Chapitre 32

9 minutes de lecture

Les mois s’écoulèrent et Marc prenait de plus en plus d’importance au sein de la vie impériale. Depuis qu’il savait que j’étais enceinte, il devenait surprotecteur. Mais en même temps, son changement d’attitude me dérangeait. Il y avait quelque chose qui n’allait pas avec lui, mais je ne parvenais pas à savoir quoi. D’un commun accord, nous avions décidé de ne parler à personne de cette grossesse, par précaution. Voulant me reposer un peu après la réunion du Conseil, je me posais dans mon lit pour lire l’un des journaux intimes de ma mère.


Après plus d’une heure de lecture, je repérais un passage très important. En le lisant plus attentivement, je compris que ma mère évoquait la mère de Stephania et surtout sa mort. Depuis tout ce temps, la réponse était ici. Ma mère avait bien assassiné la mère de Stephania au cyanure, par l’intermédiaire d’un soldat qu’elle avait obligé en s’en prenant à sa famille. Ma mère était diabolique et ce que j’apprenais sur elle ne faisait que me le confirmer.


Sans perdre une seconde, j’en informais Stephania qui me répondit aussitôt. Elle me proposait de la rejoindre chez elle, à Carandis. Ce serait aussi l’occasion de visiter son pays et surtout pour qu’on puisse discuter seule à seule en toute discrétion. Je ne faisais pas encore suffisamment confiance en Marc pour tout lui dire, mais surtout pour évoquer ma mère devant lui. Il m’avait peut-être fait comprendre qu’il n’avait aucun lien avec elle, ses frontières ayant été fermées pendant le règne de ma mère, mais on ne pouvait jamais vraiment savoir.


C’est ainsi que moins d’une semaine plus tard, je montais pour la première fois dans un avion pour rejoindre Stephania dans son Reinaume. L’avion atterrit à Berrandis, Capital de Carandis. À peine, arrivée, le froid me frigorifiait. Je resserrais mon manteau sur mes épaules et apprécie le chauffage de la voiture. En arrivant dans la cour du palais de Stephania, je fus stupéfaite par la beauté du bâtiment. D’un blanc lumineux, j’avais l’impression qu’il s’agissait d’un palais de glace où la lumière du soleil s’y reflétais.


Son palais était l’opposé même de mon château. Le marbre à l’opposé de la pierre, la clarté et non l’obscurité. Fascinée, je n’aperçus même pas Stephania se rapprocher, suivie par ses soldats en gris et rose, les couleurs de son Empire. Compréhensive, elle attendit que j’aie terminé de tout observer.


— Bienvenue, Elena, vous avez fait bon voyage ?

— Prendre l’avion c’était un peu… étrange, mais ça allait. Votre palais est sublime.

— Merci. Rentrez avant d’attraper froid. Vous avez plus l’habitude du soleil que de la neige.

— C’est vrai. J’ai dû refaire ma garde-robe par conséquent pour venir ici. Mais pour le moment, je ne regrette vraiment pas d’être venu. Toute cette neige, vos paysages sont magnifiques.

— Les vôtres le sont aussi. Emma n’est pas venue avec vous ? m’interrogea-t-elle en ne la voyant pas.

— Non, elle doit veiller sur un jeune valet promis à un grand avenir.

— Vous êtes venue seule ? Sans domestique ?

— En effet, mais ne vous inquiétez pas, je n’en ai pas besoin. J’ai même voulu venir sans soldats, mais…

— Le plus haut gradé de votre armée a insisté, je présume.

— Exactement.


Stephania m’incita à la suivre à l’intérieur du palais jusqu’à une pièce de taille moyenne. Peu décorer, elle n’était équipée que d’une table basse et de divers fauteuils autour d’un feu de cheminée. C’était comme le four à bois inutilisable de la cuisine, mais pour chauffer la pièce. Le feu bougeait en un rythme régulier tel une musique. Bercée par le balancement des flammes, je n’entendis pas Stephania me proposer une boisson. Ce fut seulement l’arrivée de son mari qui me sortit de ma rêverie.


— Steph, où est-ce que tu as rangé ma console ? l’interrogea-t-il.

— Elle est juste devant toi idiot. Mais viens donc saluer notre invité au lieu d’aller t’enfermer dans la chambre.

— Excusez-moi Mademoiselle, je ne vous avais pas vu.

