le dis Gula.

J'entends les pas s'éloigner, puis plus rien, je m’écroule dans les limbes. Je finis par ouvrir lentement les yeux, ma tête me fait souffrir le martyre, je me relève et m'adosse contre un mur, je suis restée ici combien de temps ? Je jette un œil à mon poignet, une dizaine de minutes environ sépare la dernière fois que je me suis inquiétée de l’heure qu’il était, je respire un grand coup et regarde les alentours. Je suis dans une pièce carrée rouge et noir, du sol au plafond tout est rouge et noir :

–Mais où est-ce que je suis ?

Il n'y a absolument rien. Pas de meuble, pas de porte, juste cette pièce rouge et noire ouvrant sur un couloir toujours rouge et noir. Je me touche la tête :

–Tsss.

J'ai une grosse bosse :

–Je suppose que je suis encore en vie, à moins que ce ne soit l'enfer ?

J'espère que je suis bel et bien morte. Je me lève, mon dos me lance. Pas de doute : je ressens la douleur. Reste à savoir comment sortir d'ici. Je sors de la pièce carrée et atterris dans un couloir en T. Trois chemins. Pas le choix, je pose ma main sur le mur de droite et suis le chemin, cet endroit est un énorme labyrinthe, je finis par regarder ma montre, cela fait deux heures que je suis le chemin, je soupire :

–Alors c'est ça l'enfer ? Un labyrinthe sans fin ? J'aurais vu plus cruel comme torture.

Ma main touche quelque chose de mou et rond. Je tourne la tête, une femme avec un masque horrible de Sanglier se tient devant moi. Je fais un bond en arrière :

–Ah ! Bordel de merde ! Qui t'est ? Tu es avec l'autre là, masque de Serpent ?

Elle me répond imperturbable, sa voix cassée reconnaissable entre mille :

–Tu pourrais t'excuser de m'avoir p’lotée d'abord.

J'ignore cette demande et essaie de changer de sujet :

–Comme si j'avais fait exprès de toucher ta poitrine ! On est où là ?

Maintenant que je me suis calmée, je m’aperçois que la femme devant moi fais ma taille ; moi qui étais si fière de mesurer 170 centimètres, mis à part sa taille ; sa corpulence légèrement imposante montre que la gourmandise doit être passée par là, elle porte une veste en jean rembourrée qui laisse paraitre ses rondeurs, dessous un décolleté noir plongeant sur sa poitrine, qui comparer à la mienne est énorme, une ceinture de la même couleur que sa veste retient un jean trop grand pour elle. Elle soupire :

–Je ne sais pas où on est exactement, de plus c'est compliqué à expliquer. Nous, nous appelons cet endroit Somnium.

Somnium ? Bon ce n’est pas plus bizarre que tout ce que je viens de voire, si elle fait bien partie des terroristes qui sont passés au journal télévisé, elle doit connaître la sortie de cet endroit :

–Très bien, comment on sort ?

Elle a un fou rire :

–Ahahahah ! Sortir ? Personne ne peut sortir de ce cauchemar !

Je reste imperturbable :

–Très drôle ! Tu vas me faire croire que toi et ton ami masque de Serpent, vous rentrez dans ce “Somnium” sans jamais en ressortir ? S'il y a une entrée, il y a forcément une sortie.

Elle reprend son air sérieux :

–Au moins, tu n'es pas conne comparée à certaines personnes qui arrivent ici par hasard.

Elle me testait ? Elle finit par partir dans la direction d'où je viens, je lui demande, intriguée :

–Qu'est-ce que tu fais ?

–Si tu veux vivre, c'est par là ! M'ordonne-t-elle en me montrant du doigt le chemin.

Je la rejoins en disant d’un ton méfiant :

–Je suppose que tu sais ce que tu fais.

Après quelque pas, elle lâche froidement :

–Gula.

Gula ? Je répète pour en être sûre :

–Gula ?

–Ici, tu m'appelleras Gula.

–Très bien Gula, où va-t-on ?

Elle souffle visiblement agacée par mes questions :

–Juste, pourquoi est-ce que je suis obligée de me coltiner quelqu’un comme toi ?

Elle commence à m'agacer, je n’aime absolument pas quand je reste dans l’ignorance :

–T'avais qu'à pas prendre la droite !

Quelque chose me touche l'épaule, je me raidis. C'est une voix bizarre comme si un homme et une femme parlait en même temps qui prévient :

–Hum… Gula, arrête d'embêter notre invitée, surtout si c'est bien la dernière.

Elle souffle de nouveau :

–Je n'suis pas patiente, Gloriam.

Je tourne la tête, un être informe de près de deux mètres de haut avec deux gros yeux rouges inexpressifs me touche l'épaule, je hurle face à cette vision d’horreur :

–Ahhhh !

Je me cache derrière Gula. Je sens qu’on me touche encore l'épaule, je tourne la tête, l'être informe est toujours derrière moi :

–Ahhhh ! Pourquoi vous vous amusez tous à me faire peur ?

