2

4 minutes de lecture

« Si les colons martiens, sous prétexte d’une quelconque politique écologique, cherchent à s’approprier le bien commun de l’humanité, la Fédération réagira avec toute la vigueur et la fermeté nécessaires. Le gouvernement fédéral saura rappeler à ces spoliateurs que toute installation martienne est le fruit d’investissements terriens. Aucun minerai, aucune espèce animale, ne saurait en aucun cas relever des seules juridictions locales ou même coloniales. En conséquence, je demande aux États Fédérés de voter l’expédition d’une force de sécurité antiterroriste sur Mars »

Déclaration du Président Mickey W. W. Prumt, cession extraordinaire de la Fédération Solaire – août 2232


Antoine mit un certain temps à reprendre ses esprits, affalé dans l’obscurité. La mémoire lui revint : le choc électrique, la chute contre la cuvette, le silence peuplé d’acouphènes. Tandis qu’il tentait de se relever, un panneau de communication s’alluma et fit jouer des ombres bleutés dans la cabine.

— Bonjour, fit une voix féminine. Je suis Tilajo, votre interface intelligente de gestion de la propreté humaine.

Il sursauta. Dans le lointain, l’écho d’une détonation fit trembler les parois. Après un instant de stupéfaction, il approcha de l’écran.

— Bonjour, Tilajo. Je suis Antoine Septime, coincé dans les toilettes du hall de débarquement. Peux-tu m’aider ?

La voix suave de la machine couvrit les craquements électriques.

— Bien sûr, Antoine. Je vérifie en ce moment l’état des circuits.

Antoine tambourina contre la paroi dans l’espoir que quelqu’un l’entendrait à l’extérieur.

— Le sas s’est pressurisé automatiquement suite à un incident, reprit la machine. L’ordinateur qui gère la base est muet. Je pense que l’alimentation est coupée.

Une explosion ébranla le sol.

— Qu’est-ce qui se passe ?

— Je ne sais pas, Antoine. Je viens de perdre la liaison avec le nœud central. La source d’oxygène de secours vient de s’enclencher. J’en déduis que nous sommes désormais séparés du complexe principal.

— Nom d’une bisque de homard ! Peux-tu me transmettre des images ?

L’écran se troubla, puis afficha un fond de couleur orangé aux contrastes mouvants. L’image du vaisseau de descente, nimbé de décharges lumineuses, noyé dans un brouillard de poussière, s’imprima dans le cadre. Une silhouette mécanique traversa l’écran et disparut par bonds saccadés.

— C’est quoi ce capharnaüm ?

— Nous sommes connectés au réseau de surveillance extérieur, Antoine. Je n’arrive pas à me relier au circuit intérieur.

Il passa en revue toutes les caméras disponibles. Les images montraient un décor fantasmagorique, entrecoupé de silhouettes bondissantes et d’éclairs. Qu’est-ce que c’est que ce bronx en cuisine ?

Une voix lointaine, voilée, résonna dans la cabine, tirant Antoine de sa perplexité :

— Y’a quelqu’un ?

Il leva les yeux vers une bouche d’aération.

— Oui ! répliqua Antoine, la voix grimpant dans les aigus.

— Je suis bloqué dans les chiottes du hall 3 ! reprit la voix.

— Moi aussi ! hurla Antoine en réponse, pétri d’espoir.

— Qui êtes-vous ?

— Antoine Septime !

— Enchanté, Antoine. Moi c’est Richard Martial, seconde classe du régiment de descente de la Marine fédérale. Je n’ai plus d’électricité, impossible d’activer la commande d’ouverture.

— Idem ici !

— écoutez-moi, Antoine. Gardez votre calme et tout se passera bien.

— Ah… mais, je suis calme ! cria-t-il en escaladant le lavabo pour coller son oreille à la ventilation.

— Parfait. Les deux blocs de toilettes, hommes et femmes, sont des modules standards reliés entre eux par une coursive. Théoriquement, ils sont munis d’une soute à oxygène comportant un nécessaire de survie.

— Leur concepteur était un ingénieur prévoyant !

— Il a juste greffé une grappe de chiottes sur un habitacle de survie standard, mais passons. Je n’ai aucun moyen de trouver l’accès dans le noir. Avez-vous de quoi faire de la lumière ?

— Oui, par chance je suis en contact avec le programme qui gère les sanitaires.

— Grande nouvelle ! On fera avec. Demandez-lui de vous ouvrir le compartiment de réserve.

Septime descendit de son perchoir.

— Tilajo, tu es toujours là ?

— Oui, Antoine.

— Il y a quelqu’un de coincé dans une autre cabine des toilettes. Peux-tu communiquer avec lui ?

— Non, Antoine. La liaison a brûlé.

— Il dit qu’il existe un système de survie intégré au bloc de cabines.

— C’est exact, Antoine. Normalement, on y accède par la coursive, mais il existe un conduit qui traverse les cabines. Je vais tenter d’ouvrir le panneau, éloignez-vous de la cuvette.

Une diode se mit à clignoter au plafond. Un chuintement accompagna l’envol d’une trappe latérale. Des rouleaux de papier toilette et des bouteilles de savon liquide plurent dans le réduit, vomis par une vague de mousse rose suivie d’un torrent brunâtre à l’odeur répugnante.

— Bon dieu Tilajo ! Referme la trappe !

— Je ne peux pas Antoine. Une canalisation percée a dû endommager le circuit.

— Malédiction… Combien de litres contient cette cabine ?

— Combien de litres de quoi, Antoine ?

— … de… de merde !

— Le module est prévu pour recycler deux tonnes d’excréments et conserver cinq cents litres d’eau.

Antoine observa le réduit qui se remplissait peu à peu. L’idée de patauger dans deux tonnes de déjections lui retirait toute envie de réfléchir. Il escalada le lavabo et, avec un haut-le-cœur, pénétra dans le conduit de la réserve.

— Antoine ! cria Richard. Qu’est-ce qui se passe ?

La voix lui paraissait soudain plus proche.

— Tout va bien ! Je nage dans un torrent d’immondices, mais tout va bien ! Merci pour l’idée au passage !

— Bravo, mon ami ! Dans la soute, vous trouverez deux scaphandres et divers équipements de survie.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Joe Cornellas ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0