— Ce n’est pas grave. Elena De Stinley, ravie de vous rencontrer. Vous devez être le fiancé de Stephania.

— C’est moi, Dany.

— Dites-moi, avez-vous reçu l’invitation pour notre mariage ? enchaîna Stephania

— Non. Enfin c’est Marc qui a réceptionné le courrier dernièrement.

— Étrange. Soit vous ne l’avez vraiment pas reçu, soit il ne vous l’a pas fait parvenir.

— Pourquoi aurait-il fait ça ?

— Je ne sais pas, c’est votre mari, pas le mien.

— J’en discuterais avec lui.

— En tout cas le mariage est dans un mois jour pour jour. Nous voulons nous marier avant que ma grossesse ne soit visible.

— Vous êtes enceinte ? Félicitations.

— Et vous, c’est pour quand ?

— C’est compliqué, mentis-je. Même c’est l’une des clauses principales du contrat de mariage, nous ne prenons pas vraiment le temps.

— Je comprends.

— Steph, il faut vraiment que j’aille jouer là. Mes potes m’attendent pour commencer un donjon.

— Très bien, vas-y, mais soit là pour le dîner.

— Merci mon amour.


Tel le couple le plus heureux du monde, il l’embrassa en souriant avant de se dépêcher de partir. Je n’avais rien compris à ce qu’il devait faire de si urgent, mais il avait l’air heureux de le faire.


— Excusez-le. Dany est ce que certains appelleraient un geek. Il passe plus de temps sur ses jeux vidéo qu’avec moi.

— Et ça ne vous dérange pas ?

— Non. Comme je travaille beaucoup, le peu de temps qu’on se voit, on en profite à fond.

— Je ne peux que vous comprendre.


Une dizaine de minutes plus tard, la gouvernante de Stephania nous apporta des chocolats chauds et des pains au chocolat. Dès qu’on fut seules, on commença enfin à parler de l’assassinat de sa mère. Dès qu’elle était montée sur le trône, elle avait immédiatement demandé l’ouverture d’une véritable enquête sur sa mort. Le peu d’informations que les enquêteurs avaient trouvées menait toutes à la même piste, l’Empire. Que ce soit l’homme payer pour empoisonner sa mère, l’origine du cyanure ou même les correspondances qu’elle avait entretenues avec ma mère avant sa mort. Mais il y avait une chose qu’aucune de nous deux ne parvenions à comprendre. Pourquoi n’avait rien fait pour se protéger, alors qu’elle avait reçu plus d’une dizaine de menace de mort ? Et surtout, comment cet homme venu de l’Empire avait-il pu se rendre en Carandis aussi facilement ? Les frontières avaient été fermées durant le règne de ma mère et le Reinaume de Stephania n’était pas un territoire frontalier de l’Empire d’Eryenne. Il fallait traverser tout un royaume, voir deux pour s’y rendre. À chaque réponse, plusieurs questions s’ajoutaient à ce meurtre non résolu. Mais tout ce qui importait réellement à Stephania c’était de connaître les circonstances de la mort de sa mère.


Profitant de ma présence en Carandis pour quelques jours, Stephania me fit visiter sa Capitale. Contrairement à Glenharm, toute les bâtissent semblait presque neuve. Les Carandiens semblaient heureux et tous saluaient leur Reine avec le sourire. Quand une petite fille d’environ deux ans s’approcha d’elle en courant, son visage s’illumina et elle se baissa, les bras ouverts pour l’attraper.


— Salut toi, qu’est-ce que tu fais ici ?

— Sossure !

— Cette demoiselle avait besoin d’une nouvelle garde-robe, Votre Majesté, enchaîna la jeune femme qui l’accompagnait.

— Avez-vous besoin de plus d’argent pour les autres ?

— Non merci. Vous nous en avez donné suffisamment pour toute l’année.

— Ariana, je vous présente Elena, Impératrice d’Eryenne. Elle est en voyage ici pour quelques jours.

— Je suis enchantée de vous rencontrer, Votre Majesté. Je suis Ariana, directrice de l’orphelinat parrainé par notre Reine.

— Jusqu’à ma discussion avec votre père, reprit Stephania, j’ai toujours cru que c’était dans cet orphelinat que ma mère avait grandi. Mais même en ayant appris la vérité, je me suis attachée à ses enfants et je ne voulais pas les abandonner après tout ce que j’avais fait pour eux.

— Ce que je comprends totalement.