Gula m’ignore complètement et dit à cet être :

–Tu comprends maintenant pourquoi je perds patience.

Ses yeux rouges se tournent vers elle et après quelques secondes de silence, lui dit :

–Hum… Je vois, je vais prévenir Zavist’ que tu vas à l'entrée.

–Je vous attendrai pour savoir ce qu'on fait d'elle.

L'être informe disparaît dans mon ombre. Gula avance comme s'il ne s’était rien passé, je réduis la distance entre elle et moi, encore apeurée par le fait qu’un monstre puisse apparaître derrière moi comme par magie :

–C'était quoi ça ?

–C'était qui !

Elle appuie sur le qui, je reformule :

–C'était qui et c'est quoi ?

–Gloriam un habitant de ce monde.

J’enregistre l’information, je ne suis même plus surprise qu’il y ait des habitants dans ce monde tout droit sortis de l’esprit d’un fou. Nous déambulons dans le labyrinthe, ma nouvelle “copine” de voyage n’étant pas des plus loquace, je lui demande :

–Du coup, tu fais partie de ce groupe ?

Elle grogne et me répond sèchement, comme si je venais de poser une question idiote :

–À ton avis ? Qui aurait envie de se balader avec un masque dans un endroit pareil.

Je suis gênée par ce qui sonnait comme une remontrance pour moi, je me fais plus petite et répond :

–Dit comme ça.

Gula s'arrête net à un croisement, je lui demande, intriguée par son arrêt soudain :

–Qu'est-ce qu'il y a ?

–Fuck ! Cache ton visage !

Gula stress, sa voix la trahit, je fais machinalement ce qu'elle dit :

–Tu vas rapidement rejoindre le point de rendez-vous ! M'ordonne-t-elle

–Pourquoi ?

–Ils arrivent.

–Qui ça ?

–Les ombres.

Une arme apparaît dans ses mains, qu’elle est cette magie ? :

–Euh ! C'est quoi ça ?

–Elle s'appelle Poppy.

Elle me montre son arme et je peux deviner avec son intonation de voix qu’elle sourit. Je sens des secousses qui deviennent de plus en plus fortes, une sorte de marée noire fonce sur nous, je hurle face à cela :

–C'est quoi ce monde qui ne fait aucun sens ?!!

Gula pointe du doigt le couloir de droite :

–Le labyrinthe se déplace. Il faut absolument que tu prennes ce chemin, ensuite, c'est haut, haut, bas, bas, gauche, droite, gauche, droite, porte B puis porte A, moi, je vais les retenir !

Je fais ce qu'elle dit et prends la direction indiquée. J'entends des bruits d'explosions, je me retourne, c'est l'arme de Gula qui provoque ces explosions, son arme, c'est un lance-grenades ? Je l'entends hurler :

–Com’on baby ! Me dit pas que c'est tout ce que tu sais faire !

–Oh bordel de merde ! Je vais me réveiller.

Ne t’en occupe pas, n’oublie surtout par les indications de Gula, haut haut, bas bas, gauche, droite, gauche, droite, porte B après quelques minutes de course, je finis par arriver à la porte A, je suis complètement essoufflée :

–Et ben l'enfer ça rigole pas !

Aussi bizarre que cela puisse paraître, je n’ai pas recroisé Gula une seule fois. Une main qui me touche l'épaule me fait sursauter :

–Nous ne sommes pas en enfer, mais dans le Somnium.

Je me tourne, c'est de nouveau Gloriam :

–Ah ! T'es obligé de me faire peur à chaque fois putain !

–Oh ! Mais c'est la charmante dame qui voulait se suicider, j'espère que je ne t'ai pas trop fait mal.

Si je me souviens bien, son nom commence par "Za" quelque chose :

–Et comment tu t'appelles ?

–Je suis le seul et l'unique ! Зависть ! Me dit-il en toute désinvolture et en faisant la révérence, je fais partie du groupe terroriste qu'on surnomme les Six bla bla bla, ah ! Franchement, je comprends pas les journalistes, à chaque fois, on dit que nous sommes les 7 péchés capitaux, normalement ça leur ferait un max d'audience de garder notre nom…

–Zavist' tu en dis trop. le coupe Gloriam.

Il s’approche de moi en faisant signe avec ses bras de sa reddition, maintenant que je peux l’observer ; je remarque qu’il fait une tête de plus que moi, un manteau vert qui atteint ses genoux dont les extrémités sont recouvertes de fourrure synthétique, dessous une marinière bleu foncé cache sa peau ; vu sa morphologie, il pourrait être mannequin et il porte un jean un peu délavé par le temps. Il regarde les alentours :

–Où est Gula ? Me demande-t-il anxieux.

–La dernière fois que je l'ai vue, elle utilisait une sorte de lance-grenades.

Les yeux rouges de Gloriam se tournent vers Zavist’ :

–Hum… Si elle utilise Poppy, c'est qu'il va y avoir de la résistance.

Zavist’ à un léger rire avant de répondre :

–Parfait ! Ça ne fait que prouver qu'on est sur la bonne voie.

