Come-Back

2 minutes de lecture

D’une faille en soi qui hante, la sensation de ne pas se souvenir, d’un voile moiré qui s’imprime et me tient prisonnier, suspendu, voilà, toujours, ce que je ressentais aux doux moments de solitude, dans l’errance de mon esprit, voilà ce qui, au fond, me condamnait à me suspendre au temps, dans l’équation infinie d’un trouble, quelque part en enfance.

Occulte, j’ai occulté très vite ce phénomène, cette apparition. Des bris de mon enfance, je ne connais les parfums : sont-ils âcres, amers, délétères ? Seul le regard d’un étranger, au détour d’une rue, me renvoie parfois à l’oubli, cet oubli que j’ai désiré, que j’ai tissé au fil des jours jusqu’à vivre, enfin, à l’ombre de mes blessures mortes, les condamner dans le repli sinueux d’une vie en creux, où toujours plane ce fantôme que je ne saurais voir.

Puis, il est revenu au premier avril comme une mauvaise blague, un goût amer, un arrière-goût, au détour de deux « j’aime » : son visage incrusté dans mon ordinateur, son visage en suggestion sur les pages de Facebook, son visage jusque dans mes rêves. Depuis, il susurre mon secret en notes dissonantes, lui dessine à la chaux des contours immondes, et déchire de ses mains glacées, mais chaudes comme un sexe qui brûle, les frontières de mes images inventées.

Il m’a invité à devenir son ami, sans mot dire, me crucifiant devant mon ordinateur. Et les larmes de couler au fil des souvenirs, des souvenirs qui reviennent en trombe comme des flèches, un ressac d’écume acide qui dévore jusqu’aux rives du jour et déchirent, vivaces, les stigmates d’une plaie purulente. Comment ai-je pu oublier ? Comme ai-je pu le bannir alors qu’il était toujours là, au fond de moi ?

Il impose désormais sa musique dissonante à mon quotidien comme un monstre sous le lit effraie, jamais là mais omniprésent avec son sourire de commerçant, ses yeux d’éternel, sa jolie femme, ses merveilleux enfants répandus sur la toile en images d’Epinal ; et moi de disparaître un peu plus chaque jour, jusqu’à débrancher les ficelles de ma vie humiliée, effacer mon nom, mon identité, à jamais, pour devenir un fantôme qui se souvient, le fantôme que je n’ai pas voulu être : l’ombre d’un corps brisé qui se dessine, et la vie, austère et suicidée, qui va avec.

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