Tout au long de cette journée découverte, je rencontrais plein de personnes importantes pour Stephania. La visite de l’orphelinat me toucha le plus. Avoir discuté pendant près de deux heures avec ses enfants me donnait envie de faire de même en Eryenne. D’aider les orphelinats à subvenir aux besoins des enfants sans parents. Emma m’avait aidé en devant en quelque sorte ma mère, à moi, maintenant, d’aider ceux qui n’avaient vraiment pas de parents. En fin de soirée, je reçus un appel d’Océane. Je souriais à Stephania, qui discutait avec son fiancé et sortie dans la cour, juste à côté, pour lui répondre.


— Je suis contente de t’avoir au téléphone ? Comment tu vas mon amour ? commença-t-elle.

— Plus que bien. Tout chez Stephania est magnifique. Il y fait très froid, il y a beaucoup de neige, mais le reflet du soleil sur tout ce blanc, c’est incroyable.

— C’est vrai que la dernière fois qu’il y avait de la neige à Glenharm c’était quoi… quand on avait douze ou treize ans ?

— Un truc comme ça oui. Dis-moi, Océ. J’ai discuté de son mariage avec Stephania, mais je n’ai jamais reçu son invitation. Est-ce que…

— Je l’ai reçu ? Bien sûr, ça fait déjà deux semaines.

— Deux semaines ? Qu’est-ce qui a bien pu se passer ?

— Tu devrais poser cette question à Marc. Au fait, ça se passe bien avec lui ?

— Pour le moment oui. Mais je dois t’avouer qu’être loin de lui en ce moment… je ne sais pas comment dire ça, mais moins je le vois, mieux je me porte. Je préférerais tellement être avec toi à la place.

— Moi aussi Elena, mais c’est comme ça. Tu as fait le meilleur choix possible pour l’Empire.

— Parce que tu n’es pas un bon choix ? Comment tu peux dire ça ?

— Écoute-moi bien chérie. Est-ce que les médecins et enseignants promis sont arrivés ?

— Oui et ils répandent déjà leur connaissance.

— Voilà ce que Marc pouvait t’apporter. Si tu t’étais mariée avec moi, tu n’aurais rien eu de tout ça.


Face à ces déclarations, je ne pus retenir mes larmes. Océane avait raison, mais je ne parvenais pas à l’accepter. Je ne pouvais pas m’y résoudre. C’était elle que je voulais et personne d’autre.


— Tu me manques tellement, Océ. Je ne suis pas heureuse sans toi. Et ne plus pouvoir te voir à cause de lui…

— Elena…

— Je n’y arrive plus, chérie. Te savoir si près et ne pas te rejoindre, ça fait trop mal.

— Je ne devrais pas te dire ça, mais… tu ne peux pas être accro comme ça à moi. Ce n’est pas bon pour toi ou pour ton mariage.

— Mais…

— Non, mon amour. Je sais que c’est dur, pour toi comme pour moi, mais du tout faire passer ton mariage en mariage en priorité. Ça doit être Marc avant moi. Je suis désolée Elena, mais c’est comme ça. Je t’aime.


Sans me laisser lui répondre, elle raccrocha. Ses paroles, c’était trop, ça faisait trop mal. Cette fois-ci, c’était pire que le jour où elle m’avait plaquée par téléphone. Elle savait à quel point j’étais amoureuse d’elle. Elle savait à quel point elle comptait pour moi, mais elle refusait, encore, d’accepter toute l’importance qu’elle avait dans ma vie.


— Elena ? m’interpella Stephania dans mon dos, inquiète.

— Ce n’est rien, répondis-je en séchant mes larmes. Je suis juste un peu fatiguée.

— Une mauvaise nouvelle au téléphone ?

— Non, juste… oubliez, ce n’est rien.

— Comme vous voulez. De toute façon il se fait tard, vous devriez peut-être aller vous coucher. Et puis vous partez tôt demain matin.

— Vous avez raison. En tout cas, merci de m’avoir accueilli.

— C’est normal, enfin.


Depuis que j’avais fait la connaissance de Stephania, elle était d’un soutien sans faille. Même si je prenais rarement de ses nouvelles, par manque de temps, elle était toujours là quand j’avais besoin de son aide. Que soit pour l’empire, pour mon mariage voir même pour Océane.

Annotations

Vous aimez lire Le studio d'Anaïs ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0