Je les regarde interloquer et ose demander :

–On peut m'expliquer ce qui se passe ?

–Non ! Me disent-ils simultanément.

Je commence à en avoir marre que tout le monde me laisse dans l'ignorance, sans compter le fait que cet endroit ne fait aucun sens :

–Pourquoi ?

–Tu n'es rien ici et puis je n'ai pas envie d'expliquer quoi que ce soit à quelqu'un qui a envie de mourir. Me répond froidement Zavist'.

Gloriam ajoute :

–D'autant plus qu'on n'est même pas sûr que tu continueras à vivre.

Continuras à vivre ? Je lâche un “Quoi ?”, Zavist’ m’explique :

–La falaise d'où tu as sauté, tu t'es jamais demandé pourquoi les autorités n'ont pas plus sécurisé l'endroit ?

Je lui réponds naïvement :

–Car personne ne se suicide ici.

Il rit à s’en tenir les côtes :

–Ahahah ! Si tu savais, depuis qu'on traîne dans le coin, j'ai vu environ une bonne dizaine de personnes sauter de cet endroit.

Intriguée par cette information, je lui dis :

–Les infos n'en ont jamais parlé ?

–Car ils atterrissent tous dans le Somnium.

Je suis estomaquée, je ne suis pas la première à essayer de sauter de cette falaise ? :

–Ils sont morts ici ?

–Молодец ! La plupart n'ont même pas le temps de toucher le sol avant de mourir, les autres errent jusqu'à leur mort.

Je souffle :

–Génial, comment on sort ?

Il me montre l’endroit par laquelle je suis entrée, la pièce ou j’ai atterri :

–Prends cette porte ! Si tu vis toujours, elle te fera sortir, sinon tu mourras.

Je suis peut-être morte ? J’ai l’impression d’être une cobaye pour l’expérience du chat de Schrödinger, je demande plus d’explication :

–Comment ?

–On a déjà essayé de sauver une personne avant. Il est mort en essayant de sortir, nous n'avons jamais retrouvé son corps. Pour toi, c'est quitte ou double.

Donc, je vis encore, ma tentative a échoué on dirait, le destin me laisse encore un sursis, j'assimile l’information et lui dit :

–J'espère que tu ne me mens pas ?

–Pourquoi je m'embêterai à mentir à la probablement dernière ?

Mais qu’est-ce qu’il me raconte encore :

–Dernière ?

–Notre groupe est incomplet, si tu survis, tu pourrais très bien rejoindre notre groupe, comme tu pourrais juste vivre ta vie monotone et chiante.

Un léger rictus se dessine sur mon visage :

–Vous me laisseriez partir aussi facilement ?

Il hausse les épaules et me répond, amusé :

–Qui te croirait ? D'autant plus que tu ne connais pas nos visages, autant dire que tu n'as aucun moyen de pression.

J'entends des bruits de pas qui se rapprochent, Zavist’ ne tourne même pas la tête et dit :

–Tu as été longue Gula.

Elle lui lance, exaspérer :

–Comme la plupart des femmes, je faisais le ménage.

Gloriam apparaît derrière elle, intrigué :

–Ahhhh bon ? Hum… Alors c’est comme ça que ça fonctionne ?

–Dans la majeure partie du monde malheureusement, dit-elle maussade.

–Intéressant, j’en prends note.

Gloriam ne bouge absolument pas, il suit juste l'ombre de Gula, Zavist’ sort un livre de la poche de son manteau :

–Tiens Gloriam ! Paresse m'a demandé de te donner ce livre.

Gloriam passe dans l'ombre de Zavist’ et est tout excité :

–Chouette ! Je viens de terminer "Le petit prince".

Il prend le livre et lit le titre :

–l'Épopée de Gilgamesh.

–L'un des plus anciens, voire Le plus ancien récit épique de notre Terre. L'informe Zavist’

–Ç'a l'air chouette.

–C'est largement différent du petit prince, mais bon si ça t'amuse.

Gloriam est obnubilé par le livre :

–Tu lui as dit que c’était pile ou face pour elle ? Demande Gula.

Zavist’ acquiesce :

–J'ai déjà expliqué l'essentiel, je sais que tu détestes ça.

Gula se tourne vers moi et me dépasse :

–Les autres ont déjà dû commencer, tu viens ?

–J'te suis.

Zavist’ me dépasse aussi et passe la porte, ils disparaissent, je regarde autour de moi, Gloriam aussi a disparu :

–Oh, mais c'est pas vrai ! Pourquoi c'est toujours moi ?

Autant que je vois ce que cette opportunité a à m’offrir. Je passe la porte et tombe dans un trou :

–Pourquoi y a pas de sol ?!

Je tombe, je tourne sur moi-même, j'essaye misérablement de me stabiliser. J'ai l'impression d'apercevoir le reflet de l'eau, je réussis à ralentir mes tours sur moi-même, j'ai l'impression de devenir une parachutiste, je vois une plage et l'océan, il n'y a absolument rien autour :

–Oh non !

Je me rapproche du sable à une vitesse fulgurante.

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